L’économie ontarienne a gardé sa vigueur et a créé 453 000 emplois au total de janvier 2003 à décembre 2007 en s’affranchissant des pertes subies en fabrication. L’évolution a été semblable au Québec, puisque l’économie québécoise a ajouté 263 000 emplois malgré des réductions en agriculture, dans l’exploitation forestière et en fabrication. Dans ces deux provinces, les services et la construction ont été le moteur de la croissance. Dans l’ensemble, le taux de chômage est tombé de 6,9 % à 6,5 % en Ontario et de 8,4 % à 7,0 % au Québec.
Les tendances haussières des salaires à l’échelle des industries suivent remarquablement les axes d’évolution de l’emploi. Les gains ont généralement été les plus hauts dans l’extraction minière et les plus bas en fabrication. À l’échelle des industries de services, la croissance a été relativement uniforme.
Dans les provinces, les termes de l’échange favorisent l’élévation du revenu réel
Malgré le renchérissement de l’énergie, les termes de l’échange se sont améliorés aussi bien au Québec qu’en Ontario de 2002 à 2007 (figure 4). On entend par là le rapport entre prix à l’exportation et à l’importation ou le pouvoir d’achat des exportations à l’importation. Si les termes de l’échange s’améliorent, une économie peut dépenser plus que ne le permet sa seule production intérieure, et ce, en se donnant un meilleur pouvoir d’achat sur le marché extérieur.
Figure 4
L’effet de l’évolution des termes de l’échange sur le revenu réel peut se mesurer par le revenu intérieur brut (RIB) réel. Celui‑ci est le PIB en déflation par les prix des dépenses intérieures. On y tient compte non pas tant de la production que des variations du pouvoir d’achat. C’est donc là un concept de revenu qui appréhende non pas les biens et services que produit une économie, mais les biens et services qu’elle peut mobiliser pour la consommation et l’investissement.
À l’échelle nationale, l’amélioration des termes de l’échange a constitué une grande source d’accroissement du revenu réel de 2002 à 2007. Au Canada, le RIB réel a crû de 3,9 % en moyenne. C’est 1,1 point de plus que le PIB réel, puisque cette amélioration a fait que la consommation (3,8 %) et l’investissement (6,7 %) ont progressé plus rapidement que la production réelle. En Ontario, la consommation s’est accrue en moyenne de 3,4 %, le RIB réel (2,4 %) devançant le PIB réel (2,2 %). Au Québec, le gain moyen de la consommation s’est établi à 3,3 % avec 2,6 % pour le RIB réel et 2,0 % seulement pour le PIB réel.
Les termes de l’échange se sont améliorés après 2002 tant au Québec qu’en Ontario, mais les sources de ce mouvement sont sensiblement différentes. Au Québec, l’intégration de l’Asie au marché mondial a fait augmenter les prix à l’exportation (notamment pour les métaux) et diminuer les prix à l’importation, et ce, malgré le renchérissement de l’énergie (figure 5). Ensemble, le fléchissement des prix des produits manufacturés et la valorisation du dollar ont fait suffisamment descendre les prix à l’importation hors énergie pour neutraliser le renchérissement de l’énergie. La baisse des prix à l’importation et leur hausse à l’exportation ont eu pour effet net d’améliorer les termes de l’échange en moyenne de 1,1 % par an au Québec.
Figure 5
En Ontario, il y a aussi eu progression de cet indicateur, mais parce que les prix à l’importation ont diminué plus vite que les prix à l’exportation. Le régime d’évolution des prix semble indiquer que, dans ce contexte d’intégration de l’Asie au marché mondial et de valorisation du dollar, les pressions s’exerçant à la baisse sur les prix des produits manufacturés ont amené les fabricants ontariens à réduire leurs prix. Il reste que, dans l’ensemble, les prix à l’exportation n’ont pas été autant en descente rapide que les prix à l’importation et que les termes de l’échange se sont améliorés. Cette progression en Ontario n’a cependant été que de la moitié de celle qu’a connue le Québec. Elle a été bien inférieure à celle qui a été observée dans l’ensemble du pays.
Les prix à la consommation et à l’investissement s’adaptent
Les prix des biens et services de consommation et des biens d’équipement ont également évolué au Québec et en Ontario. Les prix de produits comme les meubles, les appareils ménagers, les vêtements et les chaussures sont en décroissance depuis les dernières années de la décennie 1990. La main-d’œuvre à bon marché de l’Asie a fait que les consommateurs canadiens ont eu accès à des produits moins chers. Le continent asiatique se constituant de plus en plus en source privilégiée d’approvisionnement en de tels produits, les prix des biens durables et semi-durables ont diminué.
Cette baisse est la première dans l’histoire des indices provinciaux des prix à la consommation de ces produits (figure 6). Au Québec et en Ontario, les prix des biens durables ont plafonné vers la fin des années 1990 pour ensuite évoluer vers le bas. Les prix des biens semi-durables ont présenté une tendance semblable.
Figure 6
De 2002 à 2007, les prix des biens durables ont reculé en moyenne annuelle de 1,2 % tant au Québec qu’en Ontario (tableau 1) et ceux des biens semi-durables ont perdu 0,7 % dans la première de ces provinces et 1,3 % dans la seconde. Les prix des biens non durables (énergie et alimentation notamment) ont fait des gains rapides dans la même période pour une moyenne annuelle de 3,4 % dans ces deux provinces.
Les prix des biens d’équipement se sont aussi adaptés à un boom des ressources qui a fait monter le taux de change. Les prix des machines, qui sont surtout importées, ont décru en moyenne annuelle de 4,8 % au Québec et de 4,7 % en Ontario. Pour compenser ces diminutions, il y a eu une forte demande du secteur des ressources et du marché de l’habitation qui a entraîné les prix de la construction vers le haut, d’où un léger renchérissement des biens d’équipement dans les deux provinces.
Tableau 1 Moyenne des variations annuelles des prix, 2002 à 2007
|
Canada |
Québec |
Ontario |
|
% |
Prix à la consommation |
2,2 |
2,1 |
2,0 |
Durables
|
-1,1 |
-1,2 |
-1,2 |
Semi-durables
|
-0,8 |
-0,7 |
-1,3 |
Non durables
|
3,4 |
3,4 |
3,4 |
Services
|
2,8 |
2,4 |
2,7 |
|
|
|
|
Prix des investissements |
1,8 |
0,8 |
0,8 |
Bâtiments
|
5,1 |
4,5 |
5,1 |
Machines
|
-4,6 |
-4,8 |
-4,7 |
|
Syndrome chinois, syndrome hollandais et provinces centrales
De 2002 à 2007, le Québec et l’Ontario ont commencé à s’adapter à l’érection de la Chine en puissance économique. Leurs secteurs manufacturiers respectifs ont supprimé des emplois, s’orientant vers plus de production de biens durables au Québec et diminuant cette activité en Ontario. Il y a eu recul de l’emploi en fabrication, mais l’emploi en construction et dans les services a plus que compensé, d’où une croissance générale de cet indicateur et une décroissance des taux de chômage. Au Québec comme en Ontario, l’industrie minière a profité de la montée des prix, ce qui a fait progresser l’emploi et les salaires.
Dans les deux provinces, l’amélioration des termes de l’échange a contribué à l’élévation du revenu réel, mais les variations relatives des prix à l’importation et à l’exportation y ont été fort différentes. En Ontario, les prix à l’exportation n’ont pas décru aussi rapidement que les prix à l’importation et, au Québec, les prix à l’importation ont diminué pendant que les prix à l’exportation augmentaient.
Réagissant à l’intégration de l’Asie à l’économie mondiale et aux transitions en cours au Canada, les prix à la consommation et à l’investissement se sont adaptés aussi bien en Ontario qu’au Québec. Les prix ont baissé à la production, alors que les prix des facteurs de production et des biens et services non échangés évoluaient en hausse.
Bibliographie
Amano, R. et S. van Norden (1993). « Une équation de prévision du taux de change Canada–États-Unis ». Dans Taux de change et économie, actes d’un colloque tenu à la Banque du Canada, juin 1992.
Bailliu, J. et M. R. King (2005). « Quels sont les déterminants des taux de change? » Dans Revue de la Banque du Canada. Automne 2005. Pages 27 à 39.
Economist (The) (2005). « How China Runs the World Economy ». 28 juillet 2005. Édition imprimée.
Francis, M. (2007). « L’effet de l’émergence de la Chine sur les prix mondiaux ». Dans Revue de la Banque du Canada. Automne 2007: 13:25.
Hutchinson, M. (1994). « Manufacturing Sector Resiliency to Energy Booms: Empirical Evidence from Norway, the Netherlands, and the United Kingdom ». Oxford Economic Papers New Series. Volume 46 (2). Pages 311 à 329.
Macdonald, R. (2007a). « Les termes de l’échange et la dépense intérieure ». Série de documents de recherche Aperçus sur l’économie canadienne. No 11-6242008018 au catalogue. Ottawa : Statistique Canada.
Macdonald, R. (2007b). « Un syndrome chinois plutôt que hollandais ». Série de documents de recherche Aperçus sur l’économie canadienne. No 11-6242007017 au catalogue. Ottawa : Statistique Canada.
Macdonald, R. (2007c). « PIB réel et pouvoir d’achat de la production provinciale ». Série de documents de recherche sur l’analyse économique. No 11F00272007046 au catalogue. Ottawa : Statistique Canada.
Macdonald, R. (2008). «L’essor des ressources naturelles et son incidence sur le pouvoir d’achat au niveau des provinces ». Série de documents de recherche Aperçus sur l’économie canadienne Statistique Canada. No 11-6242008021 au catalogue. Ottawa : Statistique Canada.
Études spéciales récemment parues
Notes
* |
Division de l’analyse microéconomique (613-951-5687). |
1 |
Le secteur des ressources comprend l’agriculture, l’exploitation et les services forestiers, la pêche, la chasse, le piégeage et l’extraction minière, pétrolière et gazière. |
2 |
Voir Macdonald (2007b). |
3 |
Un certain nombre d’industries manufacturières ont manifesté toute une résistance devant l’évolution rapide des conditions concurrentielles. Hutchinson (1994) examine la réaction du secteur de la fabrication en Norvège, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni pour énoncer la conclusion suivante (p. 326) : « Pour l’économie des Pays-Bas où l’expression « syndrome hollandais » a d’abord été appliquée, nous n’avons guère constaté en dernière analyse de conséquences fâcheuses à caractère systématique et à long terme du développement du secteur du gaz naturel sur le secteur de la fabrication [traduction]. » |
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