Aperçus économiques
Tendances du taux de citoyenneté chez les nouveaux immigrants au Canada
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Garnett Picot, Institut de recherché en politiques publiques; et Direction générale de la recherche et de l’évaluation, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada
Le présent article d’Aperçus économiques porte sur les tendances en matière de taux de citoyenneté (le pourcentage d’immigrants devenant citoyens canadiens) chez les immigrants récents arrivés au Canada de cinq à neuf ans avant un recensement donné. Le taux de citoyenneté chez les immigrants récents âgés de 18 ans et plus a culminé en 1996, puis a reculé continuellement jusqu’en 2016. La majeure partie de cette baisse a eu lieu après 2006. Le taux de citoyenneté a surtout diminué chez les immigrants ayant un revenu familial faible, une faible connaissance des langues officielles et un niveau de scolarité inférieur. Une variation importante de cette diminution a également été constatée chez les immigrants de diverses régions d’origine; les immigrants chinois ont enregistré le recul le plus marqué.
Introduction
Acquérir la citoyenneté du pays de destination peut être bénéfique à bien des égards, tant pour les immigrants que pour les pays de destination. Devenir citoyens confère aux immigrants, par exemple, le droit de vote, ce qui leur permet d’exercer une influence politique, et peut améliorer leurs perspectives économiques (Bratsberg, Ragan et Nasir, 2002; Hayfron, 2008).
Le Canada affiche l’un des taux de citoyenneté (le pourcentage d’immigrants devenant citoyens canadiens) parmi les plus élevés au sein des principaux pays occidentaux (Picot et Hou, 2011). Cependant, des données probantes indiquent que ce taux a diminué chez les immigrants récents au Canada. Dans le présent article, on évalue la portée de cette tendance à la baisse, sa chronologie et la façon dont elle varie parmi les divers groupes d’immigrants.
Données et méthodes
La présente étude repose sur des données des questionnaires détaillés des recensements de 1991, 1996, 2001, 2006 et 2016 ainsi que de l’Enquête nationale auprès des ménages de 2011. L’échantillon de l’étude se limite aux immigrants légaux âgés de 18 ans et plus au cours d’une année de recensement donnée. Les données des cinq recensements servent à calculer le taux de citoyenneté chez les immigrants qui ont satisfait récemment aux critères de résidence pour devenir citoyens canadiens au cours des cinq ans précédant un recensement donné. Pour ce faire, l’analyse est axée sur les immigrants adultes arrivés au Canada de cinq à neuf ans avant chaque recensement. Jusqu’en 2015, les immigrants devaient résider au Canada pendant au moins trois ans avant de pouvoir obtenir la citoyenneté canadienne; ils pouvaient donc le faire au plus tôt au cours de leur quatrième année de résidenceNote . Après 2015, ce critère de résidence est passé à quatre ans; les immigrants pouvaient donc devenir citoyens au plus tôt au cours de leur cinquième année de résidence au Canada. Pour assurer l’uniformité des populations entre les recensements, l’échantillon de l’étude se limite aux immigrants ayant vécu au Canada pendant une période de cinq à neuf ans et qui étaient donc admissibles à la citoyenneté au cours de la période intercensitaire de cinq ans avant un recensement donné.
En portant essentiellement sur les immigrants ayant résidé au Canada pendant une période de cinq à neuf ans (désormais appelés « nouveaux immigrants » ou « immigrants récents »), la présente analyse exclut toute variation de la tendance relative à l’acquisition de la citoyenneté canadienne attribuable aux immigrants vivant au Canada depuis plus de 10 ans. Pour les périodes plus récentes, cette tendance pourra uniquement être connue lorsque plus de données provenant de recensements futurs seront accessibles. Examiner l’acquisition de la citoyenneté chez les immigrants plus récents fournit une meilleure compréhension des tendances et des comportements émergents.
La détermination de la citoyenneté chez les immigrants repose sur la question suivante : « De quel pays cette personne est-elle un citoyen? » (Statistique Canada, s.d., p. 10), qui figure dans chaque recensement. Le questionnaire fournit deux options de réponse : « Du Canada, par naissance » et « Du Canada, par naturalisation » ainsi qu’un espace à remplir : « Autre pays — précisez : » Le questionnaire fournit en outre l’explication suivante : « “Du Canada, par naturalisation” » désigne la procédure par laquelle, selon la Loi sur la citoyenneté, un immigrant se voit accorder la citoyenneté du Canada. » Le taux de citoyenneté est calculé comme le pourcentage d’immigrants dans un groupe particulier d’immigrants ayant déclaré posséder la citoyenneté canadienne par naturalisation.
Tendances récentes
Le taux de citoyenneté des immigrants âgés de 18 ans et plus respectant les critères de résidence en matière de citoyenneté a augmenté, passant de 81,6 % en 1991 à environ 86,2 % en 2016 (graphique 1). Ces chiffres comprennent cependant tous les immigrants adultes qui respectaient les critères de résidence, quelle que soit leur durée de résidence au Canada. Bon nombre d’entre eux étaient devenus citoyens canadiens 10 ans, 20 ans, voire 30 ans plus tôt, masquant ainsi les tendances à la hausse observées parmi les arrivées plus récentes. Pour faire ressortir ces tendances, les taux de citoyenneté du tableau 1 sont désagrégés selon le nombre d’années écoulées depuis l’immigration. Ces données indiquent que de 1991 à 2016, l’augmentation globale de la citoyenneté était principalement attribuable à l’augmentation associée aux immigrants vivant au Canada depuis 10 ans ou plus. Parmi les immigrants vivant au Canada depuis une période de 21 à 30 ans, par exemple, le taux de citoyenneté a augmenté pratiquement continuellement, passant de 81,5 % en 1991 à 92,6 % en 2016. Au contraire, le taux de citoyenneté chez les immigrants plus récents a diminué. Chez les immigrants vivant au Canada depuis cinq ans, par exemple, le taux a diminué continuellement, passant de 68,1 % en 1996 à 43,0 % en 2016. Chez les immigrants vivant au Canada depuis neuf ans, le taux est passé de 84,1 % en 2006 à 73,4 % en 2016.
1991 | 1996 | 2001 | 2006 | 2011 | 2016 | |
---|---|---|---|---|---|---|
pourcentage | ||||||
Nombre d'années depuis l’immigration | ||||||
4 ans | 43,2 | 48,5 | 46,7 | 32,8 | 22,7 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
5 ans | 58,3 | 68,1 | 65,2 | 56,7 | 44,4 | 43,0 |
6 ans | 67,9 | 75,2 | 73,1 | 70,2 | 62,3 | 55,4 |
7 ans | 71,3 | 77,7 | 76,5 | 78,3 | 73,4 | 62,7 |
8 ans | 73,1 | 78,5 | 78,2 | 81,6 | 78,2 | 69,0 |
9 ans | 73,3 | 79,5 | 81,6 | 84,1 | 82,7 | 73,4 |
10 ans | 74,1 | 79,5 | 82,6 | 85,6 | 84,5 | 76,4 |
11 ans | 77,4 | 81,6 | 84,5 | 86,5 | 87,4 | 80,8 |
12 ans | 77,7 | 83,7 | 84,8 | 87,7 | 88,4 | 83,8 |
13 ans | 77,6 | 83,1 | 85,2 | 87,4 | 89,8 | 85,8 |
14 ans | 77,9 | 83,2 | 85,3 | 88,6 | 91,2 | 87,8 |
15 ans | 78,0 | 82,6 | 85,3 | 88,6 | 90,9 | 88,8 |
16 à 20 ans | 78,4 | 84,3 | 86,6 | 89,5 | 92,0 | 91,3 |
21 à 30 ans | 81,5 | 84,5 | 86,6 | 89,4 | 92,3 | 92,6 |
Plus de 30 ans | 91,6 | 91,8 | 90,3 | 91,0 | 92,8 | 91,9 |
Total | 81,6 | 83,7 | 84,5 | 85,7 | 86,3 | 86,2 |
... n'ayant pas lieu de figurer (ne respectant pas les critères de résidence) Sources : Statistique Canada, recensements de la population de 1991, 1996, 2001, 2006 et 2016 et Enquête nationale auprès des ménages de 2011. |
Tableau de données du graphique 1
1991 | 1996 | 2001 | 2006 | 2011 | 2016 | |
---|---|---|---|---|---|---|
pourcentage | ||||||
Tous les immigrants | 81,1 | 83,2 | 84,0 | 85,1 | 85,7 | 85,8 |
Immigrants adultes | 81,6 | 83,7 | 84,5 | 85,7 | 86,3 | 86,2 |
Immigrants adultes arrivés au pays de cinq à neuf ans auparavant | 68,6 | 75,4 | 75,1 | 73,0 | 67,5 | 60,4 |
Note : Le critère de résidence minimal était de trois ans de la période du Recensement de 1991 jusqu’à la période de l’Enquête nationale auprès des ménages de 2011, mais de quatre ans au moment du Recensement de 2016. Les immigrants adultes sont les personnes âgées de 18 ans et plus. Sources : Statistique Canada, recensements de la population de 1991, 1996, 2001, 2006 et 2016 et Enquête nationale auprès des ménages de 2011. |
Globalement, le taux de citoyenneté chez les immigrants ayant vécu au Canada pendant une période de cinq à neuf ans (les immigrants sur lesquels porte la présente analyse) a diminué, passant de son point culminant de 75,4 % en 1996 à son point le plus bas de 60,4 % en 2016 (graphique 1 et tableau 2). La majeure partie de cette baisse a eu lieu au cours des années intercensitaires plus récentes : diminution de 7,1 points de pourcentage de 2011 à 2016 et de 5,5 points de pourcentage de 2006 à 2011. Les baisses enregistrées de 1996 à 2001 et de 2001 à 2006 ont été bien moins importantesNote .
Il s’agit de statistiques générales, et les tendances peuvent varier au sein de divers groupes d’immigrants. Pour déterminer si tel est le cas, l’analyse est axée sur la variation du taux de citoyenneté parmi des groupes définis selon le revenu familial, la connaissance d’une langue officielle, le niveau de scolarité et le pays ou la région d’origine.
Variation du taux de citoyenneté selon le revenu familial
À son niveau culminant de 1996, le taux de citoyenneté chez les immigrants récents n’a pas varié pas beaucoup selon le revenu familial, sauf chez les personnes appartenant au groupe de revenu supérieur (tableau 2). Cependant, en 2016, les immigrants récents provenant de familles à faible revenu étaient bien moins susceptibles que leurs homologues de familles à revenu supérieur de devenir citoyens (graphique 2). Fait à noter, le revenu familial du tableau 2 et du graphique 2 est un revenu familial ajusté par équivalence « membres adultes » (EMA), où le revenu est corrigé en fonction de la taille de la famille ainsi que des économies d’échelle associées aux familles plus nombreusesNote .
Entre 1996 et 2016, la tendance des immigrants récents à acquérir la naturalisation a baissé pour tous les groupes de revenu, mais bien plus pour les membres de familles à revenu inférieur. Chez les immigrants récents de familles percevant un revenu familial EMA de 10 000 $ ou moins (c.-à-d. un revenu familial non ajusté de 20 000 $ pour une famille de quatre comptant deux jeunes enfants), le taux de citoyenneté a diminué de 23,5 points de pourcentage entre 1996 et 2016 (tableau 2). Ce recul a été bien moindre chez les immigrants de familles à revenu supérieur, ne baissant que de 3,0 points de pourcentage au sein d’une famille à revenu familial EMA de plus de 100 000 $.
Cet écart entre les catégories de revenu familial s’est particulièrement accru plus récemment. L’écart observé dans les taux de citoyenneté entre les immigrants récents de la catégorie de revenu familial inférieur (10 000 $ EMA ou moins) et ceux de la catégorie de revenu familial supérieur (revenu EMA de plus de 100 000 $) était de 5,3 points de pourcentage en 1996. Il était négligeable (et inversé) en 2001 et seulement légèrement plus important (4,1 points de pourcentage) en 2006. En 2011, le taux de citoyenneté chez les immigrants récents des catégories de revenu familial le plus bas était en revanche de 10,3 points de pourcentage inférieur à celui de la catégorie de revenu familial le plus élevé. En 2016, cette différence a augmenté pour atteindre 15,2 points de pourcentage.
Tableau de données du graphique 2
Revenu familial ajusté par équivalence « membres adultes » (en dollars de 2015) | 1996 | 2001 | 2006 | 2011 | 2016 |
---|---|---|---|---|---|
pourcentage | |||||
10 000 $ ou moins | 75,0 | 73,1 | 69,9 | 61,2 | 51,5 |
Plus de 10 000 $ à 30 000 $ | 75,1 | 75,1 | 71,1 | 64,3 | 56,0 |
Plus de 30 000 $ à 50 000 $ | 75,7 | 74,2 | 72,5 | 68,3 | 61,0 |
Plus de 50 000 $ à 100 000 $ | 76,7 | 77,2 | 77,4 | 71,2 | 65,7 |
Plus de 100 000 $ | 69,7 | 75,3 | 74,0 | 71,5 | 66,7 |
Sources : Statistique Canada, recensements de la population de 1991, 1996, 2001, 2006 et 2016 et Enquête nationale auprès des ménages de 2011. |
1991 | 1996 | 2001 | 2006 | 2011 | 2016 | Variation entre 1996 et 2016 | |
---|---|---|---|---|---|---|---|
pourcentage | points de pourcentage | ||||||
Total | 68,6 | 75,4 | 75,1 | 73,0 | 67,5 | 60,4 | -15,0 |
Revenu familial ajusté par équivalence « membres adultes » (en dollars de 2015) | |||||||
10 000 $ ou moins | 65,8 | 75,0 | 73,1 | 69,9 | 61,2 | 51,5 | -23,5 |
Plus de 10 000 $ à 30 000 $ | 68,2 | 75,1 | 75,1 | 71,1 | 64,3 | 56,0 | -19,2 |
Plus de 30 000 $ à 50 000 $ | 69,2 | 75,7 | 74,2 | 72,5 | 68,3 | 61,0 | -14,7 |
Plus de 50 000 $ à 100 000 $ | 69,6 | 76,7 | 77,2 | 77,4 | 71,2 | 65,7 | -11,0 |
Plus de 100 000 $ | 66,2 | 69,7 | 75,3 | 74,0 | 71,5 | 66,7 | -3,0 |
Langue | |||||||
Ni l’anglais ni le français | 61,5 | 62,1 | 68,3 | 56,7 | 45,6 | 32,6 | -29,5 |
Autre langue maternelle, parle anglais ou français | 74,0 | 79,7 | 78,9 | 76,2 | 70,5 | 63,4 | -16,4 |
Anglais ou français comme langue maternelle | 60,2 | 69,2 | 65,0 | 66,2 | 64,9 | 61,0 | -8,2 |
Scolarité | |||||||
Sans diplôme d’études secondaires | 64,7 | 69,4 | 71,4 | 63,4 | 59,8 | 46,9 | -22,5 |
Diplôme d’études secondaires | 68,7 | 75,7 | 74,5 | 70,8 | 65,4 | 55,4 | -20,3 |
Études postsecondaires partielles | 72,1 | 78,9 | 75,9 | 73,8 | 67,3 | 60,8 | -18,1 |
Grade universitaire | 73,8 | 80,9 | 79,3 | 77,0 | 70,8 | 67,1 | -13,8 |
Statut socioéconomique | |||||||
Faible revenuTableau 2 Note 1, diplôme d’études secondaires ou moins, langue maternelle étant ni l’anglais ni le français | 68,7 | 74,2 | 75,6 | 69,8 | 62,9 | 50,7 | -23,5 |
Revenu élevéTableau 2 Note 2, études universitaires, langue maternelle étant l’anglais ou le français | 56,9 | 67,3 | 65,6 | 68,8 | 66,7 | 66,4 | -0,9 |
Immigrants n’appartenant pas aux groupes mentionnés ci-dessus | 69,1 | 76,2 | 75,2 | 73,9 | 68,4 | 61,9 | -14,3 |
Pays ou région d’origine | |||||||
États-Unis | 31,0 | 38,4 | 41,7 | 41,8 | 44,9 | 40,5 | 2,1 |
Amérique centrale | 66,4 | 77,1 | 74,2 | 72,1 | 67,5 | 59,0 | -18,1 |
Caraïbes | 64,7 | 72,2 | 64,1 | 66,5 | 67,7 | 58,2 | -14,0 |
Amérique du Sud | 71,6 | 73,8 | 68,5 | 70,0 | 73,8 | 72,5 | -1,3 |
Europe du Nord | 54,4 | 53,9 | 45,0 | 49,2 | 48,1 | 45,2 | -8,7 |
Europe de l’Ouest | 50,2 | 52,9 | 52,4 | 53,5 | 47,9 | 47,9 | -5,0 |
Europe méridionale | 53,8 | 52,8 | 81,4 | 83,5 | 78,7 | 62,1 | 9,4 |
Europe de l’Est | 84,6 | 84,3 | 83,6 | 84,2 | 78,6 | 71,7 | -12,6 |
Afrique | 78,3 | 86,2 | 83,0 | 76,8 | 77,2 | 73,8 | -12,5 |
Asie du Sud | 55,7 | 66,0 | 68,0 | 68,5 | 67,2 | 59,8 | -6,2 |
Asie du Sud-Est | 79,2 | 81,9 | 79,0 | 74,8 | 70,3 | 61,3 | -20,7 |
Asie de l’Est | 80,4 | 82,9 | 80,9 | 73,7 | 57,0 | 44,8 | -38,1 |
Asie occidentale | 79,7 | 86,6 | 84,1 | 82,1 | 74,6 | 69,7 | -16,9 |
Océanie et autre | 56,9 | 53,9 | 50,1 | 55,7 | 60,7 | 49,0 | -5,0 |
nombre | |||||||
Taille de l’échantillon | 64 787 | 123 636 | 137 708 | 138 024 | 163 270 | 214 067 | Note ...: n'ayant pas lieu de figurer |
... n'ayant pas lieu de figurer
|
Variation du taux de citoyenneté selon la connaissance d’une langue officielle
Puisque certains immigrants doivent connaître une langue officielle pour demander la citoyenneté, il n’est pas surprenant que des immigrants parlant anglais ou français ou dont la langue maternelle est l’anglais ou le français soient plus susceptibles d’obtenir la naturalisation que leurs homologues ne connaissant aucune des langues officielles. En 1996, l’écart observé dans les taux de citoyenneté entre les immigrants récents connaissant une langue officielle et ceux n’en ayant aucune connaissance était relativement faible (tableau 2). Entre 1996 et 2016, le taux de citoyenneté a diminué pour tous les immigrants récents, quelles que soient leurs connaissances de l’anglais ou du français. Cependant, ce recul était bien plus important chez les personnes ayant de piètres connaissances d’une langue officielle (diminution de 29,5 points de pourcentage) que chez les personnes dont la langue maternelle étant l’anglais et le français (diminution de 8,2 points de pourcentage).
L’écart dans les taux de citoyenneté entre les personnes qui ne parlaient ni anglais ni français et celles dont la langue maternelle était l’anglais ou le français a été examiné pour déterminer le moment auquel cette tendance divergente est survenue. En 1996, il existait un écart de 7,1 points de pourcentage; autrement dit, les immigrants vivant au Canada depuis cinq ou neuf ans dont la langue maternelle était l’anglais ou le français étaient 7,1 points de pourcentage plus susceptibles d’obtenir la naturalisation. Cet écart avait en grande partie disparu en 2001 (3,3 points de pourcentage plus élevé chez les immigrants ne parlant ni anglais ni français), puis avait augmenté pour se situer à 9,5 points de pourcentage en 2006, 19,3 points en 2011 et 28,4 points en 2016. Cela donne à penser que la divergence du taux de citoyenneté selon les connaissances linguistiques existait pour les trois périodes de cinq ans depuis 2001, mais était plus manifeste pendant la période de 2001 à 2006 (lorsque l’écart a augmenté de 12,8 points de pourcentage), suivie de la période de 2006 à 2011 (augmentation de 9,8 points de pourcentage), puis de celle de 2011 à 2016 (augmentation de 9,1 points de pourcentage). Cette tendance divergente selon les connaissances linguistiques existe depuis un certain temps, mais est particulièrement marquée depuis 2001.
Variation du taux de citoyenneté selon le niveau de scolarité
À partir de 1991 (première année pour laquelle des données sont disponibles), les immigrants moins scolarisés ont été proportionnellement moins nombreux à devenir citoyens canadiens que leurs homologues plus scolarisés. En 1996 (taux de citoyenneté le plus élevé chez les immigrants récents), 69,4 % des immigrants sans diplôme d’études secondaires ont acquis la naturalisation, alors que le taux était de 80,9 % chez les immigrants possédant un grade universitaire (tableau 2). Un recul du taux de citoyenneté chez les immigrants récents a été observé pour tous les groupes de niveau de scolarité à partir de 1996, mais a été bien plus marqué chez les immigrants moins scolarisés. Le taux de citoyenneté a diminué de 22,5 points de pourcentage chez les immigrants sans diplôme d’études secondaires, par rapport à 13,8 points de pourcentage chez ceux possédant un grade universitaire. Entre 1996 et 2016, la part des immigrants possédant un diplôme d’études secondaires ou moins et ayant obtenu la citoyenneté a diminué, passant de trois quarts à environ la moitié.
La différence de taux de citoyenneté entre les immigrants récents moins scolarisés et plus scolarisés a augmenté, passant de 11,5 points de pourcentage en 1996 à 20,2 points de pourcentage en 2016; cet écart était le plus marqué entre 2011 et 2016.
Variation du taux de citoyenneté pour les groupes d’immigrants plus favorisés et ceux moins favorisés
L’analyse ci-dessus a porté essentiellement sur la variation du taux de citoyenneté au sein de groupes définis par une seule variable à la fois. Pourtant, bon nombre d’immigrants peuvent présenter de multiples caractéristiques associées à un taux de citoyenneté faible et décroissant. La diminution de ce taux peut être plus importante chez les immigrants percevant un revenu relativement faible et ayant un faible niveau de scolarité et de piètres connaissances en anglais ou en français; une faible variation du taux de citoyenneté peut être observée chez les immigrants percevant un revenu supérieur, ayant atteint un niveau de scolarité élevé et connaissant l’anglais ou le français.
Pour examiner les tendances possibles, trois groupes d’immigrants récents ont été créés. Le premier groupe (le moins favorisé) comprend les immigrants percevant un revenu familial EMA de 30 000 $ ou moinsNote , dont la langue maternelle n’est ni l’anglais ni le français et possédant tout au plus un diplôme d’études secondaires. Ce groupe représentait 15 % de l’échantillon des immigrants récents de l’étude en 2016. Le deuxième groupe (le plus favorisé) comprend les immigrants percevant un revenu familial EMA de plus de 50 000 $, dont la langue maternelle est l’anglais ou le français et possédant un grade universitaire. Ce groupe représentait 5 % de l’échantillon des immigrants récents de l’étude en 2016. Le groupe restant comprend les immigrants récents n’appartenant à aucun de ces deux groupes.
Selon les résultats, entre 1996 et 2016, le taux de citoyenneté a baissé de 23,5 points de pourcentage au sein du groupe le plus défavorisé (le premier groupe), mais seulement de 0,9 point de pourcentage au sein du groupe le plus favorisé (le deuxième groupe). De plus, alors qu’en 1996 le groupe le moins favorisé a enregistré un taux de citoyenneté bien plus élevé que le groupe le plus favorisé, cette tendance s’est inversée en 2016; le taux de citoyenneté était de 16 points de pourcentage plus élevé au sein du groupe le plus favorisé.
Variation du taux de citoyenneté selon la région d’origine
Non seulement des événements se produisant dans le pays de destination, mais également des facteurs internationaux peuvent également influer sur la tendance des immigrants à devenir citoyens canadiens. Des changements observés dans les perspectives économiques, les droits de la personne et la stabilité sociale du pays d’origine d’un immigrant ainsi que la tendance accrue des immigrants à changer de pays peuvent tous avoir une incidence sur la tendance d’un immigrant à adopter la citoyenneté canadienne.
Généralement, les immigrants originaires de pays plus riches présentant une grande stabilité sociale et de solides droits de la personne sont moins portés à devenir citoyens canadiens (tableau 2). En 1996, lorsque le taux de citoyenneté chez les immigrants récents a atteint son sommet, les taux de citoyenneté pour les États-Unis, l’Europe (à l’exception de l’Europe de l’Est) et l’Océanie (Australie, Nouvelle-Zélande et pays insulaires du Pacifique sud) étaient tous inférieurs à 55 %. Les taux des autres régions se situaient entre 72 % et 87 %. Par la suite, les tendances du taux de citoyenneté ont varié d’une région d’origine à l’autre.
Le taux de citoyenneté était stable ou avait baissé seulement légèrement chez les immigrants des États-Unis, d’Europe occidentale et d’Amérique du Sud. Le recul a été bien plus marqué chez les immigrants d’autres régions, mais particulièrement d’Asie de l’Est. La tendance des immigrants récents de cette région (principalement la Chine) à acquérir la naturalisation a baissé, passant de 82,9 % en 1996 à 44,8 % en 2016. Ce recul de 38,1 points de pourcentage se répartissait sur les quatre périodes intercensitaires, mais était le plus marqué à partir de 2001. L’essor économique de la Chine au cours des deux dernières décennies et des changements de préférences chez les immigrants chinois peuvent être à l’origine de cette baisse. En 2016, la tendance en matière de naturalisation des immigrants provenant de Chine ressemblait davantage à celle des immigrants de pays industrialisés avancés qu’à celle d’immigrants de pays en voie de développement.
Conclusion
Dans la présente étude, des données des recensements de 1991 à 2016 sont utilisées pour examiner les variations du taux de citoyenneté chez les immigrants récents respectant les critères de résidence pour devenir citoyens canadiens. Ces résultats indiquent que le taux de citoyenneté chez les immigrants récents a enregistré un sommet en 1996 et a considérablement baissé par la suite. Ce recul est particulièrement marqué après 2006. De plus, cette diminution du taux de citoyenneté a varié selon des caractéristiques sociodémographiques, et la chronologie du recul a également varié selon les groupes d’immigrants.
Le taux de citoyenneté des immigrants percevant un revenu familial moindre a enregistré une baisse bien plus marquée que celui des immigrants percevant un revenu familial plus élevé. Cette baisse au sein des familles d’immigrants à faible revenu a eu lieu entre 2006 et 2011. Le taux de citoyenneté a également diminué bien davantage chez les immigrants ayant de piètres connaissances d’une langue officielle que chez les immigrants dont la langue maternelle était l’anglais ou le français. Le taux de citoyenneté chez les immigrants ayant de moins bonnes connaissances des langues officielles a diminué à partir de 2001; ce recul a été observé pour toutes les périodes intercensitaires. Le niveau de scolarité y a également joué un rôle, le taux de citoyenneté diminuant bien plus chez les immigrants ayant un niveau de scolarité inférieur. Cette tendance a surtout été observée entre 2011 et 2016.
Lorsque ces trois facteurs (revenu familial, connaissance d’une langue officielle et niveau de scolarité) sont combinés, le taux de citoyenneté est demeuré plus ou moins constant entre 1996 et 2016 pour le groupe le plus favorisé d’immigrants récents (c.-à-d. ceux caractérisés par un revenu élevé, des études universitaires et l’anglais ou le français comme langue maternelle). Par contre, il a diminué de façon importante au sein du groupe le plus défavorisé (c.-à-d. celui caractérisé par un faible revenu, un diplôme d’études secondaires ou moins et une langue maternelle autre que l’anglais ou le français).
Une importante variation a en outre été observée quant à la mesure dans laquelle le taux de citoyenneté a diminué chez les immigrants de diverses régions d’origine. Le recul le plus marquant a été la baisse importante de l’adoption de la citoyenneté chez les immigrants provenant d’Asie de l’Est, principalement de la Chine. En effet, en 2016, le taux de citoyenneté des immigrants chinois récents ressemblait davantage au taux de citoyenneté des immigrants de pays développés qu’à celui d’immigrants de pays en voie de développement.
Bibliographie
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Statistique Canada, s.d. Recensement 2A-L – 2016. Dernière mise à jour le 7 février 2017. Disponible au lien suivant : http://www23.statcan.gc.ca/imdb/p3Instr_f.pl?Function=getInstrumentList&Item_Id=295122&UL=1V& (consulté le 9 avril 2019). Version PDF : 3901_Q2_V4-fra.pdf (sécurisé).
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