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5.1 Principaux résultats : la portée fonctionnelle des externalités technologiques

Dans cette section, nous présentons les principaux résultats en ce qui a trait à l'incidence de la présence locale d'établissements utilisateurs de la même technologie sur la probabilité qu'un établissement adopte la technologie τ, après prise en compte de divers effets. Plus particulièrement, la principale spécification permet d'estimer les différents effets de la présence d'établissements utilisateurs de la technologie sur l'adoption de la technologie par un établissement selon sa similarité fonctionnelle à ces utilisateurs, lorsque la similarité fonctionnelle est représentée par les similarités dans le profil des achats d'entrées. Les variables d'intérêt clés sont donc les établissements déjà utilisateurs de la même technologie dans la même région géographique qui mènent des activités dans les industries similaires, DéjàUtilisateurs _ Similairesτ iRt ,lesindustries assez similaires, DéjàUtilisateurs _ AssezSimilairesτ iRt, et les industries différentes, DéjàUtilisateurs _ Différentesτ iRt . Comme la décision de chaque établissement d'adopter la technologie τ au temps t est conditionnelle à diverses variables de contrôle, les externalités d'agglomération régionale, les caractéristiques des établissements et les effets fixes aux niveaux de l'industrie, de la région, du temps et de la technologie, sont inclus. Nous examinons les estimations sur ces variables explicatives aux sections 5.5 et 5.6 ci-dessous.

Les principaux résultats sont présentés à la colonne « Similarité des entrées » du tableau 4. Le coefficient des établissements utilisateurs de technologie dans les industries similaires est estimé comme étant positif et significatif, ce qui laisse supposer que les établissements sont plus susceptibles d'adopter une technologie τ donnée au fur et à mesure qu'augmente le nombre d'établissements utilisateurs de la même technologie dans les industries similaires dans la même région. L'élasticité de 0,0012 indique que lorsque « le nombre d'établissements déjà utilisateurs de la technologie τ dans les industries similaires dans la même région économique » double, la probabilité qu'un établissement adopte la technologie τ augmente de 0,12 %. La probabilité qu'un établissement situé dans la région économique couvrant la région du Grand Toronto adopte la technologie τ est de 6 % plus élevée comparativement à celle de l'établissement autrement identique situé dans une région qui compte 50 fois moins « d'établissements déjà utilisateurs de la technologie τ dans les industries similaires » , toutes autres choses étant constantes par ailleurs. Le coefficient des utilisateurs de technologie dans les industries assez similaires est positif et significatif, l'élasticité étant égale à 0,00065. Cela indique que, même si la présence locale d'établissements déjà utilisateurs dans les industries assez similaires accroît effectivement la probabilité qu'un établissement adopte la technologie, son effet correspond seulement à environ la moitié de celui des établissements déjà utilisateurs dans les industries similaires. L'estimation pour les établissements utilisateurs de technologie dans les industries différentes révèle une faible corrélation négative entre la probabilité d'adoption de technologie par un établissement et le nombre d'établissements déjà utilisateurs dans les industries différentes.

Tableau 4
Principaux résultats, portée fonctionnelle des externalités

Il importe de signaler que les effets des externalités produites par les établissements déjà utilisateurs de technologie affichent un profil nettement à la baisse à mesure que les similarités fonctionnelles entre les établissements déjà utilisateurs et les utilisateurs potentiels diminuent. Les résultats révèlent que les établissements profitent de la présence locale d'établissements utilisateurs de technologie seulement lorsque ces derniers leur ressemblent suffisamment en ce qui a trait au profil des achats d'entrées qui reproduit les similarités dans les processus. Cela donne à penser que les externalités technologiques des établissements déjà utilisateurs de technologie sont circonscrites par les similarités fonctionnelles et que la simple présence d'établissements déjà utilisateurs de la même technologie dans la même région géographique ne procure pas nécessairement l'avantage d'externalités technologiques.

On peut poser une hypothèse alternative pour expliquer l'effet significatif des établissements déjà utilisateurs dans les industries similaires, soit que l'effet est attribuable à des effets exogènes qui sont communs aux établissements dans la même industrie établis dans la même région géographique, c'est-à-dire au niveau technologie × industrie × région × temps. Pour éliminer cette hypothèse, nous subdivisons les établissements utilisateurs de technologie dans les industries similaires en deux groupes, soit celui des utilisateurs qui mènent des activités sur le marché de produits de leur propre industrie au niveau à quatre chiffres de la Classification type des industries (CTI) et celui des utilisateurs dans les autres industries dans les industries similaires (excluant leur propre industrie au niveau à quatre chiffres de la CTI du groupe des industries similaires). Il convient de souligner que le groupe des industries similaires étant construit en fonction des niveaux à trois et à quatre chiffres de la CTI, les industries au niveau à quatre chiffres de la CTI sont, par construction, un sous-ensemble des industries similaires. Étant donné que l'effet des établissements utilisateurs de technologie dans les autres industries dans le groupe des industries similaires est soustrait à la possibilité d'une telle corrélation illusoire au niveau technologie × industrie × région × temps, leur effet positif, s'il en est, suffit pour nous permettre d'éliminer l'hypothèse alternative d'un résultat trompeur découlant des effets fixes au niveau technologie × industrie × région × temps.

La colonne « Similarité de la production » du tableau 4 montre les estimations de cette spécification de la décomposition du marché de produits. Les résultats révèlent que l'effet des établissements utilisateurs de technologie dans les autres industries dans le groupe des industries similaires est positif et significatif, ce qui montre bien que les effets des établissements déjà utilisateurs de technologie ne sont pas attribuables aux effets trompeurs communs aux mêmes industries. L'effet positif et significatif de la présence locale d'utilisateurs de technologie dans les autres industries dans le groupe des industries similaires, même après prise en compte des effets fixes au niveau de l'industrie, de la région, du temps et de la technologie ainsi que d'autres effets d'agglomération au niveau industrie × région, laisse fortement supposer la présence d'un type quelconque de communication, à savoir des externalités de connaissances fondées sur l'apprentissage, entre établissements qui adoptent la même technologie dans la même région.

Il est intéressant de souligner également que l'effet des établissements utilisateurs de technologie dans les autres industries dans le groupe d'industries similaires est non seulement positif et significatif, mais en fait plus marqué que l'effet des établissements utilisateurs de technologie dans la même (propre) industrie. L'effet plus faible des établissements utilisateurs de technologie dans la même industrie (propre industrie au niveau à quatre chiffres de la CTI) peut être attribuable à des « externalités de connaissances entravées » du fait que les établissements ont des raisons de ne pas communiquer de l'information aux concurrents qui mènent des activités sur le même marché de produits. En pareil cas, la communication se ferait plutôt entre établissements qui mènent des activités sur des marchés de produits différents. Toutefois, et même si l'effet plus marqué des utilisateurs dans d'autres industries au sein du groupe des industries similaires est conforme à cette explication, l'absence de renseignements détaillés dans les données ne nous permet pas de déterminer les forces sous-jacentes auxquelles les résultats sont attribuables.

5.2 Questions économétriques

Questions d'identification

L'une des questions les plus cruciales en ce qui concerne la mesure des externalités de connaissances produites par les établissements déjà utilisateurs qui se transmettent aux utilisateurs potentiels tient à la mesure dans laquelle nous pouvons efficacement tenir compte des effets non observés à divers niveaux. Étant donné que les effets des établissements déjà utilisateurs sont mesurés au niveau technologie × industrie × région × temps, il est possible de tenir compte des effets non observés à chaque niveau pour s'assurer de ne pas obtenir un résultat trompeur. La colonne « Effets fixes de l'industrie, de l'emplacement » du tableau 5 montre les résultats lorsque les effets fixes du temps, de la technologie, de l'industrie et de la région sont inclus. Les estimations des établissements utilisateurs de technologie indiquées dans cette colonne sont tirées d'une spécification où les effets non observables à chacun des niveaux sont saisis intégralement au moyen des effets fixes.

Tableau 5
Externalités technologiques avec diverses variables de contrôle

Nous aimerions pousser plus loin l'expérience naturelle qui permet de déterminer si les effets des établissements déjà utilisateurs de technologie saisissent les effets fixes qui se situent au niveau de l'interaction industrie × région ou industrie × technologie. Nous contrôlons les effets industrie × région au moyen de la variable Moy_Ind_Région . Cette variable saisit les effets qui sont communs aux établissements dans la même industrie dans la même région , pour les diverses technologies. Un exemple de ces effets est la subvention de R-D dans les industries des produits électriques et électroniques dans la région d'Ottawa, qui aurait pour effet d'accroître l'investissement global dans ces industries dans cette région sans cependant augmenter le taux d'adoption d'une technologie donnée par rapport aux autres technologies. La colonne « Variables de contrôle (industrie × région) » du tableau 5 montre les résultats lorsque la variable Moy_Ind_Région est incluse. Les résultats révèlent que les effets des établissements déjà utilisateurs demeurent virtuellement inchangés au niveau de 5 %. Cela laisse supposer que les effets des externalités présentés à la colonne « Effets fixes de l'industrie, de l'emplacement » ne sont pas attribuables à des effets non observés qui se situent au niveau industrie × région.

De même, nous tenons compte des effets non observés au niveau industrie × technologie par l'inclusion d'une variable, Moy_Ind_Tech, qui contrôle les effets communs aux établissements dans la même industrie qui adoptent la même technologie, pour les diverses régions. Un exemple de tels effets serait le fait que la conception assistée par ordinateur est plus susceptible d'être adoptée dans l'industrie aéronautique que dans l'industrie des produits pétroliers, quel que soit l'emplacement géographique. Les résultats sont présentés à la colonne « Régression principale » du tableau 5. Tous trois coefficients des établissements utilisateurs de technologie dans différents groupes fonctionnels demeurent significatifs et virtuellement de même grandeur, sauf pour une petite diminution dans le cas des établissements déjà utilisateurs dans les industries similaires. Les coefficients stables des établissements déjà utilisateurs pour différentes variables montrent que les effets estimatifs de ces établissements ne sont pas sensibles d'une spécification à l'autre mais sont robustes sur les plans tant de la signification que de la grandeur. Cette constatation vient étayer l'hypothèse selon laquelle les effets des établissements déjà utilisateurs ne sont pas attribuables aux effets fixes industrie × région ou industrie × technologie. La spécification à la colonne « Régression principale », celle qui est le plus étroitement contrôlée, est utilisée comme l'une des principales spécifications (elle est exposée à la section 5.1).

Comme dernière vérification, nous estimons des modèles probabilistes linéaires qui comprennent un plus vaste ensemble d'effets fixes. Bien qu'un modèle probabiliste linéaire ne convienne pas à l'examen d'une variable dépendante binaire, il permet d'inclure tous les effets fixes nécessaires pour vérifier des hypothèses alternatives. Par conséquent, nous incluons les effets fixes industrie × région et industrie × technologie à la place des variables de contrôle Moy_Ind_Région et Moy_Ind_Tech de manière à tenir compte intégralement des effets fixes à ces niveaux. Les résultats sont présentés au tableau B.2 à l'annexe B. Ils montrent systématiquement que les estimations des établissements déjà utilisateurs ont tendance à demeurer inchangées et robustes lorsque les effets fixes supplémentaires sont inclus 17 . Cela apporte une forte confirmation à l'impossibilité d'attribuer les effets des établissements déjà utilisateurs à une corrélation trompeuse opérant à d'autres niveaux ou encore à l'absence de variables de contrôle et d'effets fixes.

Questions de sélection d'échantillons

Étant donné la façon dont l'ensemble de données utilisé dans ce document est construit, il y a lieu d'examiner un éventuel biais d'échantillonnage. Vu la nature rétrospective des données de panel qui sont construites à partir des données d'une enquête transversale, les données de panel portent uniquement sur les établissements qui ont survécu au moins jusqu'en 1993, tandis que les établissements qui ont fermé leurs portes avant 1993 sont exclus. Étant donné que les établissements utilisateurs de technologie sont plus susceptibles de survivre (Baldwin et Gu, 2004), l'échantillon qui en résulte se compose d'établissements qui sont plus susceptibles d'adopter des technologies ex ante .

Même s'il n'est pas possible d'obtenir un échantillon qui est représentatif de la population et n'est pas entaché d'un biais d'échantillonnage, nous pouvons utiliser une autre méthode pour vérifier si les résultats sont attribuables au biais d'échantillonnage. Intuitivement, les établissements sont plus susceptibles de survivre pendant une période de trois ans que pendant une période de dix ans. Par conséquent, des trois sous-échantillons portant sur trois périodes différentes, soit 1984 à 1986, 1987 à 1989 et 1990 à 1992, c'est celui qui couvre la dernière période, soit 1990 à 1992, qui devrait être le moins entaché d'un biais d'échantillonnage et donc être le plus représentatif de la population. Afin de déterminer si le biais d'échantillonnage est présent et suffisamment important pour influer sur les résultats, nous comparons les estimations de l'échantillon complet aux estimations de l'échantillon de la dernière période, qui sert de repère. Les colonnes « Échantillon complet » et « 1990 à 1992 » du tableau 6 montrent les estimations de l'échantillon complet et de l'échantillon de la dernière période, respectivement. Les résultats révèlent que les estimations de l'échantillon complet et celle de l'échantillon de la dernière période sont les mêmes pour ce qui est du signe, de l'importance et de l'ordre de grandeur pour les trois coefficients des établissements utilisateurs de technologie. Les résultats montrent systématiquement que les effets des établissements déjà utilisateurs sont les plus importants lorsqu'il y a proximité fonctionnelle et diminuent de façon monotone avec les différences. En outre, selon les estimations, les effets des établissements déjà utilisateurs dans les industries similaires sont légèrement plus marqués au cours de la dernière période étudiée qu'au cours de la période visée par l'échantillon complet. Cela laisse supposer soit une rupture systématique entre la dernière période et la période antérieure dans les effets des établissements déjà utilisateurs, soit que les estimations de l'échantillon complet sont biaisées vers le bas comparativement à celles du dernier échantillon supposément moins entaché d'un biais. Comme des estimations de l'échantillon supposément moins entaché d'un biais appuient encore plus fortement les résultats, il n'y a pas lieu de s'inquiéter si ces derniers sont attribuables à un biais d'échantillonnage.

Tableau 6
Questions de sélection d'échantillons

Questions d'endogénéité

Le problème de l'endogénéité est l'une des questions cruciales sur lesquelles porte la littérature sur le réseau. Dans le cas qui nous intéresse ici, la décision en matière d'emplacement prise par les établissements peut être endogène à leur décision en matière d'adoption de technologie. L'une des hypothèses sur lesquelles nous nous penchons dans ce document veut que les établissements soient hétérogènes quant à leur comportement d'adoption. Par conséquent, il se peut que les établissements qui sont plus susceptibles a priori d'adopter des technologies soient également plus susceptibles de s'établir dans des agglomérations. Si les établissements qui sont plus susceptibles d'adopter des technologies déménagent d'abord dans un endroit puis adoptent des technologies plus tard, alors les résultats exagéreront l'effet des externalités d'information pures. Même si les renseignements existants ne nous permettent pas de déterminer séparément ces deux effets, ils nous permettent de vérifier si cette question d'endogénéité potentielle peut présenter un problème ici.

Afin de déterminer dans quelle mesure les décisions en matière d'emplacement sont endogènes aux décisions en matière d'adoption de technologie, nous examinons le moment où sont prises les unes et les autres. Les données montrent que, dans le cas de la majorité des établissements, la décision en matière d'emplacement est prise bien avant celle en matière d'adoption de technologie. Les données révèlent que l'âge moyen des établissements qui adoptent des technologies (dans un nouvel emplacement) est de 11,6 ans et que la durée moyenne d'utilisation des technologies est de 3,4 ans. Même s'il est possible que les établissements déménagent dans une région en prévoyant adopter des technologies à l'avenir, en supposant que les établissements n'ont pas un don de clairvoyance parfaite, il est peu probable qu'ils ont pris la décision en matière d'emplacement en moyenne 8,2 ans avant leur décision en matière d'adoption. En outre, l'âge moyen dans un nouvel emplacement n'est pas statistiquement différent selon qu'il s'agit d'établissements qui adoptent des technologies et d'établissements qui n'en adoptent pas, l'âge moyen pour ces derniers étant de 10,6 ans. Ces deux faits donnent à penser que la question de l'endogénéité dans la décision en matière d'emplacement, même si elle existe, est sans importance.

5.3 La portée géographique des externalités technologiques

Il est utile de tâcher de déterminer la portée en termes de distance géographique des effets des externalités produites par les établissements déjà utilisateurs de la technologie τ. Au lieu d'analyser seulement les effets des établissements déjà « utilisateurs locaux », comme dans la section précédente, nous élargissons notre analyse de manière à inclure les effets des établissements déjà utilisateurs géographiquement éloignés.

Les résultats sont présentés au tableau 7. Ce tableau montre comment la présence d'établissements déjà utilisateurs influe sur la probabilité d'adoption de technologie selon la distance géographique qui les sépare de l'utilisateur éventuel; nous regroupons les établissements déjà utilisateurs selon qu'ils sont situés dans un rayon de 300 kilomètres des utilisateurs éventuels, dans un rayon de 300 kilomètres à 1 000 kilomètres et à plus de 1 000 kilomètres. Les estimations montrent que l'effet des établissements déjà utilisateurs qui sont situés à une distance de 300 kilomètres est positif et significatif avec une élasticité de 0,0013; dans le cas des établissements déjà utilisateurs situés à une distance de 300 kilomètres à 1 000 kilomètres, l'effet est positif avec une élasticité de 0,0011 seulement; et dans le cas des établissements utilisateurs situés à plus de 1 000 kilomètres de distance, l'élasticité est de 0,0004. Cela révèle que les effets des établissements déjà utilisateurs de technologie sont les plus marqués en situation de proximité géographique et diminuent avec la distance. Plus petite est la distance géographique entre l'établissement déjà utilisateur et l'utilisateur éventuel, plus fortes sont les externalités technologiques émanant des établissements déjà utilisateurs. Le fait que les externalités technologiques émanant des établissements déjà utilisateurs de technologie dépendent de la proximité géographique et s'affaiblissent avec la distance constitue une preuve de la localisation des externalités de connaissances.

Tableau 7
Portée géographique des externalités technologiques

En outre, ce profil des effets des établissements déjà utilisateurs qui affiche une tendance à la baisse selon la distance géographique permet de procéder à une autre vérification de la corrélation qui s'établit au niveau technologie × industrie. Si les estimations sont attribuables aux effets fixes technologie × industrie, le résultat montrera que les effets ne diffèrent pas selon la distance géographique. Les effets des établissements utilisateurs qui s'affaiblissent selon la distance géographique montrent que les effets des établissements déjà utilisateurs sont particuliers à la distance géographique au niveau technologie × industrie.

5.4 La portée technologique des externalités technologiques

Les externalités d'une technologie donnée ont-elles des effets uniquement sur la même technologie ou sur d'autres technologies également? Pour répondre à cette question, nous analysons l'effet, sur la probabilité qu'un établissement adopte la technologie τ , de la présence d'établissements déjà utilisateurs de technologies autres que la seule technologie τ . Cet examen sert également de test d'identification. Si les externalités des établissements déjà utilisateurs se transmettent par une voie particulière à la technologie à chaque niveau industrie × région (c.-à-d. technologie × industrie × région), alors nous pouvons éliminer la possibilité que le résultat obtenu ici soit attribuable à quelques autres effets qui se situent au niveau industrie × région.

Le tableau 8 montre les résultats pour trois différentes spécifications. La spécification pour la colonne « Même technologie » suppose que les externalités technologiques émanent exclusivement des établissements déjà utilisateurs de la même technologie tandis que les spécifications pour les colonnes « Groupe de technologies » et « Toutes les technologies » supposent que les externalités technologiques peuvent émaner d'établissements déjà utilisateurs de l'une quelconque des 22 technologies étudiées. La colonne « Même technologie » montre le résultat repère pour les effets des établissements utilisateurs de la même technologie τ . La colonne « Groupe de technologies » montre les effets des établissements déjà utilisateurs de toutes technologies entrant dans deux groupes, soit celui des utilisateurs du même groupe de technologies que la technologie τ et celui des utilisateurs de groupes de technologies différents du groupe de la technologie τ . La colonne « Toutes les technologies » montre les effets des établissements utilisateurs locaux de toutes technologies entrant dans l'un de trois groupes, soit celui des établissements utilisateurs de la même technologie, celui des utilisateurs du même groupe de technologies (excluant la même technologie) et celui des utilisateurs des différents groupes de technologies.

L'équation d'estimation pour la spécification présentée à la colonne « Toutes les technologies » du tableau 8 est :

Tableau 8
Portée technologique des externalités

Étant donné que les établissements utilisateurs de technologie dans les industries similaires sont ceux qui revêtent le plus d'intérêt et dont l'effet est le plus marqué, nous examinons ici les effets des établissements déjà utilisateurs de technologie dans les industries similaires. Un profil clair se dégage des trois premières estimations à la colonne « Toutes les technologies » selon lequel les effets des établissements déjà utilisateurs diminuent avec la distance technologique. La probabilité qu'un établissement adopte la technologie τaugmente de 0,014 % lorsque le nombre d'établissements utilisateurs de la même technologie τ dans les industries similaires dans la même région économique augmente de 1 %. Toutefois, la variation de la probabilité d'adoption attribuable à la présence d'établissements déjà utilisateurs du même groupe de technologies (excluant la même technologie τ ) n'est pas significative, tandis que l'effet des établissements utilisateurs du groupe de technologies différent est très petit et négatif, avec une élasticité de -0,00001. Les résultats montrent que les effets positifs des externalités des établissements déjà utilisateurs émanent exclusivement des établissements utilisateurs de la même technologie. Par conséquent, cela prouve que la proximité technologique est un aspect important des externalités de connaissances produites par les établissements déjà utilisateurs qui se transmettent aux utilisateurs éventuels. Plus la technologie adoptée par les établissements déjà utilisateurs et la technologie devant être adoptée par les utilisateurs potentiels se rapprochent ou sont similaires, plus les effets des externalités sont marqués.

En outre, les résultats confirment de nouveau que les effets positifs de la présence locale d'utilisateurs de technologie sont transmis par une voie particulière à la technologie à chaque niveau industrie × région. Il s'agit là d'une très forte preuve du fait que les effets d'externalités constatés dans cette étude ne sont pas attribuables à des facteurs communs au niveau industrie × région ou technologie × région, mais plutôt à des facteurs qui jouent au niveau d'interaction technologie × industrie × région × temps. Lorsque nous intégrons le résultat principal exposé à la section 5.1 selon lequel les effets des externalités des établissements utilisateurs de technologie dans les autres industries sont plus importants que ceux des établissements utilisateurs dans leur propre industrie au niveau à quatre chiffres de la CTI, les effets des externalités déterminés dans ce document se situent au niveau de détail encore plus fin que le niveau technologie × industrie × région × temps, et donc les résultats fondamentaux sont encore justifiés.

5.5 Autres effets d'agglomération

Nous avons analysé dans les sections précédentes comment la présence d'établissements déjà utilisateurs de technologie influe sur la décision des utilisateurs potentiels sur les plans de la proximité fonctionnelle, de la proximité géographique et de la proximité technologique. Toutefois, des facteurs autres que les externalités de connaissances émanant des établissements déjà utilisateurs influent aussi sur l'adoption de technologie. Par conséquent, nous examinons les effets d'autres externalités d'agglomération, soit la taille des activités économiques régionales, la main-d'œuvre qualifiée et la présence de fournisseurs d'entrées et de consommateurs de produits, qui influent également sur la probabilité d'adoption de technologie. Les résultats sont présentés au tableau 9.

Tableau 9
Autres effets d'agglomération

La première colonne à la partie supérieure du tableau 9 montre comment l'ampleur des activités manufacturières régionales, mesurée par l'emploi régional, influe sur la probabilité d'adoption de technologie par un établissement. Le coefficient de l'emploi régional, EMP _ RÉGIONir t, −1   , est positif et significatif, avec une élasticité de 0,02. Cela laisse supposer que la probabilité qu'un établissement situé dans une division de recensement comptant 300 000 emplois dans le secteur manufacturier adopte une technologie donnée est de 20 % plus élevée comparativement à celle d'un établissement situé dans une division de recensement comptant 10 fois moins d'emplois manufacturiers, soit 30 000 emplois, toutes autres choses étant égales par ailleurs. Ce résultat vient étayer l'hypothèse selon laquelle l'agglomération régionale facilite l'adoption de technologie dans une région.

Il est naturel de se demander alors quel type d'agglomération régionale facilite l'adoption de technologie dans une région. Est-ce la spécialisation régionale dans un petit nombre d'industries, comme l'affirme Marshall (1920) ou la diversification régionale des industries, comme le soutient Jacobs (1970)? La deuxième colonne à la partie supérieure du tableau 9 montre comment les agglomérations de différents groupes d'industries (regroupées en catégories selon les similarités sur le plan des achats d'entrées) influent de façon différente sur la probabilité d'adoption de technologie dans une région. La variable « emploi dans les industries similaires » saisit l'incidence de la taille de l'emploi dans les industries similaires sur la probabilité d'adoption de technologie par un établissement. Le coefficient négatif estimé laisse supposer que la probabilité qu'un établissement adopte une technologie en fait diminue avec l'agglomération des industries similaires dans une région. Les résultats révèlent en outre qu'un établissement est plus susceptible d'adopter une technologie à mesure que la taille des industries assez similaires dans une région augmente, tandis que la taille des industries différentes dans la région ne semble pas avoir d'incidence.

Ainsi, il semble que l'adoption de technologie soit facilitée non par l'agglomération d'industries similaires ou différentes dans une région, mais par l'agglomération d'industries assez similaires. Cette constatation vient appuyer l'affirmation de Jacobs (1970) en ce qui concerne la diversification des économies : les établissements retirent plus d'avantages de la présence d'un ensemble diversifié d'industries qui amènent de nouvelles idées et pratiques à un endroit donné. Le résultat toutefois attire l'attention sur une conséquence plus intéressante, soit l'optimisation de l'apprentissage lorsque les établissements sont suffisamment différents pour apprendre les uns des autres mais suffisamment similaires pour que les connaissances apprises soient pertinentes. Cette constatation fournit plus d'éclaircissements sur le degré de diversification des économies voulu pour optimiser l'apprentissage inter-organisationnel et pour faciliter l'adoption de technologie dans une région. Selon une autre interprétation de l'effet négatif de l'agglomération dans les industries similaires, une vive concurrence pour une part de marché peut faire baisser les bénéfices et donc diminue la probabilité d'adoption de technologie. Les deux hypothèses soulignent systématiquement non seulement l'importance de la taille de l'agglomération régionale mais, plus important encore, quelle agglomération d'industries peut être plus pertinente.

Ce résultat est comparable à celui obtenu pour l'effet des établissements déjà utilisateurs. Dans le cas des établissements utilisateurs de technologie, les effets sont les plus marqués lorsque les établissements déjà utilisateurs font partie du groupe des industries similaires mais non de la même industrie. Dans le cas de l'emploi, cependant, la portée est plus vaste en ce que les effets sont plus importants lorsque l'emploi régional est élevé dans les industries assez similaires.

La partie inférieure du tableau 9 montre les effets de la présence de scientifiques et d'ingénieurs, de fournisseurs d'entrées et de consommateurs de produits. Le coefficient d' Ingénieursr t, −1   est estimé comme étant hautement significatif avec une élasticité de 1,07. Cela laisse supposer qu'une variation d'un point de pourcentage de la part de scientifiques et d'ingénieurs dans la population dans une division de recensement, mettons de 4,1 % à 5,1 % (c.-à-d. une variation de 24 % de la part), augmente de 26 % la probabilité qu'un établissement adopte une technologie donnée 18 . L'effet significatif d'une main-d'œuvre régionale spécialisée et qualifiée est conforme à l'affirmation voulant qu'une abondance de personnes ayant le savoir-faire et les connaissances technologiques voulus augmente la capacité d'absorption et donc la probabilité d'adoption de la technologie dans la région 19 . Les effets de la « présence locale de fournisseurs d'entrées de production dans une région » sont estimés comme étant positifs et significatifs, ce qui appuie la théorie selon laquelle la présence de fournisseurs d'entrées dans la région favorise l'adoption de technologie 20 . Sur le plan quantitatif, l'élasticité de 0,014 montre que la grandeur de l'effet des fournisseurs locaux correspond aux deux tiers environ de celle de l'effet de l'emploi régional.

5.6 Caractéristiques organisationnelles

En analysant les effets des externalités de connaissances et d'autres aspects de l'agglomération régionale, il importe beaucoup de tenir compte de l'hétérogénéité des établissements afin de ne pas tirer de conclusions fausses sur les effets des externalités particuliers à chaque établissement. Le tableau 10 montre les effets estimatifs des caractéristiques des établissements qui sont prises en compte tout au long des diverses spécifications présentées dans ce document. Étant donné que les estimations des caractéristiques des établissements demeurent très stables et robustes pour toutes les spécifications, nous présentons et examinons ici les estimations résultant de la spécification principale.

L'effet estimatif de l'emploi montre que la probabilité d'adoption de technologie d'un établissement augmente de 0,22 % avec chaque augmentation de 1 % de l'effectif de l'établissement. Cette constatation est conforme à la théorie selon laquelle les capacités et les ressources organisationnelles sont l'un des facteurs les plus importants dans l'adoption de technologie. L'effet négatif du nombre de produits fabriqués par l'établissement laisse supposer que les économies d'échelle internes (qui sont inversement corrélées au nombre de produits) sont corrélées positivement à l'adoption de technologie même après prise en compte de la capacité de l'établissement. Cela pourrait être attribuable au fait que les coûts de la technologie sont répartis sur une plus grande quantité de produits à mesure que la production se fait à plus grande échelle. La diversité des voies de transmission de l'information, telle que mesurée par le nombre d'industries au niveau à quatre chiffres de la CTI dans lequel l'établissement mène ses activités, est corrélée positivement à l'adoption de technologie. En outre, l'adoption de technologie est moins probable dans les entreprises à établissement unique ou dans les établissements appartenant à des intérêts canadiens, comparativement aux établissements d'entreprises à plusieurs établissements ou aux établissements appartenant à des intérêts étrangers, même après prise en compte de la taille de l'établissement. Cela laisse supposer que les avantages que procure l'appartenance à une entreprise à plusieurs établissements ou à une entreprise appartenant à des intérêts étrangers découlent non seulement de la taille de l'établissement, mais également des renseignements et des ressources disponibles venant d'ailleurs 21 .

Tableau 10
Caractéristiques organisationnelles

17 . Même si le modèle probabiliste linéaire peut permettre de faire une comparaison utile, l'interprétation des coefficients est inappropriée.

18 . La part moyenne de scientifiques et d'ingénieurs dans une région est de 4,1 % et la variation dans une région est relativement faible. Comme l'élasticité dans le modèle logit saisit la variation de la probabilité attribuable à la variation en pourcentage d'une variable indépendante à un endroit local, il convient de procéder avec soin en interprétant les élasticités dans le modèle logit. Étant donné une fonction de distribution cumulative en forme de S, l'augmentation de la probabilité diminue lorsque la valeur d'une variable est plus élevée.

19 . Ce résultat est conforme à celui de Dumais, Ellison et Glaeser (1997) selon lequel la création d'un bassin de main-d'œuvre est l'une des externalités les plus importantes de l'agglomération.

20. L'importance des fournisseurs locaux est également documentée dans Kelley et Helper (1996).

21 . Les taux plus élevés d'adoption de technologie chez les entreprises appartenant à des intérêts étrangers sont documentés dans Baldwin et Gu (2004).