Aperçus économiques
Sélection des immigrants en deux étapes : l’expérience de travail spécialisé par rapport à un emploi réservé

11-626-X No 118

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L’expérience de travail canadienne et un emploi réservé sont des critères déterminants des programmes d’immigration économique gérés par le système Entrée express du Canada. Alors que l’emploi réservé peut rendre plus directement compte de la préférence des employeurs que l’expérience de travail canadienne, cette dernière peut mieux saisir la valeur effective des compétences sur le marché lorsqu’elle est mesurée selon les niveaux de revenus au Canada avant l’immigration. Chez principaux demandeurs dans la force de l’âge sélectionnés par l’intermédiaire du système Entrée express, le fait d’avoir des revenus au Canada avant l’immigration est associé à un important avantage sur le plan du taux d’emploi au cours des deux premières années suivant l’immigration, tandis que le fait d’avoir un emploi réservé n’a pas d’effet sur l’emploi après prise en compte des caractéristiques des immigrants. Pendant les deux premières années suivant l’immigration, lorsque leurs caractéristiques sont par ailleurs similaires, les immigrants qui avaient un emploi réservé avant leur l’arrivée touchaient 15 % de plus que ceux qui n’en avaient pas, alors que les immigrants qui avaient des revenus élevés au Canada avant leur admission touchaient des revenus près de deux fois plus élevés que ceux qui n’avaient pas de revenus au Canada avant leur arrivée. Après l’immigration, les immigrants qui avaient des revenus moyens et faibles au Canada avant leur admission ne présentaient aucun avantage sur le plan des revenus par rapport à ceux qui n’en avaient pas. Dans l’ensemble, le niveau de revenus au Canada des immigrants avant leur admission est un important indicateur prévisionnel des revenus après l’immigration, tandis que le fait d’avoir un emploi réservé a peu d’effet sur la variation des revenus après l’immigration chez les demandeurs principaux des programmes d’immigration économique.

Il s’agit du cinquième de cinq articles sur le processus de sélection en deux étapes.

Introduction

Le processus de sélection des immigrants en deux étapes, soit la sélection des immigrants de la composante économique parmi les travailleurs étrangers temporaires (TET), a pris de l’ampleur depuis les années 2000. De 2000 à 2018, la part des demandeurs ayant des revenus au Canada avant leur immigration, parmi les demandeurs principaux de la composante économique, a augmenté pour passer de 12 % à 59 %. Ainsi, la majorité des demandeurs principaux récents de la composante économique ont été sélectionnés parmi d’anciens résidents étrangers ayant déjà travaillé au Canada (Hou, Crossman et Picot, 2020a). Il s’agit là d’un développement majeur. Les immigrants qui possédaient une expérience de travail qualifié au Canada avant d’obtenir leur résidence permanente ont tendance à afficher des taux d’emploi et des revenus initiaux supérieurs à ceux des immigrants qui sont admis directement à partir de l’étranger (Hou et Bonikowska, 2018; Hou et Picot, 2016).

Une importante caractéristique de la sélection en deux étapes est le rôle déterminant qu’y jouent les employeurs. À la première étape du processus, les décisions relatives à l’embauche de TET et à leur maintien en poste sont surtout prises par les employeurs. Dans le système américain de sélection par les employeurs, en plus de prendre ces décisions, les employeurs parrainent les TET dans leur demande de résidence permanente. En comparaison, dans le système canadien fondé sur des points, le gouvernement établit les règles et les critères pour l’octroi du statut de résident permanent, et c’est généralement à lui que revient la décision quant aux TET qui auront ce statut et à leur nombre. Cependant, le Canada, tout comme d’autres pays ayant un système fondé sur des points, dont l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni, tiennent compte de l’avis des employeurs en attribuant des points pour les offres d’emploi (Papademetriou et Hooper, 2019; Hiebert, 2019). En effet, selon l’importance relative accordée au fait pour un demandeur d’avoir une offre d’emploi, les employeurs peuvent jouer un rôle décisif dans la sélection des immigrants de la composante économique. Lorsque le système Entrée express (EE) du Canada a été mis en place, une offre d’emploi garantissait essentiellement le succès d’une demande de résidence permanente. Deux ans après la mise en œuvre du système, les points attribués pour une offre d’emploi ont été beaucoup réduits, mais pour certaines provinces, une offre d’emploi demeure obligatoire dans le cadre du Programme des candidats des provinces (Papademetriou et Hooper, 2019).

Alors qu’il serait relativement facile pour les TET d’obtenir une offre d’emploi pour leur demande d’immigration, la plupart des demandeurs en ayant une sont susceptibles d’être d’anciens TET. Il est concevable qu’une offre d’emploi puisse grandement améliorer la chance d’un TET peu qualifié de passer le processus de sélection. Cependant, les TET hautement qualifiés affichant des facteurs de capital humain favorables peuvent ne pas avoir à dépendre d’une offre d’emploi pour être admissibles à la résidence permanente. Compte tenu du fait que l’expérience de travail canadienne et les offres d’emploi sont d’importants critères de sélection et qu’ils se chevauchent dans une large mesure, le présent article tente de déterminer si un emploi réservé procure le même avantage économique que l’expérience de travail canadienne avant l’admission au Canada.

Cet article est le cinquième d’une série portant sur l’importance croissante des TET dans la sélection des nouveaux immigrants au Canada et leur situation sur le marché du travail. Dans les articles précédents de cette série, il a été question des avantages et des risques potentiels du processus de sélection en deux étapes (Crossman, Hou et Picot, 2020), de l’expansion récente de ce processus de sélection au Canada (Hou, Crossman et Picot, 2020a), de l’incidence de cette expansion sur la situation des immigrants sur le marché du travail (Hou, Crossman et Picot, 2020b) et de la contribution possible du processus de sélection en deux étapes à la variation des résultats sur le marché du travail selon la catégorie d’admission (Hou, Crossman et Picot, 2020c). Dans ce qui suit, l’évolution des facteurs de l’offre d’emploi et de l’expérience de travail canadienne, comme critères de sélection pour les immigrants de la composante économique, est présentée, suivie d’un examen de leur importance relative comme indicateurs des résultats initiaux des immigrants de la composante économique sur le marché du travail.

L’expérience de travail canadienne et l’emploi réservé comme critères de sélection pour l’immigration

Du début du système de points en 1967 jusqu’à la mise en œuvre du système Entrée express (EE) en 2015, le facteur de l’emploi réservé a fait partie des critères de sélection pour l’immigration, même s’il ne s’agissait pas d’un facteur déterminant. De manière générale, 10 points sur un total de 100 à 110 points (McWhinney, 1998; IRCC, 2013) étaient attribués pour une offre d’emploi valide. Puis, les critères de sélection ont été modifiés en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) et à compter de 2002, les demandeurs du Programme des travailleurs qualifiés (fédéral) pouvaient se voir attribuer 5 points supplémentaires pour un emploi réservé dans le cadre du maximum de 10 points attribués à « l’adaptabilité ». Lorsque le système de gestion des demandes EE a été mis en place en 2015, une offre d’emploi valide garantissait essentiellement l’accès au bassin de demandeurs de résidence permanente. Dans le système EE, les candidats obtiennent une note du Système de classement global (SCG); la note maximale que peut recevoir un demandeur est de 1 200 points, soit 600 points pour la composante principale et 600 points pour la composante de points supplémentaires. En 2015, les candidats pouvaient obtenir 600 points supplémentaires pour une offre d’emploiNote ou une nomination provinciale/territoriale. De nombreux demandeurs ayant obtenu les 600 points supplémentaires parce qu’ils avaient une offre d’emploi étaient des superviseurs de service ou des chefs cuisiniers qui étaient souvent choisis à partir du bassin avant certains candidats hautement qualifiés. Pour rééquilibrer le système de classement, en 2016, le nombre de points attribués pour les offres d’emploi a été réduit à 200 points pour les candidats recevant une offre d’emploi valide dans des professions de cadres supérieurs, et à 50 points pour les candidats ayant une offre d’emploi valide dans des professions de cadres intermédiaires et des professions exigeant au moins des études postsecondaires partielles (IRCC, 2016 et 2017)Note .

Alors que l’emploi réservé faisait toujours partie des facteurs de sélection, l’expérience de travail canadienne n’a pas été particulièrement prise en compte jusqu’en 2002, soit jusqu’à l’entrée en vigueur de la LIPR. Cependant, l’expérience de travail canadienne n’était qu’un facteur parmi d’autres, et valait au plus 5 points dans la catégorie « adaptabilité ». Selon des données probantes sur l’incidence positive de l’expérience de travail canadienne sur les revenus après la migration (p. ex. Bonikowska, Hou et Picot, 2015), l’introduction du système EE en 2015 a essentiellement transformé l’importance relative de ce facteur dans le processus de sélection. L’expérience de travail canadienne est devenue l’un des quatre grands facteurs de sélection du capital humain (les trois autres étant l’âge, le niveau de scolarité et les compétences en matière de langues officielles)Note .

Selon le SCG utilisé pour le système EE, les demandeurs ayant une expérience de travail canadienne peuvent recevoir un maximum de 80 points dans les facteurs principaux de capital humain et 100 points supplémentaires pour les facteurs de transférabilité des compétences s’ils possèdent aussi un diplôme d’études postsecondaires et une expérience de travail à l’étranger (IRCC, 2019a). Le total (180 points) est tout de même inférieur aux 200 points attribués pour une offre d’emploi valide dans des professions de cadres supérieurs, mais il est beaucoup plus élevé que les 50 points attribués pour une offre d’emploi valide dans d’autres professions admissibles, où l’on trouve la plupart des offres d’emploi. Compte tenu du fait que la note minimale du SCG requise pour inviter les demandeurs variait de 439 à 456 points en 2018 (IRCC, 2019b), le maximum de points attribués pour l’expérience de travail canadienne peut maintenant représenter jusqu’à 40 % de la note de passage.

Selon le processus de sélection du système EE, les notes pour l’expérience de travail canadienne sont attribuées en fonction des années d’expérience de travail plutôt que du niveau de revenus au Canada avant l’immigrationNote . Cependant, les revenus au Canada des immigrants avant leur admission constituent un bien meilleur indicateur des revenus après l’immigration que les années d’expérience de travail canadienne avant l’immigration au Canada. En utilisant un modèle multivarié pour prédire les gains initiaux des immigrants de la composante économique admis dans les années 2000, Hou et Picot (2016) ont trouvé que s’il y avait des revenus au Canada avant l’immigration, il n’y avait aucun lien positif entre le nombre d’années d’expérience de travail canadienne avant l’admission et les revenus initiaux des immigrants. Les auteurs ont affirmé que le niveau de revenus rend compte de la « valeur effective des compétences sur le marché » [traduction] (p. 320).

Par ailleurs, l’expérience de travail canadienne dans des emplois peu spécialisés (et faiblement rémunérés) était liée à une faible croissance des revenus. À partir des données sur les immigrants de la composante économique admis entre 1990 et 2006 et âgés de 20 à 54 ans, Hou et Bonikowska (2018) ont déterminé que les immigrants dont l’expérience de travail canadienne avant l’immigration était dans des emplois peu spécialisés avaient des revenus significativement plus faibles au moment de leur arrivée et affichaient une croissance plus lente de leurs revenus que les immigrants sans expérience canadienne antérieure. Ces résultats laissent supposer que les TET spécifiquement recrutés pour des emplois peu spécialisés et faiblement rémunérés peuvent ne pas être en mesure de passer à des emplois mieux rémunérés après l’obtention de la résidence permanente et peuvent avoir du mal à s’ajuster aux variations cycliques et structurelles du marché du travail. De manière plus générale, ce n’est pas le simple fait d’avoir une expérience de travail canadienne avant l’immigration, mais aussi d’avoir une expérience de travail canadienne dans un emploi spécialisé et hautement rémunéré qui est un indicateur clé de meilleurs résultats sur le marché du travail après l’immigration (Hou, Crossman et Picot, 2020c).

Qu’est-ce qui prédit le mieux l’emploi et les revenus après l’immigration : l’expérience de travail spécialisé ou l’emploi réservé?

Dans une étude antérieure, les données de sélection détaillées pour les immigrants de la composante économique arrivés en vertu de la LIPR, entre 2003 et 2008, ont été utilisées pour évaluer l’importance relative de l’expérience de travail au Canada et de l’emploi réservé (Bonikowska, Hou et Picot, 2015). Pour les immigrants du Programme de travailleurs qualifiés (fédéral), les estimations du modèle de régression multivariée ont montré que le fait d’avoir un emploi réservé (comparativement au fait de ne pas en avoir eu un) a augmenté les revenus pendant les deux premières années complètes après l’admission d’environ 25 %. Bien que significative, cette augmentation était relativement petite comparativement au fait d’avoir de l’expérience de travail au Canada avant l’immigration, qui a fait augmenter les revenus d’environ 65 % (Bonikowska, Hou et Picot, 2015).

Le présent article tente de déterminer si les revenus au Canada avant l’immigration ou le fait d’avoir un emploi réservé sont les meilleurs indicateurs prévisionnels des résultats initiaux sur le marché du travail. Les données portent sur les demandeurs principaux de la composante économique admis dans le cadre du système EE au cours de la période de 2015 à 2016, et sont tirées de la Base de données longitudinales sur l’immigrationNote . Au cours de cette période de deux ans, environ 16 % des demandeurs principaux de la composante économique ont été sélectionnés dans le cadre du système EE, alors que la majorité ont été sélectionnés dans le cadre du système de points qui a précédé l’EE. Les données sur l’emploi réservé n’ont été recueillies que pour les demandeurs principaux de l’EE.

Le niveau de revenus qui figure dans le fichier de données fiscales est utilisé comme mesure du niveau de compétence de l’expérience de travail canadienne avant l’immigration. Cette mesure est meilleure que celle du niveau de compétence des permis de travail des TET utilisé dans le cadre de certaines études antérieures (Bonikowska, Hou et Picot, 2015; Hou et Bonikowska, 2018), car de plus en plus de TET possèdent des permis de travail ouverts pour lesquels les niveaux de compétence ne peuvent être déterminés, et certains détenteurs de permis de travail ne travaillent même pas au Canada alors que certains résidents étrangers (des étudiants internationaux) peuvent travailler sans permis de travail (Lu et Hou, 2019).

Parmi les demandeurs principaux de l’EE de la cohorte de 2015 à 2016 âgés de 20 à 54 ans au moment de leur admission, 79 % avaient des revenus au Canada avant l’immigration et 41 % avaient un emploi réservéNote . Parmi ceux qui avaient un emploi réservé, seulement 6 % n’avaient pas de revenus au Canada avant leur immigration, 4 % y avaient de faibles revenus, 54 % y avaient des revenus moyens et 36 % y avaient des revenus élevés. Presque tous les demandeurs qui avaient un emploi prévu étaient d’anciens TET, et la plupart avaient des revenus moyens au Canada avant l’immigrationNote . Dans le groupe des personnes qui avaient un emploi prévu, 32 % n’avaient pas de revenus au Canada avant l’immigration, 5 % y avaient de faibles revenus, 31 % y avaient des revenus moyens et 32 % y avaient des revenus élevés.

Si l’on examine la cohorte d’admission de 2015 à 2016, le tableau 1 montre que le taux d’emploi des immigrants et leurs revenus en 2017 sont associés au fait d’avoir ou non un emploi prévu avant l’immigration, et au fait d’avoir différents niveaux de revenus au Canada avant l’immigrationNote . La première colonne montre les résultats observés. La deuxième colonne, la différence indépendante, montre les résultats estimés en présumant que les immigrants ayant un emploi prévu et ceux n’en ayant pas avaient la même répartition des niveaux de revenus au Canada avant leur immigration, et que les immigrants ayant différents revenus au Canada avant leur immigration avaient des parts identiques d’emploi réservé. La troisième colonne, les résultats ajustés, tient aussi compte du pays d’origine, du niveau de scolarité, de la connaissance des langues officielles, de l’âge à l’arrivée, du programme d’admission, des études au Canada avant l’immigrationNote et de la répartition géographique.


Tableau 1
Différences dans les taux d'emploi et les revenus, demandeurs principaux du système Entrée express âgés de 20 à 54 ans à leur arrivée, selon l'emploi réservé et les revenus au Canada avant l’immigration, cohorte d'admission de 2015 à 2016
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Différences dans les taux d'emploi et les revenus Observé, Indépendant et Corrigé, calculées selon points de pourcentage et en dollars de 2017 unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Observé IndépendantTableau 1 Note 1 CorrigéTableau 1 Note 2
points de pourcentage
Taux d’emploi un an et deux ans après l’immigration
Emploi réservé avant l'immigration
Pas d'emploi réservé 94,7 95,6 96,4
Emploi réservé 96,9 96,0 95,2
Niveau de revenus au Canada avant l’immigration
Aucun revenu au Canada avant l’immigration 88,9 89,0 89,3
Revenus faibles au Canada avant l’immigration 93,9 93,9 94,2
Revenus moyens au Canada avant l’immigration 96,8 96,7 96,6
Revenus élevés au Canada avant l’immigration 97,8 97,8 97,8
en dollars de 2017
Revenus un an et deux ans après l’immigration
Emploi réservé avant l'immigration
Pas d'emploi réservé 60 400 58 900 56 200
Emploi réservé 62 100 63 600 66 300
Niveau de revenus au Canada avant l’immigration
Aucun revenu au Canada avant l’immigration 48 400 50 200 46 000
Revenus faibles au Canada avant l’immigration 39 500 39 700 43 300
Revenus moyens au Canada avant l’immigration 41 000 40 400 47 800
Revenus élevés au Canada avant l’immigration 95 700 95 800 87 200

Quant au taux d’emploi des immigrants de la composante économique, le fait d’avoir un emploi réservé est associé à un avantage de 2 points de pourcentage par rapport au fait de ne pas avoir d’emploi avant l’arrivée (97 % par rapport à 95 %). En ce qui concerne le fait d’avoir des revenus élevés au Canada avant l’immigration, le fait de n’avoir aucun revenu, d’avoir des revenus faibles, ou d’avoir des revenus ou moyens au Canada avant l’immigration était associé à un écart du taux d’emploi de 9, 4 et 1 points de pourcentage, respectivement. Dans les résultats indépendants, les différences d’emploi selon le fait d’avoir un emploi prévu ou non disparaissent, mais ne changement pratiquement pas selon le niveau de revenus au Canada avant l’immigration. Dans les résultats ajustés, on n’observe aucun avantage associé au fait d’avoir un emploi prévu, mais l’avantage associé au fait d’avoir des revenus au Canada avant l’immigration ne change essentiellement pas. Par conséquent, lorsque les revenus au Canada avant l’immigration et les autres caractéristiques des immigrants sont pris en compte, on ne constate pas d’amélioration du taux d’emploi attribuable au fait d’avoir un emploi prévu.

En ce qui a trait aux revenus annuels moyens, pendant la première et la deuxième année suivant l’immigration, les immigrants qui n’avaient pas d’emploi prévu avant leur arrivée ont touché 3 % de moins que ceux qui en avaient un. Le niveau de revenus au Canada avant l’immigration a un effet encore plus marqué sur les revenus annuels des immigrants. Alors que les immigrants qui n’avaient pas de revenus au Canada avant leur immigration ont gagné 49 % de moins que ceux qui avaient des revenus élevés avant leur immigration, ceux dont les revenus au Canada étaient faibles ou moyens ont gagné beaucoup plus que ceux qui n’avaient aucun revenu. Selon les résultats ajustés, les immigrants qui avaient des revenus élevés au Canada avant l’immigration ont gagné de 45 % à 50 % de plus que ceux qui n’avaient aucun revenu ou des revenus faibles ou moyens. En comparaison, le fait d’avoir un emploi avant l’arrivée l’avantage est associé à un avantage d’environ 15 % sur le plan des revenus. Des analyses plus poussées montrent que l’emploi avant l’arrivée est associé à des revenus supérieurs pour les immigrants n’ayant aucun revenu ou des revenus élevés au Canada avant leur immigration, mais aucun effet positif pour les immigrants ayant des revenus moyens au Canada avant leur arrivée.

L’importance relative des revenus au Canada avant l’immigration et de l’emploi réservé peut être évaluée plus directement en comparant leur contribution unique avec la valeur R au carré dans le modèle des revenus pour les différences ajustées. La valeur R au carré indique dans quelle mesure la variation de la variable de résultat (les revenus dans ce cas) peut s’expliquer par les variables explicatives. Elle varie de 0 à 1, où plus la valeur R au carré est élevée, meilleure sera la valeur prédite du modèle statistique. Dans ce cas, le modèle complet a une valeur « R » au carré de 0,345. Lorsque la variable de l’emploi prévu est retirée du modèle, la valeur R au carré du modèle diminue de 0,003. La force prédictive du modèle est donc très peu réduite. Cependant, si les revenus au Canada avant l’immigration sont retirés du modèle, la valeur R au carré du modèle diminue de beaucoup plus, soit de 0,110. Ces résultats laissent supposer que le niveau des revenus au Canada avant l’immigration était un important indicateur prévisionnel des revenus après l’immigration, et que le fait d’avoir un emploi avant l’arrivée l’était beaucoup moins.

Comparativement aux conclusions des études antérieures, le niveau de revenus au Canada avant l’immigration est associé à une plus petite variation du taux d’emploi chez les demandeurs principaux de la composante économique issus du système EE que chez l’ensemble des immigrants de la composante économique admis pendant les années 2000 (Hou, Crossman et Picot, 2020b). Alors que le fait d’avoir des revenus moyens au Canada avant l’immigration est associé à des revenus significativement plus élevés après l’immigration chez tous les immigrants de la composante économique, ce n’est pas le cas pour les immigrants du système EE. Il est possible que les demandeurs principaux du système EE sans revenus au Canada avant l’immigration représentent un groupe plus sélectif que les autres immigrants de la composante économique sans de tels revenus. De plus amples recherches sont requises pour déterminer si les résultats observés au sein des cohortes d’immigrants du système EE de 2015 à 2016 s’appliquent aux cohortes plus récentes et si les répercussions de l’emploi réservé et des revenus au Canada avant l’immigration subsistent à long terme.

Résumé

L’expérience de travail canadienne et l’emploi réservé sont des critères déterminants des programmes d’immigration économique gérés par le système Entrée express du Canada. Alors que l’emploi réservé peut rendre plus directement compte de la préférence des employeurs que l’expérience de travail canadienne, cette dernière peut mieux saisir la valeur effective des compétences sur le marché lorsqu’elle est mesurée selon les niveaux de revenus au Canada avant l’immigration. Parmi les principaux demandeurs dans la force de l’âge sélectionnés par l’intermédiaire du système Entrée express, le fait d’avoir des revenus au Canada avant l’immigration est associé à un important avantage sur le plan du taux d’emploi au cours des deux premières années suivant l’immigration, tandis que le fait d’avoir un emploi réservé n’a pas d’effet sur l’emploi après prise en compte des caractéristiques des immigrants. Pendant les deux premières années suivant l’immigration, lorsque leurs caractéristiques étaient par ailleurs similaires, les immigrants qui avaient un emploi prévu avant leur l’arrivée ont gagné 15 % de plus que ceux qui n’en avaient pas, alors que les immigrants qui avaient des revenus élevés au Canada avant leur admission ont touché des revenus près de deux fois plus élevés que ceux qui n’avaient pas de revenus au Canada avant leur arrivée. Après l’immigration, les immigrants qui avaient des revenus moyens et faibles au Canada avant leur admission n’ont enregistré aucun avantage sur le plan des revenus par rapport à ceux qui n’en avaient pas. Dans l’ensemble, le niveau de revenus au Canada des immigrants avant leur admission était un important indicateur prévisionnel des revenus après l’immigration, tandis que le fait d’avoir un emploi réservé avait peu d’effet sur la variation des revenus après l’immigration chez les demandeurs principaux des programmes d’immigration économique sélectionnés dans le cadre du système EE.

Il n’est pas surprenant que les revenus au Canada avant l’immigration soient un bon indicateur prévisionnel des revenus après l’immigration, car le rendement antérieur a tendance à être fortement lié au rendement futur. Cette association n’invalide pas sa pertinence possible pour la sélection des immigrants de la composante économique. Après tout, le but principal du processus de sélection est de déterminer les demandeurs qui sont les plus susceptibles d’avoir de bons résultats sur le marché du travail. Un niveau élevé de revenus au Canada avant l’immigration est un identificateur très utile si l’un des objectifs de la sélection est de choisir des candidats immigrants qui présentent les meilleurs potentiels de gains.

Références

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