L’emploi interprovincial au Canada, 2002 à 2011
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par René Morissette et Hanqing Qiu, Division de l'analyse sociale et de la modélisation
Début de l'encadré
Le présent article de la série Aperçus économiques donne une vue d’ensemble de l’emploi rémunéré interprovincial au cours de la période de 2002 à 2011. Les travailleurs interprovinciaux sont des personnes qui maintiennent une résidence permanente dans une province ou un territoire donné, mais qui travaillent dans une autre province ou un autre territoire. Les résultats sont fondés sur la Base de données sur la dynamique canadienne entre employeurs et employés de Statistique Canada et visent les employés de 18 ans ou plus qui gagnaient au moins 1 000 $ (en dollars de 2002).
Fin de l'encadré
Introduction
Au Canada, les taux de chômage varient généralement d’une région à l’autre. Depuis une quarantaine d’années, les provinces de l’Atlantique présentent des taux plus élevés que ceux des provinces centrales du Québec et de l’Ontario ou des provinces de l’Ouest, à savoir le Manitoba, la Saskatchewan, l’Alberta et la Colombie-Britannique (graphique 1). Conjuguées à des facteurs comme les différences interrégionales sur le plan du rendement économique général et de la croissance salariale, ces disparités en matière de chômage incitent les employés à migrer ou à devenir des employés interprovinciaux, c’est-à-dire à accepter des emplois dans d’autres provinces que leur province de résidence.
L’ampleur et les corrélations de la migration interprovinciale ont fait l’objet de plusieurs études canadiennes par le passéNote 1, mais les études sur l’emploi rémunéré interprovincial ont été beaucoup moins nombreuses. De récents travaux de recherche ont partiellement comblé cette lacuneNote 2, mais de nombreuses questions demeurent sans réponse.
Une question d’intérêt est d’établir le degré d’importance que revêt l’emploi interprovincial comme source de revenus d’emploi pour les provinces de résidence des employés interprovinciaux. On pourrait s’attendre à ce que l’emploi rémunéré interprovincial soit relativement plus important dans les petites provinces d’origine (p. ex. l’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador) que dans les grandes. Il se peut aussi que la mesure dans laquelle le revenu d’emploi agrégé des provinces d’origine provient de l’emploi interprovincial varie selon le cycle économique et les prix mondiaux des produits de baseNote 3. En effet, étant donné la diminution de nombre de débouchés du marché du travail et le fléchissement des prix du pétrole après le début de la récession économique mondiale de 2008-2009, il se peut que l’emploi interprovincial soit devenu une source de revenus moins importante qu’auparavant.
Une autre question consiste à déterminer si les employés interprovinciaux tirent leurs gains principalement de l’emploi interprovincial ou s’ils s’en servent comme source de revenus secondaire. En moyenne, quel pourcentage des gains des employés interprovinciaux provient de l’emploi interprovincial? Quelles en sont les variations selon le sexe et le groupe d’âge? De façon plus générale, comment la probabilité d’être un employé interprovincial varie-t-elle en fonction de ces aspects? Le présent article répond à ces questions à partir des données de la Base de données sur la dynamique canadienne entre employeurs et employés (BDDCEE) de Statistique Canada.
Les travailleurs des petites provinces sont proportionnellement plus nombreux que ceux des grandes à exercer un emploi interprovincial
De 2002 à 2004, quelque 340 000 personnes de 18 ans ou plus étaient des employés interprovinciaux, représentant 2,7 % de la main-d’œuvre rémunérée (graphique 2). Avec l’expansion économique et la hausse des prix du pétrole qui ont eu lieu pendant les années subséquentes, le nombre d’emplois interprovinciaux a progressé de façon presque constante, atteignant un sommet d’environ 445 000 en 2008Note 4. Sous l’effet de la récession de l’économie canadienne et du fléchissement des prix du pétrole, le nombre d’employés interprovinciaux est tombé à 394 000 en 2009. La reprise économique et le rebondissement des prix des produits de base qui ont suivi ont porté le total à quelque 420 000 (3 % de la main-d’œuvre rémunérée) en 2011Note 5, Note 6.
Le pourcentage des travailleurs rémunérés qui occupaient un emploi interprovincial était plus élevé pour les petites provinces que pour les grandes. Pendant la plus grande partie de la période allant de 2002 à 2011, les employés interprovinciaux vivant à Terre-Neuve-et-Labrador ou au Yukon représentaient au moins 10 % de la main-d’œuvre rémunérée de ces secteurs de compétenceNote 7. Les pourcentages correspondants variaient généralement entre 5 % et 10 % pour l’Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, la Saskatchewan et les Territoires du Nord-Ouest (tableau 1). En revanche, les employés interprovinciaux résidant en Ontario représentaient, tout au plus, 1,7 % de la main-d’œuvre rémunérée de cette province. Environ 3 % des employés du Québec travaillaient dans une autre province ou un autre territoire, pourcentage qui diminue de plus de la moitié quand les résidents de l’Outaouais, dont bon nombre travaillent à Ottawa pour le gouvernement fédéral, sont exclus (graphique 3). Les employés interprovinciaux du Manitoba, de l’Alberta ou de la Colombie-Britannique représentaient à peu près 3 % de la main-d’oeuvre rémunérée de ces provinces au cours de la période à l’étude.
L’emploi interprovincial est à l’origine d’un pourcentage important des salaires et traitements agrégés des petites provinces
Comparativement aux grandes provinces, les petites tirent un pourcentage plus élevé de leurs salaires et traitements agrégés du travail interprovincial parce que leurs résidents sont proportionnellement plus nombreux à exercer un emploi interprovincial. Par exemple, 8,5 % des salaires et traitements totaux gagnés en 2011 par l’ensemble des employés résidant à Terre-Neuve-et-Labrador provenaient de l’emploi interprovincial (tableau 2). Ce pourcentage était plus de deux fois plus élevé que celui des territoires ou des quatre provinces les plus grandes (le Québec, l’Ontario, l’Alberta et la Colombie-Britannique). Les pourcentages correspondants pour l’Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick étaient respectivement de 6,2 %, de 4,5 % et de 4,6 %.
Pour Terre-Neuve-et-Labrador, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique, plus de la moitié du revenu d’emploi interprovincial reçu en 2011 provenait de l’Alberta (tableau 3). De plus, les salaires et traitements gagnés en Alberta représentaient de 31 % à 45 % du revenu d’emploi interprovincial reçu cette année-là par l’Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, le Manitoba et les Territoires du Nord-Ouest. Le Québec a tiré 92 % de son revenu d’emploi interprovincial de l’Ontario, tandis que l’Ontario a obtenu plus de la moitié de son revenu d’emploi interprovincial du Québec, en partie en raison des résidents de l’Outaouais travaillant à Ottawa et des résidents d’Ottawa travaillant à Gatineau pour le gouvernement fédéralNote 8. Près de la moitié des gains interprovinciaux du Yukon provenaient de la Colombie-Britannique. Les Territoires du Nord-Ouest, l’Ontario et le Québec étaient les trois plus grandes sources des gains interprovinciaux des résidents du Nunavut.
Les gains issus de l’emploi interprovincial représentent aussi une importante source du revenu d’emploi total des employés interprovinciaux. De 2002 à 2011, les employés interprovinciaux du Québec ou de Terre-Neuve-et-Labrador ont tiré, en moyenne, les quatre cinquièmes de leurs salaires et traitements annuels du travail effectué en dehors de leur province (tableau 4). Pour l’ensemble des provinces sauf l’Alberta, en moyenne au moins 60 % des gains des employés interprovinciaux provenaient de l’emploi interprovincial. À l’autre extrémité de l’échelle, les employés interprovinciaux des Territoires du Nord-Ouest ou du Nunavut n’ont pas tiré plus de la moitié de leur revenu d’emploi du travail interprovincial. Ainsi, pour la majorité des employés interprovinciaux, l’emploi interprovincial constituait leur principale source de revenus d’emploi (graphique 4).
Différences selon l’âge et le sexe
La fréquence de l’emploi interprovincial varie selon le sexe et l’âge. Les hommes de l’ensemble des provinces et des territoires sauf le Nunavut sont plus susceptibles que les femmes d’être des employés interprovinciaux (graphique 5)Note 9. Au cours de la période allant de 2002 à 2011, la fréquence de l’emploi interprovincial chez les hommes vivant à Terre-Neuve-et-Labrador s’élevait en moyenne à 17,0 %, soit trois fois le taux correspondant (5,5 %) parmi les femmes (tableau 5). Pour l’Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, le Manitoba et la Saskatchewan, le taux d’emploi interprovincial des hommes était environ deux fois plus élevé que celui des femmes.
L’emploi interprovincial est également surtout fréquent parmi les jeunes employés. Pour l’ensemble des provinces et des territoires sauf le Nunavut, les femmes de 18 à 24 ans étaient plus susceptibles d’être des employées interprovinciales que les femmes de 25 ans ou plus. De même, pour la totalité des provinces et des territoires à l’exception du Québec et du Yukon, les hommes de 18 à 24 ans étaient plus susceptibles que leurs aînés d’exercer un emploi interprovincial.
La part des gains des employés interprovinciaux qui provenait de l’emploi interprovincial varie aussi selon l’âge et le sexe. En général, les hommes tirent une plus grande part de leurs salaires et traitements annuels de l’emploi interprovincial que les femmes (tableau 6). Par exemple, en 2011, de 72 % à 84 % des gains des employés interprovinciaux de sexe masculin des provinces de l’Atlantique étaient issus de l’emploi interprovincial, pourcentages qui dépassent d’environ 12 points ceux de leurs homologues de sexe féminin. Pour l’ensemble des provinces et la plupart des territoires, les employés interprovinciaux de 18 à 24 ans tiraient généralement une plus petite part de leurs salaires et traitements annuels totaux de l’emploi interprovincial comparativement aux employés plus âgés. Ainsi, les jeunes employés occupaient plus souvent un emploi interprovincial que ce n’était le cas de leurs aînés, mais ils comptaient dans une moindre mesure sur l’emploi interprovincial comme source de revenus.
Les employés interprovinciaux des provinces de destination
Jusqu’ici, l’emploi interprovincial a été examiné du point de vue de la province ou du territoire de résidence (c.-à-d. « d’origine »). Il vaut également la peine d’en faire l’examen du point de vue de la province ou du territoire d’emploi (ou « de destination »).
En chiffres absolus, 436 500 employés interprovinciaux travaillaient dans des provinces ou des territoires « de destination » en 2011. Comme une partie d’entre eux ont occupé un emploi interprovincial dans deux provinces ou plus, le nombre d’employés interprovinciaux des provinces « de destination » dépassait celui des provinces « d’origine » indiqué plus haut. L’Ontario a reçu le plus grand nombre d’employés interprovinciaux en 2011 (tableau 7) en raison de la taille de l’économie provinciale et des flux de l’emploi dans la région de l’Outaouais. En Alberta, le nombre d’employés interprovinciaux a atteint 132 500 en 2008 et, après être descendu à environ 100 000 en 2009 et en 2010, il est remonté à près de 111 000 en 2011.
Pendant la plus grande partie de la période allant de 2002 à 2011, les employés interprovinciaux qui travaillaient au Québec représentaient environ 1,5 % de la main-d’œuvre rémunérée de cette province. Les employés interprovinciaux qui travaillaient à Terre-Neuve-et-Labrador, en Ontario, au Manitoba et en Colombie-Britannique constituaient de 2,5 % à 3,0 % de la main-d’œuvre rémunérée de ces provinces (tableau 8). Les pourcentages correspondants pour la Saskatchewan et l’Alberta étaient d’environ 6,5 % en 2011, en hausse par rapport à un pourcentage variant entre 4 % et 5 % au début des années 2000. Les employés interprovinciaux travaillant au Yukon, au Nunavut ou dans les Territoires du Nord-Ouest représentaient au moins le cinquième de la main-d’œuvre rémunérée de ces territoires en 2011.
Les employés interprovinciaux ont reçu environ 13,7 milliards de dollars en salaires et traitements (exprimés en dollars de 2002) en 2011 (tableau 9). Parmi toutes les provinces de destination, la Saskatchewan a enregistré la part la plus importante du revenu d’emploi versé aux employés interprovinciaux en 2011, soit de 4,5 %. Venait ensuite l’Alberta, avec 3,7 % (graphique 6 et tableau 10). Dans les territoires, la part du revenu d’emploi versé aux employés interprovinciaux cette année-là était bien plus considérable : elle variait entre 9,9 % et 22,6 %.
Résumé
Dans le présent article, les auteurs ont évalué l’importance relative de l’emploi rémunéré interprovincial du point de vue des provinces d’origine et de destination des employés interprovinciaux. Après une progression constante de 2002 à 2008, le nombre d’employés interprovinciaux a diminué en 2009, mais a augmenté par la suite. En 2011, les employés interprovinciaux représentaient 3 % des employés au Canada, et de 9 % à 11 % de la main-d’œuvre rémunérée résidant à Terre-Neuve-et-Labrador, au Yukon et au Nunavut.
Ces dernières années, les salaires et traitements gagnés dans d’autres provinces formaient un pourcentage important des gains agrégés des résidents de la Saskatchewan, du Yukon et des provinces de l’Atlantique, en particulier Terre-Neuve-et-Labrador. Les salaires et traitements gagnés dans d’autres provinces constituaient également la principale source de revenus d’emploi de la majorité des employés interprovinciaux, ce qui indique que l’emploi interprovincial est, du moins temporairement, un déterminant clé du niveau de vie d’un sous-ensemble de la main-d’œuvre.
Les hommes étaient plus susceptibles que les femmes d’être des employés interprovinciaux, et les employés interprovinciaux de sexe masculin tiraient une plus grande part de leurs gains totaux de l’emploi interprovincial que les femmes. Les employés des deux sexes de moins de 25 ans étaient plus susceptibles que leurs aînés d’être des employés interprovinciaux, mais une plus petite part de leurs gains provenait de l’emploi interprovincial.
Parmi l’ensemble des provinces de destination, la Saskatchewan affichait la plus forte proportion du revenu d’emploi versé aux employés interprovinciaux en 2011 (4,5 %). Selon cette mesure, l’emploi interprovincial jouait un rôle encore plus important dans les territoires.
Les données du présent article sont de nature transversale et n’indiquent pas si les épisodes d’emploi interprovincial sont de courte ou de longue durée. De plus, la série prend fin en 2011 et ne reflète pas l’effet de l’évolution de la conjoncture économique depuis 2011, y compris la récente baisse marquée des prix du pétrole sur la scène internationale (depuis le milieu de 2014), sur le nombre d’employés interprovinciaux. La tâche d’examiner ces questions à mesure que des données plus récentes deviennent disponibles est réservée à des analyses futures.
Références
Day, K., et S.L. Winer. 2012. Interregional Migration and Public Policy in Canada. McGill-Queen’s University Press.
Laporte, C. et Y. Lu. 2013. Les employés interprovinciaux au Canada. Aperçus économiques, no 29. Produit no 11-626-X au catalogue de Statistique Canada. Ottawa : Statistique Canada.
Laporte, C., Y. Lu et G. Schellenberg. 2013. Les employés interprovinciaux en Alberta. Direction des études analytiques : documents de recherche, no 350. Produit no 11F0019M au catalogue de Statistique Canada. Ottawa : Statistique Canada.
Tableaux
Notes
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