Étude spéciale
La libéralisation des échanges et l’industrie canadienne du vêtement
par Diana Wyman*
L’attention portée au commerce de vêtements se concentre surtout sur la croissance récente des importations en provenance de la Chine. La Chine a été la source la plus importante d’importations de vêtements pour le Canada en 2005, la valeur de ces importations s’étant établie à 3,0 milliards de dollars. Les importations du Canada en provenance de la Chine de janvier à septembre 2006 étaient supérieures de 15 % par rapport à la même période en 2005.
Toutefois, l’attention portée à la Chine amène à croire de façon erronée que les changements survenus dans le marché canadien du vêtement sont des phénomènes récents. En réalité, le fait que le Canada se soit tourné vers la Chine n’est que le dernier d’une série de changements qui ont touché le commerce de vêtements du Canada au cours des deux dernières décennies.
On examine dans cette étude les changements qu’a connus le commerce de vêtements du Canada depuis 1989, particulièrement à la suite de la libéralisation des échanges qui a débuté avec le libre-échange avec les États-Unis et qui a culminé avec l’abaissement des barrières commerciales avec certains pays moins avancés, notamment la Chine. L’étude se termine par l’examen des répercussions sur la production nationale et sur l’emploi et par la constatation que les consommateurs ont payé des prix moins élevés pour leurs vêtements.
Figure 1
Aperçu
Jusque dans les années 1960, les Canadiens portaient des vêtements fabriqués au Canada; très peu étaient importés. Dans les années 1960, des pays tels que Hong Kong, la Corée du Sud et Taïwan sont devenus des centres importants de fabrication, particulièrement dans un secteur comme celui des vêtements, qui exige peu de capital mais une importante main-d’œuvre.
Le Canada, de concert avec d’autres grands importateurs comme les États-Unis et l’Union européenne, avait négocié des accords avec ces pays afin de limiter les importations de vêtements. Au fil du temps, un système de quotas a vu le jour à la suite d’accords de limitation bilatéraux avec de nombreux pays en développement possédant des industries de vêtements florissantes, comme la Chine, l’Inde et le Bangladesh1. Ces accords de limitation comprenaient l’Arrangement multifibres (AMF), négocié pour la première fois en 1974 mais par la suite resserré par une série d’accords, le dernier desquels ayant été négocié en 1986.
Le premier changement structurel examiné dans cet article est la montée en flèche des exportations canadiennes de vêtements vers les États-Unis qui a eu pour corollaire une hausse des importations en provenance des compagnies américaines à la suite de la mise en œuvre de l’Accord de libre-échange (ALE) entre le Canada et les États-Unis en 1989. Aussi récemment qu’en 1998, les États-Unis étaient le premier fournisseur de vêtements du Canada. Aussi, les exportations du Canada au cours de la décennie qui a suivi l’ALE ont plus que décuplé, dynamisant ainsi l’industrie du vêtement.
Le deuxième changement a résulté du fait que le Canada, à partir du 1er janvier 2003, a graduellement prolongé l’accès en franchise de droits et non contingenté aux pays les moins avancés. Cette mesure a procuré un avantage aux exportateurs de ces pays, puisque leurs concurrents devaient encore faire face à des quotas et à des tarifs supérieurs à 10 %. Ainsi, les importations du Canada en provenance du Bangladesh ont triplé de 2002 à 2005. Jusqu’à maintenant en 2006, les importations de vêtements du Bangladesh sont légèrement supérieures à celles des États-Unis, ce qui place le Bangladesh au deuxième rang, juste derrière la Chine.
De 1995 à 2002, les quotas ont été levés pour certains produits pour tous les pays membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), tel qu’il était stipulé dans l’Accord de l’Organisation mondiale du commerce sur les textiles et les vêtements. Mais, comme la Chine n’est devenue membre de l’OMC qu’à la fin de 2001, elle n’a pu participer qu’aux dernières étapes de l’accord, soit de 2002 à 2005.
C’est le troisième et dernier changement, la prodigieuse croissance des importations de vêtements en provenance de la Chine, qui a dominé récemment les manchettes. Un aspect souvent ignoré de ce changement est que les importations en provenance de la Chine se sont substituées aux importations des pays qui étaient des fournisseurs traditionnels comme Hong Kong, Taïwan, la Corée du Sud, et aux importations d’autres pays moins avancés et à celles des États-Unis, de même qu’à la production canadienne.
Par conséquent, les industries de plusieurs pays en voie de développement qui prospéraient avant 2002 ont vu leurs exportations être délogées par les importations de la Chine dans les dernières années de l’accord. Cela est clairement révélé par le fait que les importations totales de vêtements du Canada ont augmenté de seulement 7 % en 2005, tandis que les importations en provenance de la Chine ont crû de 47 %. Un certain nombre de pays (par exemple, l’Inde, le Mexique et le Bangladesh) se sont efforcés de conserver leurs parts accrues du marché canadien des importations.
Figure 2
Depuis 2002, les consommateurs ont commencé à récolter les fruits de la libéralisation du commerce quant à la diminution des prix : après des décennies au cours desquelles les prix des vêtements ont grimpé au Canada, ceux-ci se sont mis à baisser. La production et l’emploi dans l’industrie du vêtement au Canada, qui sont concentrés au Québec et en Ontario, ont aussi affiché des baisses dans les dernières années de la mise en œuvre de l’Accord de l’Organisation mondiale du commerce sur les textiles et les vêtements.
L’ALE et le commerce de vêtements
Avant la mise en œuvre de l’ALE entre le Canada et les États-Unis en 1989, le commerce international de vêtements était de bien moins grande envergure. À ce moment, les importations de vêtements en provenance des États-Unis et les exportations de vêtements vers ce pays se chiffraient à un peu moins de 200 millions de dollars annuellement, ce qui représentait 86 % de toutes nos exportations de vêtements et 10 % de nos importations totales de vêtements.
L’ALE a changé radicalement la face de notre commerce de vêtements avec les États-Unis. Les importations en provenance des États-Unis ont culminé en 1998 pour atteindre 800 millions de dollars, soit le quadruple de la valeur d’avant l’ALE. En 1998, les vêtements américains représentaient 19 % des importations de vêtements et 9 % du marché des vêtements au Canada. Aussi récemment qu’en 1998, les États-Unis étaient notre principal fournisseur de vêtements.
Au début des années 1990, les exportateurs de vêtements des pays moins avancés étaient assujettis à des quotas et à des tarifs supérieurs à 20 % pour leurs exportations de vêtements. Par contre, à la suite de l’ALE, les tarifs sur les vêtements importés des États-Unis s’approchaient de zéro et aucun quota n’avait jamais été mis en place entre le Canada et les États-Unis. Il y avait là une garantie, qui s’ajoutait à la proximité des deux pays et au fait que les tendances vestimentaires y sont semblables, que les vêtements en provenance des États-Unis étaient en forte demande au Canada et vice versa.
Figure 3
Les exportations de vêtements du Canada vers le sud de la frontière ont atteint un sommet en 2000, ayant plus que décuplé pour se situer à 2,7 milliards de dollars après que l’ALE est entré en vigueur. Conséquence de cette demande accrue de la part des importateurs américains, la production canadienne a crû pour s’établir à 7,9 milliards de dollars.
Figure 4
Ainsi, l’emploi dans l’industrie canadienne du vêtement a augmenté de près de 20 000 employés et a culminé à 94 000 employés en 2001. La production de vêtements se fait principalement au Québec et en Ontario et c’est donc le Canada central qui a enregistré les gains les plus élevés occasionnés par la croissance des exportations vers les États-Unis. Les emplois dans l’industrie du vêtement au Québec ont culminé à 54 000 en 2001, alors qu’en Ontario, ils ont augmenté pour se chiffrer à 23 000.
Le Cycle de négociations de l’Uruguay favorise encore plus la libéralisation
Un des résultats du Cycle de négociations de l’Uruguay a été que les pays membres de l’OMC ont convenu d’éliminer tous les quotas sur les vêtements entre 1995 et 2005. Une exigence de l’Accord sur les textiles et les vêtements établissait que certains pourcentages de quotas devaient être augmentés, puis éliminés en quatre étapes : le 1er janvier des années 1995, 1998 et 2002, tous les quotas restants devant être éliminés le 1er janvier 2005. Des réductions tarifaires ont également été négociées dans le cadre du Cycle de l’Uruguay. À la différence des États-Unis et de l’Union européenne, le Canada n’a pas négocié une prolongation des quotas pour les importations de vêtements en provenance de la Chine au-delà de la date limite de 2005, en partie parce que l’afflux des importations étaient moins grand que ceux des États-Unis ou de l’Union européenne2.
En 1995, à la suite de l’Accord de l’Organisation mondiale du commerce sur les textiles et les vêtements, plusieurs pays moins avancés se sont fait offrir des quotas plus élevés et une diminution des tarifs sur les vêtements. Cela a assuré un avantage aux pays membres de l’OMC parce que ces augmentations de quotas et ces baisses de tarifs n’étaient pas offertes aux pays qui n’étaient pas membres, comme la Chine.
Le résultat a été que plusieurs pays moins avancés ont vu leurs exportations de vêtements vers le Canada prospérer durant les cinq premières années de la mise en œuvre de l’Accord sur les textiles et les vêtements. Les importations de fournisseurs comme Hong Kong, la Corée du Sud et Taïwan ont affiché de fortes hausses de 1995 à 2001. D’autres pays moins avancés fournisseurs de vêtements tels que la Malaisie, la Thaïlande, le Pakistan, le Sri Lanka, les Philippines et Macao ont tous enregistré des croissances supérieures à 10 % au cours de la période allant de 1995 à 2002.
Comme les quotas de ces pays moins avancés ont crû de 1998 à 2001, la première phase du changement d’origine des importations au détriment des États-Unis a eu lieu. Les importations de vêtements du Canada en provenance des États-Unis ont chuté de près du quart, ou de 200 millions de dollars, durant cette période, pour se chiffrer à 600 millions de dollars.
Le Bangladesh tire profit d’un accès sans restrictions au marché canadien
À partir du 1er janvier 2003, les vêtements importés de plusieurs des pays les moins avancés du monde3 ont bénéficié d’un accès en franchise de droits et non contingenté au marché canadien. Cette mesure a procuré un avantage aux exportateurs des pays les moins avancés, la majorité de leurs concurrents, notamment la Chine, ayant été visés par des quotas jusqu’à la fin de 2004 et assujettis à un taux tarifaire de 16 %.
Figure 5
Il en est résulté qu’en 2003 et 2004, les importations de vêtements de ces pays ont monté en flèche pour atteindre 649 millions de dollars, soit le triple de leur valeur de 2002. Au cours de ces deux années, la croissance en pourcentage affichée par les importations de vêtements des pays les moins avancés était même supérieure à celle de la Chine.
À l’intérieur de ce groupe, le Bangladesh a été le grand gagnant. Les importations de vêtements du Canada en provenance du Bangladesh se situaient à environ 440 millions de dollars en 2004 et 2005, en hausse par rapport à
135 millions en 2002. En 20064, la valeur des importations de vêtements du Bangladesh a dépassé les importations en provenance des États-Unis, ce qui a fait de ce pays le deuxième exportateur en importance de vêtements vers le Canada, venant immédiatement après la Chine. Le Bangladesh représente maintenant 7 % des importations de vêtements du Canada.
La montée en flèche des importations de Chine déclasse la plupart des autres pays…
Depuis qu’elle s’est jointe à l’OMC en 2002, la Chine a vu ses importations de vêtements vers le Canada croître de près de 1,8 milliard de dollars, soit une hausse de 86 %. À l’opposé, les importations de vêtements en provenance de tous les autres pays ont fléchi de 0,8 milliard de dollars. La part de marché de la Chine de la demande totale canadienne, qui comprend aussi bien les importations que la fabrication de vêtements canadiens destinés au marché canadien, a quintuplé, passant de 6 % en 1995 à 31 % en 2005. Ce pays se classe deuxième, immédiatement après l’industrie canadienne du vêtement, qui continue d’approvisionner 32 % du marché intérieur.
Figure 6
Au cours des années ayant précédé 1995, les entreprises canadiennes ont importé des vêtements de Chine pour une valeur d’environ un demi milliard de dollars. Jusqu’en 2002, le volume des importations permis par les quotas a augmenté conformément aux conditions de l’Arrangement multifibres et la demande de ces produits était suffisamment importante au Canada pour faire en sorte que la plupart des quotas étaient épuisés chaque année.
Puis, en décembre 2001, la Chine est devenue membre de l’OMC, ce qui a signifié que, en 2002, les quotas de la Chine ont été accrus pour la première fois conformément à l’Accord sur les textiles et les vêtements de l’OMC. Et en date du 31 décembre 2004, tous les quotas sur les importations de vêtements de la Chine vers le Canada ont été levés. Par conséquent, en 2005, les importations en provenance de la Chine ont atteint 3,0 milliards de dollars, soit une somme supérieure de près de 2,5 milliards de dollars aux importations des États-Unis ou du Bangladesh et deux fois la valeur de celles de la Chine en 2002. Par rapport à 2004, il s’agissait d’une augmentation de 47 % en valeur nominale (ou d’environ 1,0 milliard de dollars).
En 1995, les vêtements importés de Chine ne représentaient que 15 % des importations canadiennes; à la fin de 2001, la part de ce pays avait augmenté pour passer à 23 %. Proportionnellement, le bond le plus important que la Chine ait fait quant à la part de nos importations de vêtements s’est produit en 2005, alors que le pourcentage a bondi à 46 %, comparativement à tout juste 33 % en 2004.
Tandis que le marché canadien du vêtement continuait de se tourner davantage vers la Chine, le Bangladesh, l’Inde et le Mexique, nos importations de vêtements en provenance du sud de la frontière ont chuté de façon spectaculaire. De 1998 à 2005, la valeur des importations américaines a dégringolé pour se situer à 482 millions de dollars. Cela a eu pour effet que la part des importations de vêtements des États-Unis vers le Canada a chuté à 9 % en 2004 et à 7 % en 2005. Leur part du marché canadien du vêtement a diminué pour atteindre 5 %. En septembre 2006, les importations de vêtements en provenance des États-Unis se chiffraient à 350 millions de dollars, en baisse de 6 % par rapport à 2005. Il s’agit d’une valeur moindre que celles de la Chine et du Bangladesh.
Figure 7
Les importations en provenance d’Hong Kong, de la Corée du Sud et de Taïwan (pays qui ont reçu le nom collectif de Tigres asiatiques) ont aussi connu un revers. Après être passées de 1,2 milliard de dollars en 1989 à 800 millions de dollars en 1994, les importations en provenance d’Hong Kong, de la Corée du Sud et de Taïwan ont ensuite été stimulées par l’Accord sur les textiles et les vêtements, atteignant encore une fois la marque de 1,0 milliard de dollars. Toutefois, après l’entrée de la Chine dans l’OMC en 2002, les industries de vêtements de ces pays ont connu une débâcle, leurs exportations totales de vêtements vers le Canada ayant chuté pour se situer à 200 millions de dollars.
Alors qu’ils se situaient à un sommet de 58 % de l’approvisionnement du Canada en vêtements en 1983 et à 30 % aussi récemment qu’en 1989, la part des Tigres asiatiques a diminué pour passer à 4 % des importations de vêtements en 2005.
…bien que certains demeurent compétitifs
Le Bangladesh, l’Inde et le Mexique se sont distingués comme trois pays moins avancés qui n’ont pas vu la valeur de leurs exportations s’effondrer au cours des dernières années de la période de mise en œuvre de l’accord, bien que leur performance pendant les dernières années contraste fortement avec les croissances de plus de 20 % affichées la plupart des années jusqu’en 2002.
Les importations canadiennes de vêtements de l’Inde se chiffraient à environ 200 millions de dollars en 1995. À mesure que les quotas ont augmenté, la demande canadienne de vêtements de l’Inde a doublé, culminant à 412 millions de dollars en 2003. Cependant, les importations de l’Inde ont baissé légèrement en 2004 et se sont stabilisées en 2005, témoignant d’une résistance que n’ont pas démontrée d’autres pays moins avancés. En 2005, l’Inde était le quatrième fournisseur de vêtements en importance pour le Canada.
L’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), qui est entré en vigueur en 1994, a permis au Mexique de profiter de tarifs moindres et d’échanges non contingentés pour l’approvisionnement des importateurs canadiens. En 2004, le Mexique a expédié au Canada des vêtements pour une somme de 350 millions de dollars, soit dix fois son niveau de 1995. Par conséquent, la part du marché canadien des importations de vêtements du Mexique a fait un bond, passant d’à peine 1 % à 6 % en 2004.
Les exportations du Mexique vers le Canada ont fléchi en 2005, ce qui a fait reculer la part du marché des importations mexicaines à 5 %. Même si le Mexique conserve, par rapport à ses concurrents, l’avantage d’avoir de bas tarifs et d’être à proximité du marché canadien, il n’est pas clair si ces avantages seront suffisants pour permettre au Mexique de demeurer en cinquième place dans un environnement commercial davantage libéralisé.
Pour ce qui est du Bangladesh, les importations de vêtements en 2005 ont décrû pour s’établir à 440 millions de dollars, ce qui a résulté en un léger rétrécissement de la part de leurs importations qui est passée de 7,3 % à 6,7 %. Mais, en septembre 2006, les importations étaient en hausse de 8 % d’une année à l’autre. Tout comme le Mexique, les vêtements produits au Bangladesh continuent d’avoir l’avantage d’un accès en franchise de droits au marché canadien.
La production canadienne décroît alors que la demande tant américaine qu’intérieure diminue
Les exportations à destination des États-Unis ont chuté de 20015 à 2005, étant passées de 2,5 milliards de dollars à 1,8 milliard de dollars. La libéralisation du commerce de vêtements avec la Chine a été intense durant cette période puisque la Chine n’est pas devenue membre de l’OMC avant décembre 2001 et donc n’était pas en mesure de participer à la suppression des quotas avant cela. L’appréciation rapide du dollar canadien par rapport à la devise américaine peut avoir contribué à cette baisse. En effet, cette appréciation a fait augmenter le prix relatif des vêtements canadiens à un moment où les importateurs américains se voyaient offrir un accès facile à des vêtements produits à moindre coût.
En 2001, les produits canadiens satisfaisaient moins de la moitié du marché du vêtement au Canada et, en 2005, les importations représentaient 68 % du marché canadien et la production intérieure, 32 %.
La baisse affichée par les exportations à destination des États-Unis a nui à la production canadienne, mais la cause la plus importante de la diminution a été la demande moins élevée de produits canadiens, les détaillants s’étant tournés vers les produits importés.
Alors que la production canadienne destinée au marché canadien a diminué d’environ 400 millions de dollars de 2000 à 2001, les principales baisses se sont produites de 2002 à 2005. Au cours des trois dernières années de la période de libéralisation, la valeur des produits fabriqués au Canada destinés au marché canadien a chuté de près de 1,8 milliard de dollars pour s’établir à 3,0 milliards de dollars.
Figure 8
La production canadienne de vêtements dans son ensemble a chuté, étant passée de 7,9 milliards de dollars en 2000 à 7,5 milliards de dollars en 2002, et à 5,0 milliards de dollars en 2005, soit une baisse cumulative de 2,5 milliards de dollars. À mesure que la libéralisation des échanges entrait en vigueur, la perte du marché d’exportation vers les États-Unis représentait environ 30 %, ou 700 millions de dollars, de la diminution de la production globale, tandis que le virage vers des producteurs de vêtements étrangers sur le marché canadien représentait à peu près le 70 % restant.
L’emploi a crû dans les années 1990 pour ensuite fléchir
Comme il a été mentionné plus tôt, dans les années 1990, l’emploi dans l’industrie du vêtement a augmenté de près de 20 000 employés et a culminé à 94 450 employés en 2001. Cette croissance régulière résultait des gains rapides réalisés dans les exportations vers les États-Unis, qui ont monté à 2,7 milliards de dollars en 2000 pour ensuite se stabiliser en 2001.
Cette croissance de l’emploi de 1995 à la fin de 2001 indique que les entreprises canadiennes n’ont pas commencé à ajuster l’emploi avant la troisième phase (2002) de l’Accord sur les textiles et les vêtements.
Figure 9
De 2002 à 2005, les emplois dans l’industrie du vêtement ont chuté d’environ 34 000, et se sont stabilisés à environ 60 000. La production de vêtements se fait principalement au Québec et en Ontario, bien qu’il y ait une certaine activité manufacturière au Manitoba, en Alberta et en Colombie-Britannique. Les entreprises du Québec représentaient environ 60 % du recul de l’emploi, celles de l’Ontario, environ 23 % et celles de Colombie-Britannique, environ 5 %.
Entre le sommet qu’a atteint l’emploi en 2002 et 2005, le nombre d’emplois au Québec a chuté d’environ 20 000, ce qui a laissé 33 000 employés dans l’industrie du vêtement en 2005.
L’industrie du vêtement de l’Ontario employait 24 500 personnes en 2001. En 2005, ce chiffre avait chuté de 8 000, étant passé à 16 500. L’emploi dans l’industrie du vêtement de la Colombie-Britannique a culminé à 6 500 personnes. Cependant, en 2005, l’industrie employait 4 800 personnes, soit une perte de 1 700 emplois6.
Les prix des vêtements et la libéralisation des échanges
Les prix des vêtements ont progressé de façon constante durant les années 1980 et 1990 et se sont par la suite stabilisés avec le début du nouveau millénaire. Les Canadiens payaient 20 % de plus pour leurs vêtements en 1999 que dix ans auparavant.
À partir de 2002, lorsque les importateurs canadiens se sont tournés vers la Chine et le Bangladesh, les prix des vêtements ont diminué de façon constante. Les prix payés par les consommateurs en 2005 étaient inférieurs de 5,8 % à ceux de 2001.
Figure 10
En se demandant si cette baisse peut être attribuée à la libéralisation des échanges, on note qu’une forte appréciation de la devise canadienne par rapport au dollar américain s’est aussi produite au cours de la période allant de 2002 à 2005. Mais seulement environ 10 % des importations canadiennes de vêtements provenaient des États-Unis, donc l’effet d’entraînement de cette évolution du taux de change sur les prix des vêtements ne doit pas être si prononcé. L’effet d’entraînement sur les prix des vêtements aurait plus de chance d’être occasionné par l’appréciation du dollar canadien par rapport au yuan chinois, une monnaie qui est étroitement liée au dollar américain.
Le marché du vêtement aux États-Unis a subi une transformation semblable à celle du marché du vêtement du Canada, dans la mesure où la part de la Chine a augmenté et la part des producteurs au pays a diminué7. Les Américains et les Canadiens ont des goûts semblables en matière de vêtements, et les grands détaillants de vêtements qui vendent leurs produits dans un des deux pays vont, plus souvent qu’autrement, les vendre dans les deux pays. Il s’en suit que l’Indice des prix à la consommation américain offre une indication des baisses de prix sans que le taux de change n’ait rien à y faire.
De la fin de 2001 à la fin de 2005, les prix des vêtements mesurés par l’Indice des prix à la consommation américain ont chuté de 6,5 %, ce qui suggère que les baisses de prix étaient liées à la libéralisation des échanges et non pas seulement à l’appréciation du dollar.
L’élimination des quotas a contribué à la diminution des prix en permettant aux importateurs canadiens de se procurer des produits dans les quantités voulues de l’entreprise qui les satisfait le mieux, peu importe dans quel pays se situait cette entreprise. Non seulement les prix ont-ils baissé après l’élimination de tous les quotas à l’importation de vêtements, mais les niveaux tarifaires sur les vêtements ont également diminué. Comme il a été relevé plus tôt, en 1995, les tarifs moyens sur les vêtements s’établissaient à 21,5 %. En 2005, ces tarifs avaient baissé pour se situer à 14,7 %.
Il convient aussi de noter qu’à la fin de 2005, les États-Unis ont invoqué des mesures de protection qui leur a permis de maintenir des quotas sur les exportations de vêtements en provenance de Chine. Ces mesures étaient conformes à l’accord d’accession de la Chine à l’OMC en décembre 2001. En conséquence, les prix des vêtements américains en 2006 ont légèrement monté par rapport aux niveaux de 2005. À l’opposé, les prix des vêtements canadiens continuent à diminuer, le dollar canadien ayant été stable, laissant davantage de dollars dans nos poches fabriquées un peu partout dans le monde.
Conclusion
La plupart des gens en sont venus à associer le commerce canadien de vêtements avec la hausse des importations en provenance de la Chine. Cette étude a démontré que la dynamique de la libéralisation des échanges est beaucoup plus complexe. Les producteurs canadiens ont bénéficié initialement de la mise en œuvre du libre-échange avec les États-Unis qui a fait croître la production et l’emploi dans les années 1990. Puis, la libéralisation des échanges a graduellement fait en sorte que les importations en provenance de pays moins avancés, à l’exception de la Chine, ont pu afficher des hausses. La Chine s’étant jointe au mouvement de libéralisation en devenant membre de l’OMC à la fin de 2001 et les restrictions commerciales qui restaient ayant été supprimées au cours des dernières années, la part de la Chine du marché canadien a grimpé en flèche. Cela s’est fait au détriment des importations en provenance d’autres pays, bien que certains soient demeurés compétitifs (par exemple l’Inde, le Bangladesh et le Mexique). Aussi, les producteurs canadiens ont payé un prix élevé quand on considère les baisses de production et d’emploi, bien que les consommateurs aient tiré profit des prix plus bas.
Études spéciales récemment parues
Notes
* |
Division du commerce international, 613-951-3116. |
1 |
Comme il a été mentionné dans la publication Canada Trade Policy Review de 2003, qui peut être consultée dans le document WT/TPR/S/112 de l’Organisation mondiale du commerce, accessible à l’adresse http://www.wto.org, les pays avec lesquels le Canada a négocié des accords de limitation sont : l’Afrique du Sud, le Bangladesh, le Brésil, la Bulgarie, le Cambodge, la Chine, la Corée du Nord, la Corée du Sud, le Costa Rica, les Émirats arabes unis, Hong Kong, la Hongrie, l’Inde, l’Indonésie, la Jamaïque, le Laos, le Liban, le Lesotho, Macao, la Malaisie, la Mauritanie, Myanmar, le Népal, le Pakistan, les Philippines, la Pologne, le Qatar, la République dominicaine, la République slovaque, la République tchèque, la Roumanie, Singapour, le Sri Lanka, la Suisse, la Syrie, Taïwan, la Thaïlande, la Turquie, l’Uruguay et le Vietnam. |
2 |
En décembre 2001, la Chine est devenue membre de l’Organisation mondiale du commerce. Lorsqu’elle a négocié son adhésion, la Chine a accepté de mettre en place des mesures de sauvegarde visant à imposer des restrictions sur les textiles et les vêtements jusqu’en 2008. Pour obtenir plus de détails sur les mesures de sauvegarde entre les États-Unis et la Chine ainsi qu’entre l’Union européenne et la Chine, veuillez vous reporter au protocole d’entente sur les textiles Chine-États-Unis ou à l’Accord sur les textiles et les vêtements Union européenne-Chine aux adresses suivantes : http://www.customs.ustreas.gov/xp/cgov/import/textiles_and_quotas/china_mou/ et
http://ec.europa.eu/comm/external_relations/china/intro/memo05_201.htm. |
3 |
Comme il a été mentionné, à ce moment, les pays les moins avancés qui avaient des quotas mis en place sur leurs exportations incluaient le Bangladesh, Myanmar, le Cambodge, le Laos, le Lesotho et le Népal. Cela a été mentionné dans la publication Canada Trade Policy Review de 2003, qui peut être consultée dans le document WT/TPR/S/112 de l’OMC, accessible à l’adresse http://www.wto.org. |
4 |
Fait référence aux données sur le commerce de janvier à septembre 2006. |
5 |
Les exportations totales se chiffraient à 2,6 milliards de dollars en 2001, comme il est possible de le voir dans le graphique. Les exportations de vêtements du Canada vers toutes les autres destinations combinées totalisent l’autre 100 millions de dollars. |
6 |
Les données sur l’emploi dans l’industrie du vêtement de l’Alberta et du Manitoba ont été supprimées afin d’en protéger la confidentialité et ne peuvent donc pas être examinées ici. |
7 |
Pour en savoir davantage sur le marché américain du vêtement, voir Diana Wyman, « Extension ou contraction? Les industries du textile et du vêtement au Canada », Analyse en bref, no 22, produit no 11-621-MIF au catalogue de Statistique Canada, 21 mars 2005. |
|