Section 3 : Étude spéciale

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Comment le cycle de récession-reprise de 2008-2010 se compare aux cycles précédents?

par Philip Cross 1 

Au Canada, les principaux indicateurs macroéconomiques que sont le PIB réel et l'emploi ont effacé l'ensemble des pertes accusées durant la récession de 2008-2009. Ce retour aux niveaux d'avant la récession marque la fin de la phase de reprise du cycle économique et le début de la phase d'expansion. Ce retour de l'économie est un résultat remarquable quand on se rappelle que la contraction de l'économie mondiale débutée en 2008 a été la plus grave et la plus synchronisée depuis les années 1930. Le Canada est le seul pays du G7 qui a récupéré ses pertes de la récession de 2008-2009, à en juger par la situation des six autres pays du G7 où le PIB réel et l'emploi restent en dessous de leurs niveaux d'avant la récession 2 .

La phase de reprise arrivant essentiellement à son terme au Canada, il paraît opportun de comparer ce dernier cycle de récession-reprise aux précédents. La présente étude se propose ainsi de mettre en évidence leurs similitudes et leurs différences. Dans le même temps, elle rappelle aux lecteurs certains éléments caractéristiques de la manière dont Statistique Canada distingue une économie entrée en récession.

Nous procéderons par comparaison aux précédents cycles de récession-reprise de 1981-1982 et de 1990-1992. La présente étude se concentre sur ces trois cycles pour plusieurs raisons. Ils présentent de nombreuses similitudes; ils ont tous donné lieu à de très fortes contractions, et se sont accompagnés de fortes baisses du PIB, des investissements des entreprises et de l'emploi. Il y a également des motifs d'exclure d'autres périodes économiques marquées par un affaiblissement de l'activité. Contrairement aux É.-U., le Canada est parvenu en 2001 à éviter une franche récession. Les phases de récession de 1980 et de 1974-1975 ont été écartées, car elles étaient trop brèves et pas assez prononcées pour se prêter à une comparaison avec les récessions profondes qui ont débuté en 1981, 1990 et 2008. L'un des indicateurs de la gravité relative de ces trois phases de récession est le PIB réel qui a suffisamment chuté pour inciter les employeurs à supprimer des emplois, alors même que l'emploi ne s'est pas contracté en 1974-1975 ou en 1980.

Répercussions du cycle de 2008-2010 sur la production et l'emploi

La figure 1 nous montre en parallèle l'évolution mensuelle du PIB réel, de l'emploi et du nombre d'heures travaillées durant le dernier cycle de récession-reprise. La caractéristique la plus frappante est que la contraction des emplois s'est opérée à un rythme moitié moindre seulement de celui de la chute de la production durant cette récession. Cela s'explique par le fait que les employeurs au Canada ont presque autant misé sur les compressions d'emplois et la réduction des heures de travail hebdomadaires pour abaisser le nombre total d'heures travaillées et les harmoniser avec les besoins de la production.

Graphique 3.1

Si les chiffres du PIB réel et de l'emploi à la fin de 2008 et au premier semestre de 2009 étaient sans conteste caractéristiques d'une phase de récession, il reste difficile d'en fixer la date exacte de début et de fin. La production mensuelle a atteint un pic au mois de juillet 2008, en partie grâce à la fin des perturbations d'approvisionnement qui avaient entravé la production au printemps de 2008, tout particulièrement dans le secteur de l'énergie (ces perturbations laissent penser que le ralentissement d'ensemble du PIB qui s'est produit au printemps n'était pas totalement lié au début de la récession aux É.-U.) 3 . Il se pourrait donc que le sommet atteint en juillet ne découle pas seulement de facteurs cycliques. Ainsi, la baisse du PIB enregistrée au mois d'août pourrait ne traduire qu'un retour à des niveaux de production d'énergie plus normaux et ne pas marquer le début de la récession. Force est d'ailleurs de constater que la production s'est stabilisée en septembre avant de marquer un net recul en octobre.

Entre-temps, l'emploi avait progressé de manière régulière en 2008 pour atteindre un pic en octobre. Cependant, leurs petits gains enregistrés en matière d'emplois en octobre 2008 procèdent d'un mouvement de recrutement accompagnant les élections fédérales. On peut donc situer le sommet conjoncturel en matière de demande de travail en septembre 2008 et le nombre d'heures travaillées a commencé à baisser en octobre alors même que l'emploi avait connu une hausse légère. Ceci fait correspondre le sommet de l'emploi à celui du PIB dans le scénario décrit plus bas. De la même façon, il se peut que le niveau bas de juillet 2009 en matière d'emploi ne reflète qu'un nouveau modèle saisonnier propre au secteur de l'enseignement et apparu pour la première fois en 2008 qui, par nature, pourrait se trouver modifié légèrement quand les facteurs saisonniers seront mis à jour aux cours des prochaines années dans l'Enquête sur la population active. Mai 2009 semble constituer le creux du PIB mensuel, mois durant lequel une vague de fermetures d'usines a frappé l'industrie de l'automobile lorsque deux grands constructeurs se sont déclarés en faillite et ont diminué leur production, le même mois que le creux pour les heures travaillées.

Comparaison de la production avec les cycles précédents

La figure 2 offre une comparaison des PIB réels observés au cours des trois dernières phases de récession-reprise et leur évolution vers des niveaux d'avant la récession. Chaque cycle a ses propres caractéristiques. On voit ainsi que la contraction qui s'est produite durant la période de 1981-1982 a donné lieu au plus fort recul de sommet à creux. Ce recul a toutefois été inégal avec une tendance baissière abrupte, ponctuée de plusieurs mois de croissance et suivie en 1983 d'une reprise qui est la plus marquée des trois cycles. La baisse de 2008-2009 n'a dans l'ensemble pas été aussi abrupte que celle de 1981-1982, mais n'en a pas moins établi un record de l'après-guerre pour la gravité du repli sur le plus grand nombre de mois d'affilée (8). Tout cela témoigne de la manière dont des forces cycliques, déclenchées par une récession mondiale, prévalent sur des facteurs irréguliers, lesquels sont le plus souvent à l'origine d'un « bruit » venant parasiter les données mensuelles, comme ce fut le cas au cours des deux autres récessions. Le rythme initial de décroissance enregistré durant la période 2008-2009 a été supérieur à celui des deux autres récessions, en partie du fait de la forte tendance baissière du mouvement cyclique de l'économie.

Graphique 3.2

La récession qui a débuté en 1990 n'a pas été aussi grave que celles qui ont commencé en 2008 ou en 1981, que ce soit en termes de taux de recul initial ou de contraction de sommet à creux. Cette phase a toutefois duré plus longtemps avant que la reprise ne s'ancre véritablement. Après une année de recul, on a assisté en avril et en mai 1991 à une tentative de relance du PIB réel (suite au début de la guerre du Golfe en janvier et à l'introduction au début de l'année de la TPS, laquelle entraînait une baisse marquée des dépenses), mais la croissance a calé durant tout le reste de l'année 1991 et tôt en 1992 (le PIB en mars 1992 était au même niveau qu'en mai 1991). Cette situation a eu deux conséquences. La première a été le ralentissement de la production qui a conduit les employeurs à renouer avec les suppressions d'emploi, et l'emploi n'a pas atteint son creux avant 1992. Il ne s'agissait pas alors simplement d'une reprise sans nouveaux emplois; comme le montre la figure 2, l'absence de croissance du PIB durant pratiquement toute la seconde année du cycle 1990-1992 est également le signe d'une reprise à « sans nouvelle demande ». En second lieu, cette reprise différée n'a pas permis de retrouver avant trois ans les niveaux de PIB d'avant la récession. En comparaison, ces niveaux avaient été retrouvés deux ans après pour le cycle de 1981 et 18 mois après pour le cycle de 2008.

Ces différences dans le rythme de reprise expliquent pourquoi il est difficile de porter un jugement tranché sur la gravité d'une récession et d'établir des comparaisons entre elles. C'est ainsi qu'en dépit de reculs de sommets à creux plus marqués en matière de PIB réel en 1981-1982 et en 2008-2009, la période de 1990-1992 a connu une perte plus importante de production relativement à un taux de croissance nul ou potentiel. Les reculs de sommets à creux du PIB ne rendent compte que de l'intensité d'une récession, alors que sa durée constitue une autre facette importante de sa gravité (sa diffusion en est une autre, ou la manière dont elle s'étend 4 ). Il faut donc bien voir que le coût d'une récession n'est pas uniquement lié au recul absolu de la production, mais aussi à la croissance dont l'économie se prive, aussi bien durant la récession que durant la reprise.

L'emploi et les cycles précédents

La figure 3 illustre les cycles de l'emploi. On relève plusieurs différences notables en comparaison aux cycles du PIB réel de la figure 2. La première est la durée supérieure pour retrouver les niveaux d'emploi d'avant la récession – quatre ans après le début de la récession de 1990 et trois ans après celle de 1981, à comparer à trois et deux ans pour retrouver les niveaux de PIB. En 2010, toutefois, la reprise de l'emploi et de la production s'est effectuée presque de concert et a duré deux ans. La reprise différée du début des années 1990 est un cas particulier en ce sens qu'elle s'est accompagnée d'un rare « double plongeon »; on a ainsi vu l'emploi en net repli en 1991, suivi d'un bref épisode de reprise, puis d'une nouvelle contraction marquée qui s'est poursuivie sur près d'une année, une évolution qui reflétait le décrochage du PIB du second semestre de 1991 et au début de 1992 5 . Ce double plongeon observé dans l'emploi n'a cependant pas eu de répercussions sur le nombre d'heures travaillées qui a continué à chuter durant sept trimestres d'affilée, plus précisément du quatrième trimestre de 1990 au second trimestre de 1992 (la chute globale de 5,0 % du nombre d'heures travaillées en 1990-1992 a cependant été moindre que celle de la période de 1981-1982 avec 6,8 %).

Avec 5,4 %, le recul de sommet à creux de l'emploi durant la récession de 1981-1982 a sans aucun doute constitué l'affaissement le plus important des trois cycles observés. Le recul de sommet à creux a été de 3,4 % en 1990-1992 et de 2,4 % en 2008-2009. Rappelons que cela ne signifie pas nécessairement que le cycle de 1981-1982 est celui qui a eu les répercussions d'ensemble les plus importantes sur l'emploi. La relance de 'emploi s'est en effet opérée plus rapidement en 1983 qu'au cours de la reprise différée qui a suivi l'année 1992. Voilà pourquoi la zone ombragée B dans la figure 3 est plus étendue que la A. On est donc conduit à penser que les pertes d'emplois cumulées du cycle complet récession-reprise du début des années 1990 ont été plus importantes que celles du début des années 1980 6 . En d'autres termes, le recul de sommet à creux dans une phase de récession ne rend pas compte de l'écart total par rapport à un niveau de croissance nulle sur lequel influent également la durée de la baisse et la rapidité de la reprise qui s'ensuit. Quels que soient les critères de mesure retenus, la récession de 2008-2009 s'est révélée moins grave vis-à-vis de l'emploi : les pertes d'emplois ont été moindres et l'économie les a compensées en bien moins d'années qu'elle ne l'avait fait pour les deux autres cycles (en 2010, la reprise s'est quasiment accomplie dans le même temps qu'il a fallu à une précédente récession pour atteindre son niveau le plus bas en 1982 et bien avant une autre pour atteindre son creux en 1992).

Graphique 3.3

Durant la récession de 2008-2009, les employeurs au Canada ont eu recours presque autant à des semaines de travail plus courtes qu'à des réductions d'emploi pour diminuer le facteur travail mensuel de 4,5 %. Cette manière de procéder indique qu'ils s'attendaient parfaitement à ce que la baisse de la demande au Canada soit limitée, aussi bien en portée qu'en durée, une fois passé le premier choc sur les marchés financiers globaux et sur l'économie mondiale. Aux États-Unis, les employeurs ont également parfaitement mesuré l'ampleur de la gravité de leur récession, mais ont davantage misé sur des suppressions d'emploi qui, avec 6,1 %, ont atteint un niveau record d'après-guerre. Au cours des deux récessions précédentes, les employeurs au Canada ont davantage procédé à des suppressions d'emplois qu'à des réductions de la semaine de travail pour faire diminuer les intrants travail, par une proportion se situant en moyenne à 70 % contre 30 %. Cela correspondait presque exactement à ce qu'ont fait les employeurs aux États-Unis. Néanmoins, ce ratio a été stable aux États-Unis au cours de la plus récente récession 7 , tandis qu'il a diminué à 53 % au Canada, ce qui met en évidence la manière différente dont ont procédé les employeurs canadiens en 2008-2009.

La réduction des heures travaillées au Canada s'explique en grande partie par la baisse de 3,3 % de l'emploi à plein temps en 2008-2009. L'emploi à plein temps à la fin de 2010 se situait à 64 000 (ou 0,5 %) sous son niveau d'octobre 2008, ce qui explique en grande partie pourquoi les heures travaillées totales restent 0,7 % inférieures à leur sommet de septembre 2008. Précédemment, il avait fallu plus de quatre ans pour que l'emploi à plein temps retrouve son ancien sommet de juillet 1981 et presque sept ans dans les années 1990 (en avril 1997, l'emploi avait finalement récupéré son niveau de juillet 1990). Ceci s'explique par des baisses beaucoup plus marquée de l'emploi à plein temps durant les deux précédentes récessions (7,4 % en 1981-1982 et 6,0 % en 1990-1992).

Si en règle générale, PIB réel et emploi évoluent de concert durant les phases de récession et de reprise, ils peuvent aussi suivre des rythmes différents, les créations d'emplois évoluant habituellement plus lentement. C'est la raison pour laquelle Statistique Canada et le NBER (l'arbitre des épisodes de récession aux É.-U.) observent parallèlement les indicateurs de la production et de l'emploi pour déterminer si l'économie est entrée en récession et, si tel est le cas, à quelles dates cette phase a commencé et s'est terminée. Pour plusieurs raisons, aucun des deux organismes n'a recours aux règles générales souvent citées et qui définissent la récession comme une phase marquée par le recul du PIB sur plusieurs trimestres consécutifs. La première raison a déjà été mentionnée. Elle tient au fait que les fluctuations mensuelles et trimestrielles de l'économie génèrent du « bruit » qui traduit une multitude de changements irréguliers de l'économie et occultent les tendances cycliques sous-jacentes. Ces événements irréguliers peuvent rendre compte de situations qui vont de la panne électrique de 2003 aux Jeux olympiques, en passant par des conflits de travail, sans oublier des conditions météorologiques inhabituelles ou de nouvelles tendances saisonnières. Comme cela était précisé dans l'étude spéciale publiée le mois dernier, le PIB trimestriel s'est révélé plus sensible aux petits replis de l'activité découlant de ce type d'événement : si la chute de la production a chuté depuis 1982 durant cinq trimestres hors récessions, l'emploi trimestriel lui n'a jamais fléchi hors récessions 8 . En second lieu, il peut arriver que la production et l'emploi divergent selon la manière dont les employeurs ajustent le nombre heures travaillées ou en fonction de changements apportés à la productivité du travail.

Les É.-U. constituent à ce titre le meilleur exemple de la manière dont les liens entre production et emplois peuvent changer au cours du temps. C'est ainsi qu'après des décennies où, durant les récessions, la baisse de l'emploi s'opérait un peu tardivement par rapport à la chute de la production, on a vu l'emploi diminué en 2008 avant même que la production ne commence à se contracter 9 . Bien plus encore, l'emploi a, pour la première fois dans l'histoire, diminué plus fortement que la production durant la récession 10 . Ce qui s'est passé aux É.-U. a démontré que les liens entre production et emploi pouvaient fluctuer au fil du temps et justifie l'étude de ces deux indicateurs pour déterminer les dates d'une récession. Lorsque le PIB et l'emploi sont en conflit, le NBER donne plus d'importance à la production totale puisqu'il s'agit pour l'organisme de la mesure la plus fiable de l'activité économique. 11 

La demande sectorielle au cours des récessions récentes

Si la chute de la demande globale a d'abord été rapide durant la récession de 2008-2009, elle a dans l'ensemble été moindre qu'au cours de la période de 1981-1982 et s'est produite sur une durée plus courte que celle des deux récessions de 1981-1982 et 1990-1992. La présente section examine les secteurs qui ont contribué aux comportements différents de la demande durant ces trois récessions.

La caractéristique la plus frappante de la récession de 2008-2009 a été la rapidité et la gravité de la contraction des exportations (figure 4). En moins de six mois, les recettes d'exportations se sont effondrées de 30 % pour atteindre au plus bas près de 40 %, avant que la croissance des exportations ne reprenne. 12  Cette situation est à rapprocher de la chute d'environ 10 % qu'ont connu les exportations durant les récessions qui ont débuté en 1981 et 1990.

La rapidité et la gravité sans précédent de la chute des exportations en 2008-2009 reflètent les répercussions sans précédent qu'ont eues sur l'économie mondiale et les échanges commerciaux les perturbations sur les marchés financiers à l'automne 2008. Ces troubles sont à l'origine d'une baisse très marquée du volume des produits manufacturés (automobiles, biens de consommation, machines et matériel, etc.) et du prix des exportations de ressources naturelles. Au Canada, la baisse des produits de base a suivi une période prolongée d'expansion de la demande, alors que les manufacturiers de biens, notamment d'automobiles, enregistraient déjà une tendance à la baisse. La chute des recettes d'exportation du Canada n'était pas un cas isolé. Pratiquement tous les grands pays qui font du commerce ont vu leurs exportations fondre de 30 % à 40 % au cours de l'automne et de l'hiver 2008-2009 13 . La reprise des exportations a été lente et n'a permis de compenser qu'environ un tiers des pertes subies durant la récession 14 . Ceci contraste avec la situation des deux cycles précédents, lorsque ce sont les exportations qui ont été le moteur de la reprise.

L'une des caractéristiques d'une grave récession est le faible niveau d'investissement des entreprises dans les usines et le matériel. On a ainsi pu voir cet investissement chuter d'environ 20 % en volume au cours de la récession de 2008-2009. Ces chiffres correspondent au recul total des investissements des entreprises enregistré durant les récessions qui ont démarré en 1981 et en 1990 (figure 5). On notera cependant que la chute de 20 % qui s'est amorcée en 1990 s'est déployée sur trois années, et sur deux années pour celle de 1981-1982. Les entreprises ont dû s'adapter à ces baisses globales en seulement trois trimestres, de la fin de 2008 au début de 2009. Après avoir accusé un retard au début de la reprise, l'investissement est reparti à la hausse en 2010 et a été le moteur de la croissance au cours du troisième trimestre, mais est resté bien en dessous de son niveau d'avant la récession, n'ayant repris que la moitié de ses pertes enregistrées durant le repli.

On ne s'étonnera pas de constater que la chute des investissements des entreprises a suivi de près l'effondrement rapide et intense des recettes d'exportations. La figure 6 donne à voir l'évolution des revenus et des dépenses des sociétés durant la phase de récession de 2008-2009. Dès que les sociétés ont constaté une chute rapide de leurs revenus (pour l'essentiel des profits) au quatrième trimestre de l'année 2008 consécutive à la contraction de leurs recettes d'exportation, elles ont réagi et ont réduit, en l'espace d'un trimestre, leurs dépenses au même rythme que la baisse de leurs revenus.

Comme il était mentionné dans un article paru dans le numéro de juillet 2010 de L'observateur économique canadien 15 , les stocks n'ont joué un rôle déterminant dans aucune des trois dernières récessions. Aucune augmentation sensible des stocks associés aux ventes n'a été observée avant la manifestation de ces contractions. Ce n'est qu'au cours de la dernière récession que l'on a noté une augmentation mesurable du ratio des stocks aux ventes, ce qui dénote la rapidité inattendue de la chute des ventes à l'automne 2008. Ce redressement s'est rapidement inversé, ce qui témoigne de la capacité des entreprises à exercer un contrôle très strict sur leurs stocks au moyen de technologies modernes (ce que démontre clairement aussi la manière dont le ratio des stocks aux ventes a chuté de manière régulière au fil du temps).

Comment se fait-il que la demande globale en 2008-2009 n'a pas donné lieu à des pertes supérieures à celles de replis antérieurs, alors même que les exportations accusaient des reculs sans précédent et que l'investissement des entreprises connaissait des baisses similaires à celles de récessions précédentes? La réponse tient en grande partie au comportement des ménages et à leurs dépenses (les dépenses de ménages se définissent comme étant la somme des dépenses personnelles et des dépenses résidentielles). Lors de la récession qui a débuté en 1981 comme celle qui a débuté en 1990, les dépenses des ménages se sont contractées d'environ 6 %, pour se stabiliser dans les deux cas environ un an après. En 1981-1982, il aura fallu deux ans et demi pour que la demande des ménages retrouve son niveau d'avant la récession. En 1990-1991, les ménages ont dû attendre quatre années entières avant de retrouver un niveau de dépenses équivalent à celui d'avant la récession. A contrario, la demande des ménages n'aura chuté que de 2 % environ au cours des deux trimestres de la dernière récession. La vive reprise au début de l'année 2009 a en grande partie permis de compenser les pertes avant le premier anniversaire du début de la crise. La reprise vigoureuse des dépenses des ménages permet donc d'expliquer comment la demande globale a permis de récupérer les pertes associées à la phase de récession, et ce, en dépit du fait que les exportations et les investissements des entreprises n'ont permis de compenser que la moitié du repli de leur activité durant la contraction.

En comparaison aux précédentes récessions, plusieurs facteurs ont contribué à donner plus de vigueur aux dépenses des ménages en 2008-2009. Les ménages canadiens présentaient en effet un bon bilan financier au début et pendant la récession. Comme il a déjà été mentionné, l'emploi ne s'est pas contracté autant que cela avait été le cas au cours des deux récessions précédentes. Le flux de crédit au Canada n'a pas autant été perturbé durant la période 2008-2009 que cela a été le cas aux É.-U. et dans d'autres pays. Par ailleurs, les crédits accordés aux ménages ont crû tout au long de la récession. Tout cela rend compte de la bonne santé du système financier et de l'intervention massive que les décideurs ont apportée pour consolider le capital et abaisser les taux d'intérêt. Entraîné par la demande des ménages, la demande intérieure non gouvernementale au Canada était la seule parmi les pays du G7 à recouvrer le niveau d'avant la récession.

Conclusion

Selon la plupart des indicateurs classiques – PIB réel, emploi et nombre d'heures travaillées – la récession de 2008-2009 a été moins grave que celles qui ont débuté en 1981 et 1990. Cela est confirmé aussi bien par les comparaisons des reculs de sommet à creux que par ceux de la durée nécessaire pour récupérer les pertes subies durant une récession.

Toutefois, le bilan relativement plus modéré de la récession de 2008-2009 ne rend pas fidèlement compte des répercussions significatives de la crise financière mondiale. À n'en pas douter, la production et l'emploi se sont, au premier stade du ralentissement, contractés plus rapidement que pendant n'importe quelle autre phase de récession d'après-guerre. Pour l'essentiel, on peut attribuer cela à l'évaporation des principaux marchés d'exportation et à la baisse rapide et intense des revenus et des dépenses des sociétés qui en ont découlé. L'économie a commencé à se stabiliser à la mi-année 2009 après la prise de mesures stratégiques sans précédent, au Canada et à l'étranger, dont certaines visaient à rendre moins sensible aux aléas le système bancaire canadien que ceux des États-Unis ou de l'Europe. Il s'en est suivi que les effets de la récession se sont moins fait sentir au Canada que dans d'autres pays et que la reprise y a été par la suite plus rapide et plus complète, le Canada étant le seul pays du G7 où l'activité économique a retrouvé son niveau d'avant la récession.

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