Aperçus économiques
Comment les travailleurs des secteurs de production d’énergie traditionnels s’en sortent-ils après avoir perdu leur emploi? Données de l’industrie de l’extraction de charbon

11-626-X no 124
Date de diffusion : le 22 septembre 2020

Le présent article d’Aperçus économiques examine comment les travailleurs déplacés de l’industrie de l’extraction du charbon s’en sortent après avoir perdu leur emploi. L’analyse repose sur le Fichier de données longitudinales sur la main-d’œuvre de Statistique Canada. L’étude montre que, pour de nombreux travailleurs œuvrant dans l’industrie de l’extraction du charbon et travailleurs d’autres industries, les pertes d’emplois entraînent une baisse du revenu d’emploi substantielle et persistante. Cependant, trois ans ou cinq ans après la suppression d’emploi, une proportion importante de travailleurs déplacés dans cette industrie et d’autres industries gagnent plus que le salaire gagné l’année ayant précédé la perte de leur emploi. Réunis, ces résultats ne soutiennent pas l’hypothèse selon laquelle tous les travailleurs déplacés des secteurs de production d’énergie subissent une baisse substantielle du revenu d’emploi après avoir perdu leur emploi. De même, ils n’appuient pas l’hypothèse selon laquelle tous les travailleurs déplacés de ces secteurs vivent une transition simple vers un nouvel emploi après avoir perdu leur emploi.

Les efforts déployés pour aider les entreprises et travailleurs canadiens à effectuer une transition vers une économie à faibles émissions de carbone ont soulevé la question suivante : comment les travailleurs déplacés dans les secteurs de la production d’énergie (comme le pétrole et le gaz, les centrales au charbon) ou dans les industries qui fournissent des intrants à ces secteurs (comme l’extraction du charbon) s’en sortent-ils après avoir perdu leur emploi? La perte d’emploi fait-elle en sorte que la majorité de ces travailleurs déplacés subissent une baisse substantielle des gains réels à court terme et à moyen terme ou la majorité des travailleurs déplacés vivent-ils une transition simple d’un emploi à un autre après avoir perdu leur emploi? À l’heure actuelle, on ne connaît pas la réponse à cette question qui est importante, puisqu’elle oriente les discussions sur les difficultés (ou l’absence de difficultés) auxquelles les travailleurs déplacés dans ces secteurs doivent faire face lorsqu’ils perdent leur emploi.

Selon un point de vue, on espère que les travailleurs déplacés des secteurs de production d’énergie soient en mesure de faire une transition sans problème vers des secteurs écologiques, comme les industries des panneaux solaires ou du recyclage, et ne subissent pas de conséquences financières graves en raison de la perte de leur emploi. Selon un autre point de vue, certains travailleurs des secteurs de production d’énergie n’ont peut-être pas les compétences requises pour obtenir un nouvel emploi dans les secteurs dynamiques. Ils peuvent donc être incapables de trouver des emplois relativement bien rémunérés après la suppression de leur emploi. La question visant à savoir si les travailleurs des secteurs de production d’énergie ou des industries fournissant des intrants à ces secteurs subissent des baisses de revenu d’emploi substantielles au cours des années suivant la perte d’emploi est empirique.

Cet article a pour objectif de répondre à cette question pour un groupe particulier de travailleurs, c’est-à-dire ceux qui ont été déplacés de l’industrie de l’extraction du charbon au cours des dernières années. Pour y parvenir, l’étude utilise le Fichier de données longitudinales sur la main-d’œuvre (FDLMO) de Statistique Canada, constitué de riches données administratives qui portent virtuellement sur tous les employés au Canada. L’étude vise la période allant de 1995 à 2015, et met l’accent sur les mises à pied permanentes, qui tiennent compte des pertes d’emploiNote .

Du milieu des années 1990 au début des années 2010, le taux de mise à pied dans l’industrie de l’extraction du charbon était relativement bas

Au cours de toutes les années de la période allant de 1995 à 2015, à l’exception de 2014 et de 2015, le taux de mise à pied dans l’industrie de l’extraction de charbon était inférieur à ceux observés en fabrication ou dans d’autres industries minières (graphique 1). Par exemple, le taux de mise à pied dans l’industrie de l’extraction de charbon était de 2,3 % en 2000, comparativement à 3,3 % en fabrication et à 3,6 % dans toutes les industries, ainsi que dans d’autres industries minières. La hausse considérable du taux de mise à pied dans l’industrie de l’extraction de charbon en 2015 a inversé cette tendance. En 2015, le taux de mise à pied dans l’industrie de l’extraction de charbon était, à 6,7 %, au moins 2,5 points de pourcentage plus élevé que les taux observés en fabrication ou dans d’autres industries minières. La hausse considérable du taux de mise à pied dans l’industrie de l’extraction de charbon après 2013 a coïncidé avec une hausse substantielle du taux de mise à pied dans l’industrie de l’extraction de pétrole et de gaz, qui était associée à une baisse du prix du pétroleNote .

Graphique 1 Taux de mise à pied des employés âgés de 20 à 64 ans, industries sélectionnées, 1995 à 2015

Tableau de données du graphique 1 
Tableau de donées du graphique 1
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de donées du graphique 1 Extraction de charbon, Autres activités minières, Extraction de pétrole et de gaz et Fabrication, calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Extraction de charbon Autres activités minières Extraction de pétrole et de gaz Fabrication
pourcentage
1995 1,1 3,4 2,4 4,5
1996 1,0 3,1 2,0 4,2
1997 1,8 4,8 2,2 3,9
1998 3,0 4,6 2,3 3,9
1999 2,6 4,8 1,7 3,4
2000 2,3 3,6 1,2 3,3
2001 3,6 4,0 1,0 4,6
2002 2,5 3,8 1,1 3,8
2003 3,2 4,1 0,9 3,9
2004 1,3 3,1 1,0 3,5
2005 2,0 3,0 0,7 3,5
2006 0,6 3,1 0,7 3,4
2007 1,5 2,9 0,9 3,7
2008 1,1 4,4 1,1 4,8
2009 1,3 3,1 2,1 5,6
2010 0,9 3,2 1,1 3,5
2011 0,6 3,0 0,9 3,3
2012 0,7 3,2 1,2 3,2
2013 2,7 4,1 2,2 3,1
2014 5,7 2,9 3,1 3,1
2015 6,7 4,1 6,0 3,5

La majorité des travailleurs de l’extraction du charbon déplacés ont trouvé un emploi au cours de l’année suivant la perte de leur emploi

La majorité des travailleurs de l’extraction du charbon déplacés au cours de la période allant de 1995 à 2015 ont trouvé un emploi rémunéré au cours de l’année suivant la perte de leur emploi. Le pourcentage de travailleurs mis à pied ayant trouvé un emploi rémunéré au cours de l’année suivant la perte de leur emploi allait de 67 % chez les travailleurs mis à pied en 1995 à 89 % chez ceux mis à pied en 2005 (graphique 2). Au cours de la période allant de 1995 à 2015, en moyenne, 75 % des travailleurs mis à pied dans l’industrie de l’extraction de charbon avaient un emploi rémunéré l’année suivant la perte d’emploi. Les moyennes correspondantes atteignaient environ 72 % pour l’ensemble des industries et le secteur de la fabrication, et environ 75 % dans l’industrie de l’extraction de pétrole et de gaz et d’autres industries minières.

Parmi tous les travailleurs de l’extraction du charbon mis à pied entre 1995 et 2000 et entre 2010 et 2015 et ayant trouvé un nouvel emploi au cours de l’année suivant la perte de leur emploi, environ le cinquième ont trouvé un emploi rémunéré dans l’industrie de l’extraction minière et de pétrole et de gaz au cours de l’année suivant la perte de leur emploi (tableau 1). Environ 20 % des autres travailleurs ont trouvé un emploi rémunéré dans des industries de services à niveau élevé de compétencesNote . Les industries dans lesquelles le nouvel emploi se trouvait étaient sensiblement semblables, à tout le moins lorsqu’on tient compte des groupes industriels généraux, chez les travailleurs mis à pied de l’industrie de l’extraction de charbon et ceux mis à pied dans d’autres industries minières. Par rapport à ces deux groupes de travailleurs, les employés déplacés de l’extraction de pétrole et de gaz étaient plus susceptibles de trouver un nouvel emploi dans l’industrie de l’extraction minière, de l’exploitation en carrière et de l’extraction de pétrole et de gaz ou dans une industrie à niveau élevé de compétences au cours de l’année suivant la perte d’emploi et, entre 2010 et 2015, étaient moins susceptibles de trouver un nouvel emploi en construction. Comme attendu, les travailleurs déplacés des entreprises de fabrication étaient plus susceptibles que ceux déplacés de l’extraction de charbon, d’autres industries minières ou de l’extraction minière et de pétrole et de gaz d’avoir un nouvel emploi en fabrication.

Graphique 2 Pourcentage de travailleurs mis à pied âgés de 20 à 64 ans qui ont trouvé un emploi rémunéré au cours de l’année ayant suivi la perte d’emploi, industries sélectionnées, 1995 à 2015

Tableau de données du graphique 2 
Tableau de données du graphique 2
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du graphique 2 Extraction de charbon, Autres activités minières, Extraction de pétrole et de gaz et Fabrication, calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Extraction de charbon Autres activités minières Extraction de pétrole et de gaz Fabrication
pourcentage
1995 66,8 72,3 67,5 65,8
1996 73,4 75,0 76,3 71,2
1997 72,3 74,6 80,4 73,0
1998 72,0 77,2 76,6 74,2
1999 72,8 78,6 74,8 75,3
2000 73,3 75,2 74,5 74,3
2001 69,8 65,1 72,8 73,1
2002 75,0 76,7 71,5 72,7
2003 74,1 78,2 75,2 72,6
2004 78,0 75,2 70,3 72,6
2005 88,6 75,6 73,3 72,4
2006 81,1 77,0 78,0 72,9
2007 71,9 76,2 75,6 72,5
2008 68,8 71,2 71,1 65,1
2009 69,0 75,9 76,1 66,3
2010 72,0 75,2 74,0 69,4
2011 74,7 73,1 77,4 70,4
2012 76,1 76,6 75,3 70,9
2013 81,1 72,4 78,6 71,9
2014 79,4 77,6 74,0 71,3
2015 76,3 75,6 60,0 70,8

Tableau 1
Industrie du nouvel emploi au cours de l’année suivant la perte d’un emploi — travailleurs mis à pied âgés de 20 à 64 ans qui ont un emploi rémunéré au cours de l’année suivant la perte d’emploi, Canada, industries sélectionnées, 1995-2000 et 2010-2015
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Industrie du nouvel emploi au cours de l’année suivant la perte d’un emploi — travailleurs mis à pied âgés de 20 à 64 ans qui ont un emploi rémunéré au cours de l’année suivant la perte d’emploi. Les données sont présentées selon Industrie dans laquelle le nouvel emploi se trouve (titres de rangée) et Extraction minière et extraction de pétrole et de gaz, Construction, Fabrication, Services à niveau élevé de compétences, Services à faible niveau de compétences, AESA, Autres industries et Dans l’ensemble, calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Industrie dans laquelle le nouvel emploi se trouve Extraction minière et extraction de pétrole et de gaz Construction Fabrication Services à niveau élevé de compétences Services à faible niveau de compétences AESATableau 1 Note 1 Autres industries Dans l’ensemble
pourcentage
Travailleurs mis à pied de l’extraction de charbon
1995-2000 18,4 13,1 14,3 21,5 8,8 11,3 12,7 100,0
2010-2015 22,2 16,8 11,8 20,3 8,0 10,7 10,3 100,0
Changement 3,8 3,7 -2,5 -1,3 -0,8 -0,5 -2,5 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Travailleurs mis à pied d’autres industries minières
1995-2000 19,1 18,6 14,4 19,1 7,0 8,7 13,2 100,0
2010-2015 18,2 20,1 11,2 20,3 8,7 9,6 11,8 100,0
Changement -0,9 1,6 -3,2 1,2 1,8 0,9 -1,4 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Travailleurs mis à pied de l’extraction de pétrole et de gaz
1995-2000 28,1 12,1 9,4 26,1 7,3 6,9 10,1 100,0
2010-2015 27,8 9,9 6,3 28,6 7,1 10,3 9,9 100,0
Changement -0,3 -2,2 -3,0 2,5 -0,2 3,4 -0,2 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Travailleurs mis à pied de l’industrie de la fabrication
1995-2000 1,4 10,5 37,3 18,5 11,4 5,8 15,2 100,0
2010-2015 1,5 13,4 28,4 22,5 12,5 6,8 14,9 100,0
Changement 0,2 2,9 -8,8 4,0 1,1 0,9 -0,3 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Travailleurs mis à pied des services à niveau élevé de compétences
1995-2000 1,6 9,8 12,7 40,3 12,3 9,9 13,4 100,0
2010-2015 1,7 10,5 8,8 44,1 12,9 9,9 12,0 100,0
Changement 0,1 0,7 -3,9 3,8 0,7 0,0 -1,5 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer
Travailleurs mis à pied des services à faible niveau de compétences
1995-2000 0,6 4,3 9,7 17,0 45,1 9,0 14,3 100,0
2010-2015 0,7 5,2 5,9 17,6 47,5 10,0 13,2 100,0
Changement 0,1 0,9 -3,8 0,5 2,4 1,0 -1,1 Note ...: n'ayant pas lieu de figurer

Tout comme les autres travailleurs déplacés, environ la moitié des travailleurs de l’extraction du charbon déplacés entre 2004 et 2011 ont subi une baisse d’au moins 30 % de leurs revenus à court terme

Parmi les enjeux clés de la suppression d’emploi, il y a le fait d’établir si les travailleurs déplacés subissent des pertes de salaires substantielles et persistantes (Jacobson, Lalonde et Sullivan, 1993; Morissette, Zhang et Frenette, 2007; Morissette, Qiu et Chan, 2013; Morissette et Qiu, 2020). Si le revenu d’emploi diminue peu de temps après la perte d’un emploi, est-il rapidement récupéré? S’écoule-t-il de nombreuses années avant que le travailleur retrouve le salaire qu’il gagnait avant que son emploi soit supprimé? Il est crucial de répondre à ces questions pour connaître l’ampleur des coûts d’adaptation auxquels les travailleurs déplacés doivent faire face.

Le tableau 2 examine cette question, et montre les variations en pourcentage en ce qui concerne les salaires et traitements annuels réels que subissent les travailleurs déplacés de l’industrie de l’extraction du charbon. Les variations en pourcentage des salaires annuels réels sont calculées, de l’année précédant la perte de l’emploi : a) à l’année suivant la perte de l’emploi; b) à trois ans après la perte de l’emploi; c) à cinq ans après la perte de l’emploi. Puisque la perte d’un emploi peut faire en sorte que les personnes se retrouvent au chômage pendant longtemps, les travailleurs mis à pied qui n’ont pas de revenu d’emploi après avoir perdu leur emploi sont compris dans l’analyse, tant qu’ils ont présenté une déclaration de revenus au cours des années suivant la suppression de leur emploi. Pour tenir compte de toute inquiétude au sujet d’un départ à la retraite précoce cinq ans après la perte d’un emploi, l’échantillon ne comprend que les travailleurs âgés de 25 à 49 ans au moment de la perte d’emploi (qui sont donc âgés de 30 à 54 ans cinq ans après la perte de l’emploi)Note .

Le tableau 2 montre que les baisses médianes en pourcentage des salaires et traitements annuels des travailleurs mis à pied dans les entreprises d’extraction de charbon entre 2004 et 2011 ont représenté 32 %, allant de l’année précédant la perte de l’emploi à l’année suivant la perte de cet emploi. Les baisses correspondantes pour les travailleurs mis à pied dans d’autres industries étaient, à 33 %, semblables. Selon ces chiffres, environ la moitié des travailleurs mis à pied dans l’industrie de l’extraction de charbon et d’autres industries pendant la période de 2004 à 2011 ont vu leurs salaires et traitements annuels baisser d’au moins 30 % à court terme.

Puisque les travailleurs de l’extraction du charbon reçoivent un salaire supérieur à la moyenneNote , leurs salaires et traitements annuels médians ont diminué beaucoup plus au cours de cette période. Comme le montre le tableau 3, les baisses médianes des salaires et traitements annuels des travailleurs de l’extraction du charbon déplacés entre 2004 et 2011 ont représenté environ 14 800 $ (en dollars de 2016) à court terme, soit plus du double des baisses médianes (d’environ 6 100 $) subies par les autres travailleurs mis à piedNote .


Tableau 2
Variation en pourcentage des salaires et traitements annuels réels (en dollars de 2016) après la perte d’emploi, travailleurs âgés de 25 à 49 ans mis à pied au cours de l’année t
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Variation en pourcentage des salaires et traitements annuels réels (en dollars de 2016) après la perte d’emploi. Les données sont présentées selon Centile de la répartition des changements relatifs aux revenus (titres de rangée) et Année t-1 à année t+1, Année t-1 à année t+3, Année t-1 à année t+5, 25e, 50e et 75e, calculées selon pourcentage unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Centile de la répartition des changements relatifs aux revenus Année t-1 à année t+1 Année t-1 à année t+3 Année t-1 à année t+5
25e 50e 75e 25e 50e 75e 25e 50e 75e
pourcentage
Mis à pied dans l’industrie de l’extraction de charbon
1995 à 2003 -96,4 -58,7 -12,0 -67,9 -21,9 25,2 -60,9 -7,7 43,6
2004 à 2011 -80,5 -32,4 7,2 -48,8 1,6 53,5 -49,3 11,1 73,1
Mis à pied dans toutes les autres industries
1995 à 2003 -92,2 -31,0 28,4 -65,5 1,3 82,8 -61,8 11,7 109,9
2004 à 2011 -92,7 -32,8 24,4 -67,2 -2,2 72,7 -67,1 4,5 91,0

Tableau 3
Changement relatif aux salaires et traitements annuels réels (en dollars de 2016) après la perte d’emploi, travailleurs âgés de 25 à 49 ans mis à pied au cours de l’année t
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Changement relatif aux salaires et traitements annuels réels (en dollars de 2016) après la perte d’emploi. Les données sont présentées selon Centile de la répartition des changements relatifs aux revenus (titres de rangée) et Année t-1 à année t+1, Année t-1 à année t+3, Année t-1 à année t+5, 25e, 50e et 75e, calculées selon en dollars de 2016 unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Centile de la répartition des changements relatifs aux revenus Année t-1 à année t+1 Année t-1 à année t+3 Année t-1 à année t+5
25e 50e 75e 25e 50e 75e 25e 50e 75e
en dollars de 2016
Mis à pied dans l’industrie de l’extraction de charbon
1995 à 2003 -56 828 -27 973 -4 431 -37 053 -10 863 11 322 -32 573 -3 936 20 910
2004 à 2011 -39 218 -14 769 4 108 -24 657 1 018 23 222 -19 373 6 152 30 869
Mis à pied dans toutes les autres industries
1995 à 2003 -18 002 -4 931 4 773 -11 752 282 14 187 -10 531 2 608 18 956
2004 à 2011 -20 867 -6 105 4 940 -13 852 -370 15 048 -13 073 1 176 19 020

Les tableaux 2 et 3 soulignent également la diversité des changements relatifs aux revenus d’emploi que subissent les travailleurs mis à pied. Parmi tous les travailleurs mis à pied de l’extraction du charbon de 2004 à 2011, le quart d’entre eux ont vu leurs revenus d’emploi baisser d’au moins 39 200 $ à court terme. Le montant correspondant pour les travailleurs mis à pied dans d’autres industries était d’environ 20 900 $.

En revanche, un travailleur déplacé dans l’industrie de l’extraction de charbon sur quatre a vu ses revenus d’emploi augmenter d’au moins 4 100 $ entre l’année précédant la perte d’emploi et l’année après celle-ci. Dans le même ordre d’idées, le quart des travailleurs mis à pied dans d’autres industries a vu ses revenus augmenter d’au moins 4 900 $ à court terme. La majorité des travailleurs mis à pied, mais pas tous, ont donc connu une baisse des revenus d’emploi à court terme.

Même si les changements relatifs aux salaires sont plus favorables à plus long terme, de nombreux travailleurs déplacés (de l’industrie de l’extraction du charbon ou d’autres industries) subissent une baisse de leurs salaires cinq ans après avoir perdu leur emploi

Alors que le temps qui s’écoule depuis la perte d’emploi augmente, les travailleurs déplacés ont davantage l’occasion de trouver d’autres emplois. C’est pourquoi on pourrait s’attendre à ce que les salaires changent de manière favorable à moyen terme plutôt qu’à court terme.

Les tableaux 2 et 3 confirment que c’est bien le cas. Selon le tableau 3, trois ans après la perte d’un emploi, le changement médian en ce qui concerne les revenus d’emploi qu’observent les travailleurs déplacés de l’industrie de l’extraction du charbon entre 2004 et 2011 était légèrement positif, soit environ 1 000 $. Le changement médian correspondant en ce qui concerne les revenus d’emploi des homologues mis à pied dans d’autres industries était d’environ -400 $.

Malgré tout, le quart des travailleurs mis à pied dans l’industrie de l’extraction du charbon de 2004 à 2011 ont vu leurs salaires et traitements annuels baisser d’au moins 24 700 $ trois ans après la perte d’un emploi. Puisque les prestations d’assurance-emploi couvrent, habituellement, les travailleurs mis à pied pendant environ un an seulement, ce résultat laisse entendre que, pour un groupe important de travailleurs déplacés de l’extraction du charbon, les baisses substantielles des revenus d’emploi persistent même lorsque les prestations d’assurance-emploi ne sont plus versées.

La persistance des baisses de revenus d’emploi chez certains travailleurs déplacés est observée même cinq ans après la perte d’un emploi. Parmi tous les travailleurs mis à pied dans l’industrie de l’extraction du charbon de 2004 à 2011, le quart d’entre eux ont vu leurs salaires et traitements annuels baisser d’au moins 19 400 $ cinq ans après la perte d’un emploiNote . Dans le même ordre d’idées, parmi tous les travailleurs mis à pied dans d’autres industries de 2004 à 2011, le quart d’entre eux ont vu leurs salaires et traitements annuels baisser d’au moins 13 100 $ au cours de cette période. En revanche, le quart de tous les travailleurs déplacés, que ce soit dans l’industrie de l’extraction du charbon ou d’autres industries, a vu ses salaires et traitements annuels augmenter d’au moins 19 000 $ entre l’année précédant la perte d’emploi et la cinquième année suivant la perte de celui-ci.

Réunis, les chiffres fournis dans les tableaux 2 et 3 mettent en évidence le fait que les conséquences financières de la perte d’un emploi ne sont pas uniformes pour tous les travailleurs déplacés. Cette situation s’applique lorsqu’on tient compte des travailleurs mis à pied entre 2004 et 2011 et ceux mis à pied entre 1995 et 2003. Qu’ils perdent leur emploi dans l’industrie de l’extraction de charbon ou dans d’autres industries, ce ne sont pas tous les travailleurs déplacés qui subissent des baisses de revenus d’emploi. Cependant, même cinq ans après la perte d’emploi, une proportion importante de travailleurs déplacés ont des revenus d’emploi beaucoup plus bas qu’avant la perte de l’emploi (Morissette et Qiu, 2020).

Il faut souligner que les chiffres fournis dans les tableaux 2 et 3 ne mettent en évidence que les baisses de salaires observées que les travailleurs mis à pied ont subies; ils ne tiennent pas compte de la croissance des salaires que les travailleurs déplacés auraient enregistrée s’ils n’avaient pas perdu leur emploi. C’est pourquoi les baisses des salaires apparaissant dans les tableaux 2 et 3 représentent une borne inférieure des pertes de revenus d’emploi (c.-à-d. les baisses de revenus plus la croissance des revenus sacrifiée) des travailleurs déplacés dans l’industrie de l’extraction de charbon ou d’autres industries.

Conclusion

Les efforts déployés pour assurer la transition vers une économie à faibles émissions de carbone ont soulevé des questions à savoir si les travailleurs déplacés dans les secteurs traditionnels de la production d’énergie peuvent subir des baisses de revenus d’emploi substantielles après avoir perdu leur emploi. De manière plus optimiste, on peut considérer que les travailleurs déplacés dans ces secteurs peuvent être en mesure de faire une transition sans problème vers des secteurs écologiques, comme les industries des panneaux solaires ou du recyclage, et peuvent ne pas subir de conséquences financières graves en raison de la perte de leur emploi.

Pour approfondir cette question, cette étude documente les trajectoires d’emploi et de rémunération des travailleurs déplacés de l’industrie de l’extraction du charbon au cours de la fin des années 1990 et pendant les années 2000. Les résultats montrent que, pour de nombreux travailleurs œuvrant dans l’industrie de l’extraction du charbon et d’autres travailleurs, les pertes d’emplois entraînent une baisse du revenu d’emploi substantielle et persistante.

Cela dit, les chiffres montrent clairement que les conséquences financières de la perte d’un emploi ne sont pas uniformes pour tous les travailleurs déplacés. Qu’ils perdent leur emploi dans l’industrie de l’extraction de charbon ou dans d’autres industries, ce ne sont pas tous les travailleurs déplacés qui subissent des baisses de revenus d’emploi. Trois ans ou cinq ans après avoir perdu un emploi, une proportion importante de travailleurs déplacés gagnent plus que le salaire gagné l’année ayant précédé la perte de leur emploi.

Il faut souligner quelques limites. Tout d’abord, l’étude quantifie les baisses de revenus d’emploi et les gains de revenus d’emploi observés après la suppression d’emploi, mais ses calculs ne tiennent pas compte de la croissance des revenus d’emploi sacrifiée en raison de la perte d’emploi. Ensuite, on n’étudie pas la question à savoir quels groupes de travailleurs subissent des baisses ou hausses de revenus d’emploi substantielles. Elle devrait faire l’objet d’autres études.

Malgré ces limites, l’étude dresse un portrait nuancé des résultats après la suppression de l’emploi des travailleurs mis à pied dans l’industrie de l’extraction de charbon. Ce portrait nuancé ne va pas de pair avec l’hypothèse selon laquelle tous les travailleurs déplacés des secteurs de production d’énergie subissent une baisse substantielle du revenu après avoir perdu leur emploi. De même, il n’appuie pas l’hypothèse selon laquelle tous les travailleurs déplacés de ces secteurs vivent une transition simple vers un nouvel emploi après avoir perdu leur emploi.

Références

Jacobson, L. S., R. J. Lalonde, et D. G. Sullivan. 1993. « Earnings Losses of Displaced Workers ». American Economic Review 83 : 685 à 709.

Morissette, R., X. Zhang, et M. Frenette. 2007. « Les pertes de gains des travailleurs déplacés : données canadiennes extraites d’une importante base de données sur les fermetures d’entreprises et les licenciements collectifs ». Série de documents de recherche de la Direction des études analytiques, no 291. Produit no 11F0019M au catalogue de Statistique Canada.

Morissette, R., H. Qiu et P.C.W. Chan. 2013. « Le risque et le coût des pertes d’emploi au Canada, 1978–2008 ». Revue canadienne d’économique 46 (4) : 1480 à 1509.

Morissette, R., et H. Qiu. 2020. Turbulence or Steady Course? Permanent Layoffs in Canada, 1978-2016. Étude no 76 de l’IRPP. Montréal : Institut de recherche en politiques publiques.


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