1. Introduction
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Les externalités de connaissances associées à la diffusion de nouvelles technologies sont depuis longtemps considérées comme d'importants moteurs de la croissance économique moderne (p. ex., Rosenberg, 1982; Landes, 1998; et Romer, 1990). Étant donné que les externalités de connaissances à la fois facilitent les agglomérations économiques régionales et sont facilitées par elles (p. ex., Marshall, 1920; Krugman, 1991a, 1991b; et Porter, 1998), il est naturel de se demander si les externalités de connaissances ont également des effets d'agglomération en ce qui concerne l'adoption de nouvelles technologies. Plus précisément, l'adoption de nouvelles technologies est-elle plus fortement agglomérée que d'autres formes d'activité économique et, dans l'affirmative, ce phénomène est-il attribuable aux externalités localisées de connaissances? Toutefois, aucune attention n'a été accordée à l'effet des externalités de connaissances sur l'adoption de technologies dans les ouvrages publiés. Ce document vise à déterminer si les externalités localisées de connaissances jouent un rôle dans l'adoption de nouvelles technologies ainsi qu'à cerner et à estimer les effets des externalités de connaissances.
La figure 1 fournit une réponse simple à la première partie de cette question portant sur la concentration de l'adoption de technologies. Elle montre que la concentration géographique est plus forte dans le cas des établissements qui utilisent des technologies de fabrication de pointe que pour l'ensemble des établissements dans une industrie 1 . Il s'agit d'un fait nouveau dans les ouvrages publiés et il soulève une question évidente mais importante : qu'est-ce qui explique le degré plus élevé de concentration géographique des établissements utilisateurs de technologies de fabrication de pointe? Une explication possible tient aux externalités de connaissances entre établissements utilisateurs de technologie. Malheureusement, cette hypothèse n'est pas facile à examiner. En premier lieu, il est rare de pouvoir observer les externalités de connaissances directement. En deuxième lieu, il y aurait d'autres explications éventuelles comme un bassin de main-d'œuvre, des liens en aval et en amont entre fournisseurs et acheteurs (p. ex., Krugman, 1991a; Fujita, Krugman et Venables, 1999; et Porter, 1990), des équipements locaux comme l'infrastructure de transport et des conditions comme le climat qui n'ont rien à voir avec les externalités 2 .
Dans ce document, nous examinons chacune de ces explications. Même si nous trouvons des preuves à l'appui de presque toutes, nous en arrivons à la conclusion principale qu'un établissement est plus susceptible d'adopter une technologie particulière (p. ex., une cellule de fabrication flexible) si cette technologie particulière a déjà été adoptée par d'autres établissements dans des industries « similaires » dans la même région. Les industries similaires ici représentent un ensemble construit par nous d'industries qui ont un profil semblable d'achats d'entrées 3 . Ce résultat n'est pas attribuable à une corrélation trompeuse au niveau de l'industrie, au niveau de la région ou même au niveau industrie × région. En premier lieu, le résultat se vérifie même après prise en compte du bassin de main-d'œuvre, des liens en aval avec les fournisseurs, des liens en amont avec les acheteurs, ainsi que des effets fixes relatifs à l'industrie, à la région, à la technologie et au temps. En deuxième lieu, le résultat montre que l'effet est le plus marqué lorsqu'il existe des similarités sur le plan géographique, technologique et fonctionnel et qu'il s'affaiblit avec la distance dans ces trois dimensions. En troisième lieu, le résultat est le plus important lorsque les établissements déjà utilisateurs sont dans une industrie différente de celle de l'utilisateur potentiel. Bref, le résultat laisse fortement supposer une communication entre établissements situés dans la même région géographique.
Cette communication laisse supposer l'existence d'externalités localisées de connaissances fondées sur l'apprentissage tel qu'exposé dans Case (1992), Jaffe, Trajtenberg et Henderson (1993), Powell et Brantley (1992) et von Hippel (1988). Par exemple, dans la décision d'adopter une nouvelle technologie, les utilisateurs potentiels se trouvent souvent aux prises avec des incertitudes en ce qui concerne les coûts de mise en place. Comme certains types de connaissances au sujet de la mise en place d'une nouvelle technologie sont tacites, elles sont plus susceptibles d'être acquises par l'observation directe des premiers adeptes, la démonstration, le bouche-à-oreille et d'autres mécanismes officieux. Ainsi, la présence locale d'établissements qui ont déjà adopté une nouvelle technologie faciliterait la diffusion rapide et complète de cette dernière.
L'analyse dans ce document s'appuie sur un ensemble de données de panel exclusif portant sur l'adoption de 22 technologies de fabrication de pointe par 1 902 établissements canadiens. Nous utilisons ces données pour nous pencher sur les questions suivantes. En premier lieu, et surtout, existe-t-il des externalités régionales de connaissances reliant les établissements déjà utilisateurs et les utilisateurs potentiels? Dans l'affirmative, l'importance de ces externalités dépend-elle de la similarité entre établissements déjà utilisateurs et utilisateurs éventuels lorsque la « similarité » est mesurée par le profil d'achats d'entrées? En deuxième lieu, les externalités de connaissances produites par les établissements déjà utilisateurs qui se transmettent aux utilisateurs potentiels sont-elles conditionnelles à la proximité géographique? Les externalités de connaissances des établissements déjà utilisateurs ont-elles des effets uniquement sur les utilisateurs potentiels dans la même région géographique ou également sur des utilisateurs potentiels situés à une plus grande distance? En troisième lieu, les externalités de connaissances sont-elles circonscrites par la proximité technologique? L'adoption par un établissement de la technologie τ a-t-elle des répercussions sur la décision d'autres établissements d'adopter une technologie quelconque ou seulement la technologie τ ? En quatrième lieu, quelle est la portée sectorielle des externalités d'agglomération sur l'adoption de technologie? C'est-à-dire, l'adoption de technologie est-elle facilitée par la spécialisation régionale dans quelques industries seulement, comme le soutient Marshall (1920), ou par la diversification régionale des industries, comme l'affirme Jacobs (1970)?
Même si dans la plupart des discussions au sujet de l'agglomération il est supposé que les effets de cette dernière sur l'adoption de technologie sont importants, très peu d'études portent sur cette question. Il y a trois groupes d'ouvrages pertinents. Le premier s'inscrit dans le prolongement de Jaffe, Trajtenberg et Henderson (1993) qui examinent le type d'externalité de connaissances qui est saisie par les citations de brevets. L'utilisation de citations de brevets pour étudier les externalités de connaissances mérite que l'on procède à des recherches plus poussées sur les externalités de connaissances attribuables aux trois particularités des brevets. Premièrement, les entreprises souvent ne prennent pas de brevet (Levin et coll., 1987; Rosenberg, 1982). Deuxièmement, tous les brevets ne contiennent pas de renseignements de valeur, et donc ne constituent peut-être pas la meilleure mesure des externalités de connaissances. Troisièmement, les brevets ne décrivent qu'un aspect particulier des connaissances novatrices, et toutes les activités d'innovation ne se prêtent pas à la prise d'un brevet. En revanche, les 22 technologies de fabrication de pointe dont il est question dans cette étude n'ont pas les caractéristiques ci-dessus; elles sont souvent des technologies générales qui ont de la valeur et sont accessibles universellement. Par conséquent, elles saisissent les différents aspects des connaissances sur lesquelles portent les brevets et donc sont de bons candidats pour une étude des externalités de connaissances qui comblera une lacune importante dans les ouvrages publiés sur cette question.
Le deuxième groupe d'ouvrages ne porte pas sur les externalités de connaissances comme telles, mais sur l'importance de différentes sources d'agglomération (Rosenthal et Strange, 2001; Dumais, Ellison et Glaeser, 1997; et Holmes, 2002). Dans ces documents, les auteurs examinent séparément chaque source d'agglomération mais traitent les externalités de connaissances comme résidus, ou bien les mesurent d'une manière imparfaite.
Le troisième groupe d'ouvrages connexes porte sur les répercussions de l'agglomération sur l'adoption de technologie. Ce groupe ne comprend que deux études (Harrison, Kelley et Gant, 1996; Kelley et Helper, 1996), qui portent sur les effets des attributs de l'emplacement sur l'adoption de machines commandées par ordinateur. Comme dans le cas des études précédentes, les externalités de connaissances ne sont pas examinées directement ni isolées des effets d'autres attributs de l'emplacement, puisque le but visé est d'examiner les attributs de l'emplacement qui facilitent davantage l'adoption de technologie. En outre, les ouvrages publiés justifient des recherches plus poussées dans ce domaine puisqu'il s'agit ici d'études de cas qui sont fondées sur l'adoption d'une technologie donnée dans un petit nombre d'établissements dans un petit sous-ensemble d'industries — 342 établissements dans 21 industries au niveau à 3 chiffres de la Classification type des industries (CTI). Par conséquent, les effets des externalités de connaissances demeurent non déterminés dans les ouvrages publiés. Cette étude a pour but de suppléer à ces lacunes en déterminant empiriquement et en estimant séparément les répercussions des externalités de connaissances et d'autres sources d'agglomération sur l'adoption de technologie.
La conclusion principale de cette étude est que l'adoption de technologie est facilitée par la présence d'établissements déjà utilisateurs qui possèdent quatre caractéristiques : (1) ils utilisent déjà la même technologie (par opposition aux établissements utilisateurs de technologies de pointe de façon plus générale); (2) ils sont situés dans la même région géographique; (3) ils ressemblent à l'utilisateur potentiel en ce qu'ils achètent un ensemble similaire de biens et services; et (4) les effets des établissements déjà utilisateurs sont les plus marqués si ces établissements déjà utilisateurs diffèrent de l'utilisateur potentiel en ce qu'ils ne mènent pas d'activités sur le même marché de produits (c.-à-d. le même code à quatre chiffres de la CTI). Ce résultat se vérifie même après prise en compte du bassin de main-d'œuvre régional, des liens régionaux aux fournisseurs et aux acheteurs ainsi que des effets fixes relatifs à l'industrie, à la région, à la technologie et au temps. Ces résultats sont de puissants indicateurs de la présence d'externalités localisées de connaissances dans l'adoption de nouvelles technologies.
Les chapitres 2 à 6 du document sont présentés comme suit. Au chapitre 2, nous documentons la plus forte concentration des établissements utilisateurs de technologie que des établissements de fabrication dans leur ensemble. Au chapitre 3, nous examinons la méthodologie. Au chapitre 4, nous décrivons les sources de données. Au chapitre 5, nous présentons les résultats des effets de l'agglomération sur l'adoption de technologie. Au chapitre 6, nous présentons nos conclusions.
1 . Nous traitons de cette question plus à fond à la section 2.
2 . Pour un examen des questions associées à la détermination des effets d'agglomération, voir Hanson (2000).
3 . D'autres détails sur la construction de l'ensemble d'industries similaires sont donnés à la section 4.2.
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