L'évolution du bilinguisme français-anglais au Canada de 1901 à 2011

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Mégatendances canadiennes

Les deux langues officielles du Canada, le français et l'anglais, sont depuis toujours au cœur de son identité. Trois décennies après la naissance de la Confédération canadienne en 1867, on a demandé pour la première fois aux Canadiens quelles langues ils pouvaient parler lors du Recensement de 1901 — alors que le premier Recensement du Canada (1871) mené après l'adoption de la Loi constitutionnelle de 1867 avait permis de montrer que les deux principaux groupes ethniques du pays, britannique et français, constituaient 92 % de la population, soit 61 % et 31 % respectivement.

Ainsi, lors du Recensement de 1901, trois questions sur la langue ont été posées à la population de 5 ans ou plus : une question sur la langue maternelle, une question sur la connaissance de l'anglais et une autre sur la connaissance du français. Depuis, chaque recensement a comporté une ou plusieurs questions sur la langue parlée, utilisée ou connue par les Canadiens. Dans tous les cas, à l'exception du Recensement de 1976, une ou deux questions ont porté sur la capacité de parler le français ou l'anglais. Les données des recensements des 110 ans écoulés entre 1901 et 2011 montrent que le bilinguisme français-anglais n'a pas connu un progrès constant, son évolution étant corrélée avec les changements socio-historiques et démographiques du pays.

État de la situation en 1901

En 1901, la population du Canada comptait un peu plus de 5,3 millions de personnes, dont 88 % avaient 5 ans ou plus. Selon le Recensement de 1901, 78,5 % de la population pouvait parler l’anglais et 32,0 % pouvait parler le français. Dans la province de Québec, ces pourcentages s’établissaient à 45,4 % et 85,8 % respectivement. Au Canada, la population capable de parler les deux langues s’établissait à 694 040 personnes. La proportion de la population bilingue français-anglais (ou taux de bilinguisme) était de 14,7 % dans l’ensemble du Canada, 32,9 % au Québec et 6,9 % dans le reste du pays.

De 1901 à 1941, un taux de bilinguisme changeant

Le taux global de bilinguisme français-anglais de la population de 5 ans ou plus a changé sensiblement au cours du siècle suivant. Au sein de l’ensemble de la population canadienne, ce taux a légèrement progressé de 1901 à 1921, puis a diminué jusqu’en 1941, année où il semble avoir atteint un creux historique de 12,4 % au Canada, 27,9 % au Québec et 6,4 % dans l’ensemble du Canada hors Québec.

Le recul a été plus important au Québec puisque le taux de bilinguisme passait de 34,7 % à 27,9% entre 1921 et 1941, contre une baisse de moins de 2 points de pourcentage dans l’ensemble du Canada hors Québec. Plusieurs facteurs pourraient avoir contribué à ce recul du taux de bilinguisme, dont la forte poussée de l’immigration internationale durant les 30 premières années du 20e siècle, l’exode de près d’un million de Canadiens français vers la Nouvelle-Angleterre de 1870 à 1930, ainsi que des taux élevés de fécondité parmi la population francophone, en particulier celle vivant en milieu rural. Cela dit, le bilinguisme français-anglais demeurait nettement plus répandu au Québec que dans le reste du Canada, une situation qui témoigne d’une dynamique différente du bilinguisme au Québec par rapport au reste du pays.

Graphique 1 Pourcentage de la population de 5 ans ou plus ayant déclaré pouvoir parler l’anglais et le français, Canada, Québec, Canada moins Québec, 1901 à 2011
Description du graphique 1
Pourcentage de la population de 5 ans ou plus ayant déclaré pouvoir parler l'anglais et le français, Canada, Québec, Canada moins Québec, 1901 à 2011
Année Canada Québec Canada moins Québec
1901 14,7 32,9 6,9
1921 15,1 34,7 8,1
1931 14,0 33,4 6,9
1941 12,4 27,9 6,4
1951 13,7 29,2 7,5
1961 13,7 28,9 7,6
1971 14,4 29,6 8,5
1981 16,3 34,6 9,7
1986 17,2 36,6 10,5
1991 17,3 37,5 10,4
1996 17,9 39,9 10,7
2001 18,5 42,6 10,8
2006 18,2 42,3 10,7
2011 18,3 44,6 10,2

Les changements majeurs des années 1960 et 1970

Les deux décennies suivantes ont été marquées par une hausse d’ensemble du taux de bilinguisme français-anglais au pays. D’abord modeste à partir de 1941, cette hausse s’est accentuée à partir des années 1960 au Canada, et à partir de 1970 au Québec. Cette augmentation coïncidait notamment avec les travaux de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme (1963-1970) et l’adoption en 1969 de la première Loi sur les langues officielles qui conférait un statut officiel et égal au français et à l’anglais au sein du gouvernement fédéral. Cette hausse s’inscrivait également dans la mouvance d’une valorisation croissante du bilinguisme français-anglais au pays et des retombées des premiers programmes d’immersion en français à la fin des années 1960, qui ont vu le jour au Québec pour ensuite se répandre dans tout le pays.

Hausse marquée du bilinguisme au Québec dans les années 1970

Les nombreux départs du Québec vers d’autres provinces des personnes de langue maternelle anglaise — dont plusieurs unilingues — au cours des années 1970, l’engouement croissant des jeunes Anglophones pour les programmes d’immersion en français ainsi que les effets de l’application de la Charte québécoise de la langue française (adoptée en 1977), notamment sur la fréquentation scolaire des enfants d’immigrants et sur la langue de travail, ont constitué autant de facteurs contribuant à l’accroissement significatif du bilinguisme français-anglais dans cette province. Le taux de bilinguisme est en effet passé de 29,6 % à 34,6 % entre 1971 et 1981, soit une augmentation de 5 points de pourcentage, contre à peine un point de pourcentage d’augmentation dans le reste du pays.

À partir de 1971, le taux de bilinguisme de la population de langue maternelle anglaise et du reste de la population non francophone du Québec a crû plus rapidement que celui de la population de langue maternelle française, creusant un écart qui atteignait en 1991 près de 30 points de pourcentage dans le cas des Anglophones et environ 15 points de pourcentage dans le cas de la population de langue maternelle autre que française ou anglaise. Ces écarts s’expliquent en partie par le fait que ces dernières populations étaient principalement concentrées sur le territoire de la région métropolitaine de recensement de Montréal, où la présence du français et les contacts interlinguistiques étaient fréquents. En contrepartie, moins de 40 % de la population de langue maternelle française résidait à Montréal et environ une personne sur deux résidait dans des régions où l’anglais était peu parlé.

Graphique 2 Pourcentage de la population de 5 ans ou plus ayant déclaré pouvoir parler l’anglais et le français, selon le groupe linguistique, Québec, 1901 à 2011
Description du graphique 2
Pourcentage de la population de 5 ans ou plus ayant déclaré pouvoir parler l'anglais et le français, selon le groupe linguistique, Québec, 1901 à 2011
Année Français Anglais Autres langues
1901 33,6 30,7 29,7
1921 35,6 27,3 34,3
1931 33,4 28,4 34,5
1941 29,5 31,8 33,5
1951 28,5 32,4 34,6
1971 27,6 38,9 35,5
1981 30,8 55,8 46,4
1991 33,3 61,6 51,2
1996 35,7 64,9 51,9
2001 38,4 68,8 55,2
2006 37,4 71,3 54,7
2011 40,2 70,1 55,1
Note : Les données présentées pour les recensements de la population de 1901 à 1951 sont fondées sur des fichiers échantillon produits à partir desdits recensements.
Source : Recensements du Canada de 1901 à 2011.

Hausse du bilinguisme dans le reste du Canada de 1960 à 2001

Dans le reste du Canada, l'évolution à la hausse du bilinguisme a été beaucoup moins marquée qu'au Québec, le taux de bilinguisme des Francophones y étant par ailleurs nettement plus élevé que celui des autres groupes linguistiques.

Pour ce qui est des personnes de langue maternelle autre que le français, le bilinguisme français-anglais s’observait essentiellement chez les jeunes. La hausse du bilinguisme chez les non-Francophones hors Québec depuis les années 1960 est principalement attribuable à l’évolution des inscriptions dans les programmes de français langue seconde, en particulier les programmes d’immersion en français. Par exemple, au cours de l’année scolaire 2011-2012, 356 500 jeunes du primaire et du secondaire étaient inscrits à un programme d’immersion en français à l’extérieur du Québec.

Graphique 3 Pourcentage de la population de 5 ans ou plus ayant déclaré pouvoir parler l'anglais et le français, selon le groupe linguistique, Canada moins Québec, 1901 à 2011

Graphique 3 Pourcentage de la population de 5 ans ou plus ayant déclaré pouvoir parler l’anglais et le français, selon le groupe linguistique, Canada moins Québec, 1901 à 2011
Description du graphique 3
Pourcentage de la population de 5 ans ou plus ayant déclaré pouvoir parler l'anglais et le français, selon le groupe linguistique, Canada moins Québec, 1901 à 2011
Année Français Anglais Autres langues
1901 65,8 2,0 1,8
1921 74,8 2,6 3,4
1931 76,1 1,6 2,1
1941 77,2 1,6 1,6
1951 78,9 2,0 1,9
1971 81,2 3,7 4,1
1981 81,9 5,7 5,4
1991 83,5 6,8 6,6
1996 85,7 7,3 6,7
2001 86,7 7,5 7,1
2006 85,0 7,8 6,8
2011 85,3 7,4 6,4
Note : Les données présentées pour les recensements de la population de 1901 à 1951 sont fondées sur des fichiers échantillon produits à partir desdits recensements.
Source : Recensements du Canada de 1901 à 2011.

État de la situation de 2001 à 2011

De 2001 à 2011, on a observé une stagnation, voire une baisse, du taux de bilinguisme au Canada, baisse qui n’était pas compensée par la hausse observée au Québec. L’un des facteurs ayant contribué à cette baisse à l’extérieur du Québec était l’immigration internationale qui oscillait pendant cette période  autour de 250 000 personnes annuellement; pendant cette période, cette immigration constituait le principal facteur de croissance de la population canadienne. Une forte majorité de ces immigrants n’avaient ni le français ni l’anglais comme langue maternelle et moins de 6 % d’entre eux avaient une connaissance des deux langues officielles à l’arrivée au pays; cette situation a des effets directs sur l’évolution des taux de bilinguisme français-anglais au pays.

Tout compte fait, le 20e siècle a vu une croissance importante du nombre de Canadiens bilingues

Depuis le début du 20e siècle, la population de 5 ans ou plus de l’ensemble du pays capable de soutenir une conversation en français et en anglais est passée de 14,7 % à 18,3 %. Bien que cette augmentation puisse paraître modeste en apparence, la population bilingue français-anglais s’est accrue de façon importante au cours du 20e siècle au Canada, passant de 656 530 personnes en 1901 à de près de 5,1 millions de personnes en 2011.


Définitions

Taux de bilinguisme : Nombre de personnes ayant déclaré parler ou connaitre l'anglais et le français par rapport à la population totale.

Anglais ou Anglophone : Personnes dont l'anglais est la langue maternelle ou la langue d'usage.

Français ou Francophone : Personnes dont le français est la langue maternelle ou la langue d'usage.

Références

Houle, R. et A. Cambron-Prémont. 2015. « Les concepts et les questions posées sur les langues aux recensements canadiens de 1901 à 1961 ». Cahiers québécois de démographie (à paraître).

Lepage, J.-F. et J.-P. Corbeil. 2013. L’évolution du bilinguisme français–anglais au Canada de 1961 à 2011. Regards sur la société canadienne. Produit no  75-006-X au catalogue de Statistique Canada.

Recensement de 1901 : Canadian Families Project (CFP), Université de Victoria, échantillon de 5 % de la population du Canada. Données en accès libre.

Recensements de 1921 à 1951 : Projet d’infrastructure de recherche sur le Canada au 20e siècle (IRCS), échantillon de 4 % (1921) et de 3 % (1931, 1941 et 1951). Données accessibles au moyen des Centres de données de recherche.

Personnes-ressources

Pour en savoir davantage sur les concepts, les méthodes et la qualité des données de la présente publication, communiquez avec René Houle (613-854-8473) ou Jean-Pierre Corbeil (613-850-4762) , Division de la statistique sociale et autochtone.

 
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