Étude spéciale
Les tendances récentes du commerce de détail du point
de vue des marchandises
par R. Lussier, D. McDowell et E. Cryderman*
Un certain nombre de changements importants sont survenus dans
le secteur du commerce de détail dans les années
1990. Ayant pris naissance aux États-Unis, le phénomène
des « grandes surfaces » est apparu au Canada.
Les mégacentres commerciaux, des regroupements de grandes
surfaces, ont poussé dans tout le pays, modifiant le paysage
du secteur du commerce de détail. De nombreux types de magasins
ont adopté la formule multiservices, ont agrandi leur superficie
et ont élargi le choix des marchandises offertes au public.
Ainsi, les pharmacies et les magasins de marchandises diverses
ont activement cherché à exploiter de nouveaux marchés :
les pharmacies pénétraient le marché des aliments
et des articles divers, les magasins de marchandises diverses faisaient
leur entrée dans le marché des médicaments
et offraient un plus vaste choix d’articles alimentaires.
La diversification n’était toutefois pas universelle.
Les grands magasins ont ouvert des magasins spécialisés
en ameublement et en biens ménagers tout en réduisant
leur offre à ce chapitre dans leurs magasins réguliers.
Bien qu’elle soit très importante, l’Enquête mensuelle
sur le commerce de détail (EMCD) ne peut pas toujours répondre à des
questions poussées sur le commerce de détail. Par exemple, pendant
des années, la tendance des livraisons manufacturières d’aliments
et celle des ventes au détail des supermarchés et des autres magasins
d’alimentation ont été presque identiques (figure 1). Toutefois,
ces tendances se sont sensiblement éloignées l’une de l’autre
au milieu des années 1990, alors que les livraisons d’aliments ont
continué à progresser tandis que les ventes au détail d’aliments
ont ralenti et ont même chuté en 1995-1996. Cette tendance déconcertait
les analystes, et il était impossible d’expliquer le phénomène
avec les données disponibles, même si c’était évident
que les consommateurs n’avaient pas cessé d’acheter des aliments
et qu’il fallait bien que les manufacturiers les livrent quelque part.
Les analystes croyaient qu’un changement dans les ventes d’aliments
par type de magasins pouvait expliquer la situation et que ce changement ne pouvait
pas être détecté au moyen d’estimations des ventes
par groupe de commerce mais bien par une enquête sur les marchandises.
Figure 1
Tout ce qui précède mettait en évidence la nécessité de
mener une enquête sur les marchandises. Non pas que l’importance
des marchandises était auparavant ignorée. Cependant, les
précédentes enquêtes étaient irrégulières,
avec les délais jusqu’à 15 ans entre enquêtes.
Les données compilées dans le cadre du nouveau programme des
marchandises vendues au détail permettent de répondre promptement à une
multitude de questions restées jusqu’ici sans réponse.
Les habitudes de dépenses personnelles ont-elles changé? Quand
les Canadiens achètent-ils des biens? Où les Canadiens achètent-ils
certains biens? Que vendent certains types de magasins? Quelle est la situation
concernant les parts de marché?
Le programme des marchandises vendues au détail
Dans le milieu des années 1990, l’objectif était établi
d’obtenir des estimations sur les marchandises pour tout le commerce
de détail et pour chaque groupe de commerce existant. Une classification
pratique et utile des marchandises devait tout d’abord être établie.
L’enquête devait par la suite être conçue de façon
que les estimations sur les genres de commerce et sur les marchandises soient
cohérentes aux niveaux agrégés.
Le programme qui en a résulté comprend deux éléments :
l’Enquête trimestrielle sur les marchandises vendues au détail
et l’Enquête mensuelle sur les grands détaillants (la première
englobe la seconde). Les mêmes précisions sur les marchandises sont
recueillies dans le cadre des deux enquêtes.
L’enquête trimestrielle s’applique à environ 8 000 des
14 000 entreprises de l’échantillon de l’EMCD. L’objectif
de l’enquête mensuelle sur les grands détaillants est de fournir
les estimations les plus à jour possible sur les marchandises. Pour y
arriver, on a choisi un groupe de 80 grandes entreprises de commerce de détail
qui forment en fait un panel longitudinal. Ces entreprises représentent
les plus grands détaillants du Canada dans les domaines de l’alimentation,
de l’habillement, des articles d’ameublement, des appareils électroniques,
des articles de sport et des marchandises diverses. Ensemble, elles comptent
pour environ 38 % du total des ventes au détail (à l’exclusion
des concessionnaires de véhicules récréatifs et de véhicules
automobiles).
Ce que les consommateurs achètent : le point de vue de l’offre
Il est essentiel pour les détaillants de savoir ce que les consommateurs
achètent afin de répondre à leurs besoins changeants. Le
programme des marchandises vendues au détail est en mesure d’établir
la part des ventes revenant à plus de cent marchandises. En 2002, les
ventes de véhicules automobiles neufs et d’occasion ainsi que les
pièces et la main-d’œuvre représentaient 29 % du
total des ventes au détail. Il est possible d’ajouter à ce
pourcentage les ventes de carburant, d’huile et d’additifs pour véhicules
automobiles (7 % du total des ventes au détail) afin de brosser le tableau
des dépenses effectuées dans des magasins de détail au titre
des transports. Viennent ensuite les ventes d’aliments et de boissons (environ
22 %), les vêtements et accessoires (9 %) ainsi que les articles
d’ameublement et les appareils électroniques (8 %).
Les habitudes de dépenses ont-elles changé?
Le programme des marchandises vendues au détail nous renseigne sur les
changements relatifs touchant l’importance de chaque marchandise dans le
panier d’achats du consommateur chez le détaillant. En 1997, les
ventes d’aliments et de boissons représentaient 24,3 % des
ventes au détail. Bien que l’augmentation des ventes d’aliments
et de boissons se soit située entre 1,4 % et 4,0 % par année
de 1997 à 2002, leur part des ventes au détail a considérablement
diminué à 21,7 % en 2002.
Un autre produit avait manifestement accaparé une plus grande part du
budget du consommateur. Le tableau 1 montre que les produits de santé et
de soins personnels ont compté pour une plus grande proportion de ce que
les consommateurs ont acheté. En 1997, ils représentaient 6,4 %
des ventes au détail, mais ont bondi à 7,5 % en 2002, principalement à cause
des ventes de médicaments. Cette catégorie englobe les médicaments
d’ordonnance et en vente libre, les vitamines, les plantes médicinales
et les suppléments de santé.
Les articles d’ameublement et appareils électroniques étaient
aussi un grand gagnant, leur part des ventes au détail ayant augmenté de
7,0 % à 7,9 % au cours de la période de 5 ans.
Finalement, le carburant, l’huile et les additifs pour véhicules
automobiles constituent un autre groupe ayant pris une plus grande part du budget
de consommation, en partie à cause des importantes augmentations du prix
de l’essence.
Tableau 1 : Part des ventes de marchandises
|
1997 |
2002 |
|
% |
% |
Aliments et boissons |
24,3 |
21,7 |
Santé et soins personnels |
6,4 |
7,5 |
Vêtements |
9,6 |
8,8 |
Articles d'ameublement et appareils électroniques |
7,0 |
7,9 |
Articles pour la maison |
1,9 |
2,0 |
Quincaillerie, pelouse et jardin |
2,8 |
2,7 |
Biens de loisir et de sport |
3,6 |
3,8 |
Véhicules automobiles, pièces, service et main-d’oeuvre |
29,0 |
29,3 |
Carburant, huile et additifs pour véhicules automobiles |
6,8 |
7,4 |
Produits du tabac |
2,3 |
2,6 |
Autres biens et services |
6,3 |
6,3 |
Quand les Canadiens achètent-ils leurs biens?
La saisonnalité joue un rôle important dans l’analyse
des données sur le commerce de détail. Les données
au niveau des groupes de commerce masquent cependant souvent
une saisonnalité plus distincte au niveau des marchandises.
On constate ainsi que les jours fériés, les longs
week-ends, la rentrée et d’autres périodes
de l’année (fête des Mères, Saint-Valentin,
halloween, etc.) influent beaucoup plus au niveau des marchandises
qu’au niveau des groupes de commerce. Qu’il suffise
de donner l’exemple des ventes de friandises à la
période de Pâques et de l’Halloween. Il est
possible que les ventes des supermarchés augmentent légèrement
en octobre en raison de l’Action de grâce ou encore
en mars ou en avril, en raison de Pâques. Toutefois, l’augmentation
des ventes de friandises dans cette période se perd lorsque
les friandises sont confondues avec tous les autres produits
vendus chez un détaillant en alimentation. L’étude
de la saisonnalité au niveau des marchandises nous fournit
davantage d’information.
Même si presque chaque produit possède un caractère saisonnier,
des marchandises qui semblent similaires à première vue peuvent
avoir un caractère saisonnier différent. Les vêtements constituent
des produits très saisonniers. Cependant, la saisonnalité change
d’une marchandise à l’autre.
En examinant de plus près le caractère saisonnier des vêtements
pour hommes et pour femmes (figure 2), on retrouve les principaux sommets
en décembre qui, bien qu’ils aillent dans la même direction,
diffèrent grandement. Le facteur saisonnier des vêtements pour hommes
est considérablement plus puissant en décembre que ce n’est
le cas pour les femmes, nul doute parce que les hommes reçoivent une plus
grande proportion de leurs vêtements comme cadeau à Noël.
Figure 2
Les femmes connaissent un deuxième sommet en mai, tandis
que celui des vêtements pour hommes se situe en juin. On
peut présumer que les ventes de vêtements augmentent
dans la période entourant la fête des Mères
et la fête des Pères. D’autre part, la fête
de Pâques ne semble pas influer beaucoup sur les ventes
de vêtements.
Les ventes de vêtements pour garçons et pour filles suivent des
courbes saisonnières semblables (Figure 3). Toutefois, les ventes de vêtements
pour enfants ne connaissent pas la même période de pointe de la
rentrée scolaire que les ventes de vêtements pour garçons
et pour filles.
Figure 3
Où les Canadiens achètent-ils?
On suppose souvent que les habitudes d’achat des consommateurs
sont relativement stables et que les marchandises sont achetées
dans tels et tels types de magasins. La concurrence féroce
que se livrent les différents magasins fait en sorte que
le même produit peut maintenant être acheté dans
différents types de magasins. Où les gens vont-ils
acheter certains produits d’usage courant? Où sont-ils
les plus susceptibles d’acheter certaines marchandises?
Le tableau 2 nous apprend que, en 2002, la majorité des
ventes de nourriture et de boissons non alcoolisées ont été effectuées
par les supermarchés. Mais les magasins de marchandises
diverses comptaient pour 9,7 % de toutes ces ventes, dépassant
les magasins d’alimentation spécialisés pendant
que les pharmacies en comptaient 1,4 %. Ce pourcentage peut
sembler modeste, mais il faut savoir que chaque point de pourcentage
représente des ventes de 666 millions de dollars.
Tableau 2 : Part des ventes de nourriture et boissons non alcoolisées en 2002
|
Ventes en 2002 |
|
% |
Supermarchés |
80,1 |
Magasins de marchandises diverses |
9,7 |
Magasins d'alimentation spécialisés |
7,3 |
Pharmacies |
1,4 |
Stations-service |
1,0 |
Autres |
0,3 |
Que vendent les magasins?
Il est très intéressant de voir les différentes
marchandises vendues par un groupe de commerce. Pour illustrer
ce point, le tableau 3 présente les différents
produits vendus par les concessionnaires de véhicules automobiles
et récréatifs. Les voitures et camions neufs (comprenant
les mini-fourgonnettes et les véhicules utilitaires à caractère
sportif) comptent pour près de 55 % des ventes. Les voitures
d’occasion représentent 26 %, tandis que les
autres ventes se répartissent entre les éléments
suivants : pièces, huile, recettes de main-d’œuvre,
véhicules récréatifs neufs et d’occasion.
Tableau 3 : Part des ventes des concessionnaires de véhicules automobiles et récréatifs en 2002
|
Ventes en 2002 |
|
% |
Voitures neuves |
25,9 |
Camions neufs |
29,0 |
Voitures d'occasion |
26,0 |
Pièces et huile |
6,1 |
Main-d'œuvre |
4,8 |
Véhicules récréatifs neufs |
4,9 |
Véhicules récréatifs d'occasion |
0,4 |
Autres |
2,8 |
Certains groupes de commerce ont-ils augmenté leur part
du marché?
La notion de « part de marché » est
une mesure très importante du succès pour la plupart
des détaillants. Comme les ventes au détail se sont
chiffrées à plus de 307 milliards de dollars en 2002,
chaque détaillant et chaque analyste désirent savoir
qui accapare la plus grande part du gâteau ou qui augmente
sa part du marché.
En outre, la compréhension des parts de marché est une étape
importante vers la compréhension du comportement du consommateur. Nous
pouvons utiliser les ventes des magasins de vêtements pour illustrer les
changements dans les parts de marché. Le tableau 4 nous montre que,
entre 1997 et 2002, les magasins de marchandises diverses (qui englobent les
grands magasins) ont perdu des parts du marché au profit des magasins
de vêtements spécialisés et des magasins d’articles
de sport, ces derniers ayant augmenté leur part de marché de plus
de moitié.
Tableau 4 : Part des ventes de vêtements par groupe de commerce
|
1997 |
2002 |
|
% |
% |
Magasins de marchandises diverses |
34,2 |
30,3 |
Magasins de vêtements |
59,4 |
60,9 |
Hommes |
8,7 |
6,1 |
Femmes |
24,0 |
22,2 |
Autres |
26,1 |
32,0 |
Magasins d'articles de sport |
3,7 |
5,6 |
Conclusion
Statistique Canada a une longue expérience à recueillir
le détail des marchandises dans le secteur manufacturier.
Jusqu’à récemment, cependant, il l’a
fait de façon seulement irrégulière dans le
secteur du commerce de détail. La mise en œuvre du
programme des marchandises au détail en 1997 s’est
avérée être un précieux outil d’analyse
dans l’industrie au détail. On utilise l’information
produite pour suivre les ventes de marchandises à l’intérieur
et entre les industries du commerce de détail, pour calculer
la part des différentes marchandises vendues dans divers
genres de commerce au détail et pour avoir une meilleure
compréhension de l’évolution rapide dans l’industrie
du détail. Les données montrent le genre d’établissement
où les consommateurs préfèrent acheter certaines
marchandises et les déplacements entre les marchandises
que les détaillants décident de vendre. L’analyse
de ces données permet d’établir les tendances
dans les ventes de marchandises au cours du temps et d’examiner
les facteurs saisonniers dans l’industrie du détail.
De plus, les différents niveaux de gouvernement ont besoin des données
pour suivre la conjoncture et la confiance des consommateurs. Nulle part ailleurs
dans le monde un programme de marchandises si détaillé n’existe.
Le programme des marchandises au détail semble être particulier
au programme canadien des statistiques du commerce de détail.
Environ 30 séries de données récentes sur
les marchandises sont disponibles sans frais sur le site web de
Statistique Canada (www.statcan.ca/francais/Pgdb/econ85_f.htm et
www.statcan.ca/francais/Pgdb/trade39_f.htm). Environ 120 séries
de marchandises au détail peuvent être obtenues tant
de l’Enquête trimestrielle sur les marchandises vendues
au détail que de l’Enquête mensuelle sur les
grands détaillants, lesquelles sont publiées dans
CANSIM (tableaux 080-0009 et 080-0010).
Études spéciales récemment
parues
Note
* Statistique du commerce. Pour plus d’information
contactez Service au client (613) 951-3549 ou retailinfo@statcan.ca.
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