Étude spéciale
Quatre décennies de destruction créatrice :
renouvellement de la base du secteur de la fabrication au Canada,
de 1961 à 1999
par J. Baldwin and M. Brown*
Introduction
Les économies de marché sont dynamiques, de nouvelles
entreprises voyant constamment le jour et d’anciennes disparaissant.
On peut constater ce dynamisme presque chaque jour dans les pages
d’affaires des journaux, ou par la simple observation des
entreprises qui apparaissent et qui disparaissent dans nos collectivités.
Il est maintenant courant de mentionner dans les discussions publiques que le
degré de changement dynamique n’est pas seulement important, mais
va en augmentant. On dit qu’il n’est plus possible d’occuper
le même emploi toute sa vie. Le cycle de vie des produits est plus court.
De nouvelles technologies voient le jour à un rythme de plus en plus rapide.
Nous sommes entourés d’exemples de changements qui servent à prouver
la justesse de ces axiomes. On accorde une attention considérable aux
entreprises bien établies qui échouent. Les mises à pied
au niveau local suscitent beaucoup d’attention dans les médias.
L’essor rapide des technologies de pointe, à la fin des années 90,
et le recul qu’elles ont connu par la suite, font maintenant partie du
discours courant concernant les revirements rapides qui peuvent survenir dans
l’économie.
Malgré les descriptions exhaustives de la rapidité de plus en plus
grande des changements, ainsi que la couverture dans les médias des divers événements
qui se produisent, il existe peu de preuves globalement de la somme des changements
qui se produisent1. Le présent document vise à combler cette lacune
dans le domaine du renouvellement des entreprises. Il vise à déterminer
combien faut-il de temps à une population d’établissements
commerciaux pour se renouveler? Est-ce que cela se produit sur une décennie,
ou sur une période beaucoup plus longue?
Dans ce bref article, sont présentées des mesures de la portée
du renouvellement du secteur de la fabrication au Canada sur quatre décennies
(1961-1999) — ce qui correspond approximativement à la durée
de vie productive d’un travailleur. Nous établissons dans quelle
mesure les usines qui existaient en 1961 se sont renouvelées 40 ans
plus tard.
Causes sous-jacentes du roulement
On parle de renouvellement lorsque d’anciennes usines sont supplantées
par des nouvelles ou lorsque certaines usines connaissent un déclin, et
d’autres prennent de l’expansion. Dans les deux cas, les ressources
servant à la production sont transférées des usines moins
productives à celles qui le sont davantage (Baldwin et Gu, 2002). C’est
dans le cadre de ce processus que de nouvelles technologies sont adoptées
par les usines.
De nombreux facteurs sous-tendent la décision des entreprises de réduire
leur effectif ou de fermer des usines. La première a trait à l’échec
de l’entreprise qui découle de son incapacité à obtenir
un taux de rendement raisonnable. Même si ces échecs ont des conséquences
négatives pour la main-d’œuvre des établissements touchés,
ils comportent aussi des avantages à long terme. L’échec
est le résultat d’expériences non réussies de l’entrepreneur,
et de nombreux entrepreneurs qui ont connu des échecs en ont tiré des
leçons valables qui leur permettront de lancer des entreprises prospères
plus tard.
Ce type d’échec est influencé par le degré de concurrence
sur le marché. Des niveaux plus élevés de concurrence, au
pays ou à l’étranger, mènent à des niveaux
plus grands de roulement dans les usines. Les changements qui touchent le niveau
de concurrence — et plus particulièrement par suite de la libéralisation
des marchés — peuvent accélérer le processus
de renouvellement.
Il arrive aussi que des usines ferment leurs portes ou rationalisent leurs activités
en raison de changements technologiques ou de tendances qui favorisent la production
dans certaines industries ou usines par rapport à d’autres. Il arrive
que les changements technologiques rendent certaines usines désuètes,
et qu’il faille en construire de nouvelles pour accueillir les nouvelles
technologies. Dans ce cas, le renouvellement est essentiel pour l’adoption
de nouvelles technologies de pointe, qui procurent un avantage concurrentiel
au pays.
Le passage du temps peut aussi entraîner la fermeture d’usines, celle-ci
se détériorant en raison du processus de vieillissement. Il arrive
un moment où l’entreprise doit décider de réinvestir
dans une usine ou d’en construire une nouvelle. Dans nombre de cas, c’est
cette dernière option qui est la plus rentable.
Enfin, il arrive qu’il se produise des changements géographiques
du point de vue de la demande ou des sources d’entrées importantes,
qui ont des effets sur l’emplacement optimal pour la production et entraînent
des fermetures d’usines à un endroit et l’ouverture d’autres
ailleurs. Ces changements peuvent se produire dans des périmètres
relativement restreints (p. ex. lorsque les entreprises de fabrication passent
des centres urbains aux banlieues — voir Brown et Baldwin, 2003), ou d’une
province à l’autre, ce qui, dans le cas du Canada, a entraîné un
mouvement général d’est en ouest du point de vue de l’activité économique.
En résumé, de nombreuses forces interviennent et peuvent entraîner
le renouvellement de la base de production économique. Dans le présent
document nous examinons l’importance de toutes ces forces conjuguées.
Mesure du roulement : taux de renouvellement et de disparition
L’utilisation d’une base de données élaborée à partir
du Recensement des manufactures, maintenant appelée Enquête annuelle
des manufactures (EAM) nous permet de suivre diverses usines au fil du temps.
De cette façon, nous pouvons déterminer l’effectif d’une
usine pour une année donnée, le moment où cette usine a
vu le jour et le moment où elle a fermé ses portes, le cas échéant.
D’autres études ont aussi examiné un phénomène
appelé roulement de l’emploi (voir Baldwin et Gorecki, 1990; Davis,
Haltiwanger et Schuh, 1996). La plupart de ces études sont à court
terme. Elles mettent l’accent sur des périodes d’un à cinq ans,
et permettent de calculer des taux de croissance de l’emploi ou de baisse
de l’emploi — définis comme la croissance du nombre d’emplois
dans les usines où l’effectif augmente, divisée par le nombre
initial d’emplois, ou la perte d’emplois divisée par l’effectif
initial. Des études du roulement de l’emploi effectuées sur
de courtes périodes peuvent comprendre une somme considérable d’interférences.
Les entreprises peuvent connaître des hausses aléatoires, pendant
une période seulement, et connaître un renversement de situation
la période suivante (Davis, Haltiwanger et Schuh, 1993). Ces études
ne permettent pas de déterminer si le changement est éphémère
ou s’il a des conséquences cumulatives inexorables. Dans la présente étude,
nous mettons l’accent sur une période beaucoup plus longue, afin
de supprimer les mouvements à court terme qui peuvent connaître
des renversements subits.
Pour élaborer des mesures des changements cumulatifs à long terme,
nous mesurons le roulement sur des périodes d’une, de deux, de trois
et de quatre décennies. Pour chaque période, nous nous demandons
quelle proportion des emplois occupés la première année
avaient disparu la dernière année, par suite de la fermeture d’usines
ou de la réduction de l’effectif. Nous nous demandons en outre quelle
proportion des emplois occupés la dernière année étaient
des nouveaux emplois créés par suite d’investissements dans
de nouvelles usines ou de l’expansion des usines existantes. Dans le premier
cas, il s’agit de déterminer dans quelle mesure les emplois disparaissent,
au niveau des diverses unités fonctionnelles, et dans le dernier cas,
dans quelle mesure l’économie se renouvelle, encore une fois au
niveau des diverses unités fonctionnelles.
Plus concrètement, nous décrivons le taux de renouvellement pour
la période de 1961 à 1999, comme correspondant à la somme
des emplois occupés dans les usines en 1999 créés depuis
1961 et présents en 1999 (Nouvelles usines), plus la somme des gains d’emplois
dans les usines existantes où l’effectif a augmenté entre
1961 et 1999 (Gains d’emplois), divisées par l’effectif total
en 1999 (Effectif 1999) ou plus formellement :
Le taux de disparition est défini de façon similaire
comme la somme des emplois dans les usines en 1961 qui ont fermé leurs
portes entre 1961 et 1999 (Usines fermées), plus les emplois
qui ont disparu dans les usines existantes qui ont réduit
leur effectif (Pertes d’emplois) au cours de cette période,
divisés par l’effectif en 1961 (Effectif 1961) :
Les taux de renouvellement et de disparition peuvent être
calculés pour diverses combinaisons d’années
entre 1961 et 1999. Nous calculons ces taux pour des périodes
s’étalant sur 10, 20, 30 et (presque) 40 ans2.
Taux de renouvellement et de disparition au fil du temps
Combien faut-il de temps au secteur de la fabrication au Canada
pour se renouveler? Les taux de renouvellement et de disparition
pour quatre périodes différentes sont présentés
dans la figure 1. Sur des périodes s’étalant
sur une décennie, en moyenne, environ 40 % des emplois
sont le résultat du renouvellement. Une proportion similaire
d’emplois sont perdus au cours d’une décennie.
Par conséquent, sur une période relativement courte,
environ deux emplois sur cinq sont éliminés, à cause
de fermetures d’usines ou de la réduction de l’effectif
et sont par la suite renouvelés.
Figure 1
Comme il fallait s’y attendre, l’augmentation de la durée
de la période donne lieu à une proportion plus importante d’emplois
renouvelés. Par exemple, sur une période de 20 ans, plus
de 65 % de l’économie se renouvelle; sur une période
de 30 ans, le renouvellement se situe à un peu plus de 75 %;
et sur 40 ans, un peu plus de 85 % des emplois sont des nouveaux
emplois. En 40 ans, l’économie de la fabrication au Canada
a effectivement connu un roulement. Elle s’est presque totalement renouvelée.
Gains et pertes d’emplois dans les usines existantes comparativement à l’entrée
et à la sortie d’usines
Le roulement et le renouvellement peuvent provenir de sources différentes.
D’une part, ils peuvent découler de la redistribution des emplois à l’intérieur
des usines existantes — d’un groupe d’usines en déclin
au profit d’un autre en croissance. Ils peuvent aussi découler
de la fermeture d’anciennes usines et de l’ouverture de nouvelles.
Dans le premier cas, on dispose d’un environnement plus stable, étant
donné que les usines subsistent; elles ne font qu’échanger
des postes. Dans le dernier cas, on assiste à une transformation plus
fondamentale, étant donné que certains participants disparaissent,
tandis que de nouveaux apparaissent.
Les taux de renouvellement et de disparition sont divisés en trois composantes
dans le tableau 1. La majorité des nouveaux emplois se retrouvent
dans des usines qui ont été établies depuis 1961. C’est
donc dire que parmi les 86 % d’emplois qui sont nouveaux depuis
1961, une proportion de 76 points est attribuable à la création
de nouvelles usines. Parmi les 81 % d’emplois perdus depuis 1961,
une proportion de 72 points est attribuable à la fermeture d’usines.
Par conséquent, à long terme, le processus de renouvellement
n’est pas principalement le résultat du déplacement de
travailleurs d’usines en déclin vers des usines en croissance.
Il découle plutôt du renouvellement presque complet des usines
de fabrication et des emplois existants dans ce secteur au pays.
Tableau 1. Taux de disparition et de renouvellement, 1961-1999
|
Effectif de 1961 |
Effectif de 1999 |
|
|
% |
|
% |
Perte d'emplois [1] |
106 147 |
9 |
|
|
Gains d'emplois [2] |
|
|
181 462 |
11 |
Usines fermées [3] |
880 139 |
72 |
|
|
Nouvelles usines [4] |
|
|
1 307 148 |
76 |
Base |
236 682 |
19 |
236 682 |
14 |
Effectif total |
1 222 968 |
100 |
1 725 292 |
100 |
Disparition : [1]+[3] |
986 286 |
81 |
|
|
Renouvellement : [2]+[4] |
|
|
1 488 610 |
86 |
Taux de croissance de 1961 à 1999 |
|
41 |
|
|
Notre interprétation des effets économiques de ces niveaux élevés
d’entrées et de sorties d’usines diffère selon qu’on
les perçoit comme indépendantes ou dépendantes les unes
des autres. Si les entrées et les sorties sont indépendantes
les unes des autres, les effets additionnels des entrées et des sorties
que nous observons au quotidien ont un effet cumulatif important à long
terme. Sans un investissement constant dans de nouvelles usines pour renouveler
la base manufacturière d’un pays, d’une région ou
d’une ville, le secteur de la fabrication disparaîtrait presque
complètement après une génération. Toutefois, si
les entrées et les sorties d’usines dépendent les unes
des autres — les entrées provoquant certaines sorties — nous
devons modifier notre interprétation. Sans entrées, nombre des
usines existantes continueraient probablement à exister. Toutefois, étant
donné que les entrants sont plus productifs que les sortants, sans entrées,
la population des usines utiliserait des pratiques technologiques et de gestion
plus anciennes et moins productives. Selon toute probabilité, les usines
ferment à la fois en raison des pressions concurrentielles de leurs
rivales, et en raison de « causes naturelles », lesquelles
sont le résultat d’un processus combiné de sélection
et d’entropie. D’un point de vue économique, par conséquent,
le renouvellement est nécessaire, à la fois pour compenser l’érosion
constante de la base économique et pour augmenter la productivité économique.
Taux de renouvellement et de disparition d’une province à l’autre
Les taux élevés de disparition et de renouvellement que nous
avons connus au niveau national entre 1961 et 1999 laissent supposer qu’il
existe des possibilités considérables de transferts géographiques
des emplois au pays. Cela se manifesterait par des taux de renouvellement extrêmement
différents au pays. L’enjeu dans ce cas consiste à déterminer
si les taux de renouvellement sont très élevés dans les
provinces où l’effectif total du secteur de la fabrication a augmenté,
et les taux de disparition plus élevés dans les provinces où l’effectif
total a diminué.
Figure 2
Les taux de renouvellement et de disparition d’une province à l’autre
sont montrés à la figure 2. Les taux provinciaux de disparition
sont remarquablement similaires. De la Nouvelle-Écosse vers l’Ouest,
ils vont d’un peu moins de 80 % à un peu plus de 80 %.
Les deux exceptions à cette tendance sont Terre-Neuve et l’Île-du-Prince-Édouard,
qui enregistrent toutes les deux des taux de disparition relativement faibles.
Ces deux provinces ont de loin les économies les moins importantes du
point de vue de la fabrication parmi toutes les provinces. C’est donc
dire que leurs faibles taux de disparition sont peut-être le résultat
de facteurs idiosyncratiques.
Il ressort en outre de la figure 2 qu’aucune des provinces n’a
connu un exode particulièrement grand de son effectif de la fabrication.
C’est donc dire qu’aucune province ne s’est démarquée
comme comportant des entreprises de la fabrication qui ont réduit leur
effectif ou qui ont mis fin à leurs activités de façon
prématurée.
Les taux de renouvellement affichent un modèle uniforme similaire. Seule
Terre-Neuve a un taux de renouvellement qui est inférieur à 80 %.
Le taux de renouvellement le plus élevé a été enregistré en
Alberta, à 93 %. Autrement dit, un peu plus de 90 % des emplois
en Alberta en 1999 se trouvaient dans des usines qui n’existaient pas
en 1961, ou étaient des nouveaux emplois qui se sont ajoutés
dans des usines existantes depuis 1961.
Taux de disparition et de renouvellement d’une industrie à l’autre
Étant donné que les taux de renouvellement et de disparition varient
d’une province à l’autre, ils varient aussi d’une
industrie à l’autre. Les variations dans les taux de renouvellement
d’une industrie à l’autre sont le fait de la structure du
marché, des changements technologiques et des différences dans
les possibilités sous-jacentes d’activités commerciales.
Les taux de renouvellement et de disparition sont présentés dans
le tableau 2 et la figure 3, selon l’industrie. Les industries
comme la première transformation des métaux et l’équipement
de transport ont les taux de disparition les plus faibles (autour de 50 %).
Ce sont aussi les industries où il existe des économies d’échelle
et des structures de marchés concentrées. L’industrie des
produits raffinés du pétrole, une autre industrie très
concentrée, a enregistré un taux de disparition relativement
faible de 73 %. À l’autre extrémité du spectre
figurent le cuir, le caoutchouc et le plastique, le bois, les meubles et la
première transformation des métaux, dont les taux de disparition
tournent autour de 80 %. Toutefois, la plupart des industries se situent
dans une fourchette d’environ 80 % à 90 %. Les taux
de renouvellement diminuent aussi selon une échelle allant de 80 %
environ à 95 % environ. L’industrie du tabac est la principale
exception avec un taux de renouvellement de seulement 30 %.
Tableau 2. Taux de disparition et de renouvellement selon l’industrie, 1961-1999
Industrie |
Taux de croissance de l'emploi |
Taux de disparition |
Taux de renouvellement |
|
% |
Aliments et boissons |
5,1 |
82,5 |
83,4 |
Tabac |
-70,4 |
79,2 |
29,7 |
Caoutchouc et plastique |
251,9 |
86,7 |
96,2 |
Cuir |
-68,5 |
93,6 |
79,8 |
Textiles et vêtements |
-25,8 |
88,1 |
84,0 |
Bois |
92,5 |
89,0 |
94,3 |
Meubles |
96,2 |
90,5 |
95,2 |
Papier |
7,1 |
78,7 |
80,1 |
Première transformation des métaux |
2,0 |
59,9 |
60,6 |
Produits métalliques |
102,7 |
87,3 |
93,7 |
Machines |
86,8 |
85,2 |
92,1 |
Matériel de transport |
164,5 |
52,1 |
81,9 |
Matériel électrique |
52,2 |
80,4 |
87,1 |
Produits minéraux non métalliques |
4,2 |
85,3 |
85,9 |
Produits raffinés du pétrole |
-20,0 |
73,2 |
66,5 |
Produits chimiques |
282,0 |
81,8 |
85,8 |
Autres |
61,2 |
89,2 |
93,3 |
La croissance devrait influencer à la fois le taux de disparition et
le taux de renouvellement3. La corrélation (r) entre la croissance
et la disparition au niveau de l’industrie est négative, comme
il fallait s’y attendre (r = -0,06), mais assez faible. Par
ailleurs, la croissance comporte un rapport positif avec le renouvellement
(r =0,54). Les économies qui connaissent une croissance sont les économies
qui se renouvellent. Les économies qui ne connaissent pas de croissance
ont un taux de disparition légèrement plus élevé,
mais pas beaucoup. Cela correspond aux résultats figurant dans Baldwin
et Gorecki (1990), selon lesquels il existe un processus plus ou moins aléatoire,
qui touche dans la même mesure les différentes industries, régions
géographiques et périodes. Cela découle du taux de probabilité plus
ou moins constant qu’un échec se produise. Cela peut dépendre
de facteurs économiques, mais dans une faible mesure, surtout lorsque
l’on compare avec les entrées. Les entrées et le renouvellement,
par ailleurs, sont davantage influencés par la situation économique.
Lorsque la croissance est plus grande, on assiste à un plus grand nombre
d’entrées et à un renouvellement plus important. Peu importe
dans quel sens la causalité s’exerce, du renouvellement à la
croissance ou de la croissance au renouvellement, les deux éléments
sont liés. C’est pourquoi il existe un grand intérêt à l’égard
de l’ampleur du renouvellement qui se produit.
Conclusion
Des études antérieures ont fait ressortir l’existence d’un
taux de roulement élevé sur le marché de l’emploi.
Toutefois, elles n’ont pas permis de démontrer si ce phénomène était
le résultat de la disparition d’emplois et de la création
d’emplois, s’annulant l’une à l’autre et laissant
les producteurs dans la même position relative, ou s’il faisait
partie d’un processus inexorable à long terme de croissance et
de déclin.
Le présent document montre que le roulement de l’emploi dans le
secteur de la fabrication comporte une composante à long terme importante.
En outre, il permet de quantifier la taille de ce processus, décennie
par décennie. Au cours d’une décennie, environ 40 %
des emplois sont renouvelés. Sur une période de 20 ans,
plus de 65 % de l’économie se renouvelle; sur une période
de 30 ans, le renouvellement se situe à un peu plus de 75 %;
et sur 40 ans, un peu plus de 85 % des emplois sont des nouveaux
emplois.
Le document montre en outre que ce processus se situe à des niveaux élevés
similaires dans les différentes régions et industries. Il y a
des exceptions, mais il s’agit d’aberrations. Le phénomène
offre davantage de similitudes que de différences d’un secteur
de compétence à l’autre. Il s’agit d’un phénomène
qui s’étend à l’ensemble du système industriel.
Figure 3
Les taux de renouvellement comportent un lien étroit avec la croissance.
La croissance peut entraîner le renouvellement, ou l’inverse. Toutefois,
il ne fait aucun doute que les deux sont interreliés. Il est intéressant
de constater que les taux de disparition sont inférieurs aux taux de
croissance. Les producteurs cessent leurs activités à un taux
relativement similaire d’une catégorie à l’autre;
toutefois, le renouvellement est beaucoup plus grand lorsque la croissance
est plus élevée. Ceci explique l’intérêt généralisé à l’égard
de la présence ou non de renouvellement dans une région ou dans
une industrie.
Enfin, la majeure partie du renouvellement est le résultat de nouvelles
usines qui en remplacent d’autres qui ont fermé leurs portes.
Les entrées renouvellent le secteur de la fabrication de deux façons
fondamentales. Tout d’abord, sans entrées, le taux élevé de
sorties entraînerait une diminution substantielle de la taille du secteur.
En deuxième lieu, les entrées entraînent le remplacement
des anciennes usines moins productives par des nouvelles usines plus productives.
Le renouvellement est nécessaire pour compenser l’érosion
constante de la base économique et pour augmenter la productivité économique.
Bibliographie
Baldwin, J.R. 1995. The Dynamics of Industrial Competition: A North American
Perspective. Cambridge : Cambridge University Press.
Baldwin, J.R. et P. Gorecki. 1990. Changement structurel et
adaptation : croissance des entreprises et rotation de la main-d’oeuvre.
Ottawa : Statistique Canada et le Conseil économique du
Canada.
Baldwin, J.R. et W. Gu. 2003. Roulement des usines et croissance
de la productivité dans le secteur canadien de la fabrication.
Série de documents de recherche sur les études
analytiques 11F0019MIF2003193. Direction des études analytiques.
Ottawa: Statistique Canada.
Brown, W.M. 2004. Renouvellement de l’économie
manufacturière au Canada : Une comparaison régionale,
1973 à 1996. Série de documents de recherche sur
l’analyse économique 11F0027MIF2004023. Direction
des études analytiques. Ottawa : Statistique Canada. À paraître.
Brown, W.M. et J.R. Baldwin. 2003. “The changing geography
of the Canadian manufacturing sector in metropolitan and rural
regions, 1976-1997”. The Canadian Geographer,
47(2) : 116-134.
Davis, S., J. Haltiwanger et S. Schuh. 1996. Job Creation and
Destruction. Cambridge, Mass. : MIT Press.
Davis, S., J. Haltiwanger et S. Schuh. 1993. “Small Business
and Job Creation: Dissecting the Myth and Reassessing the Facts.” Document
de travail du NBER, no w4492. Cambridge, MA : National Bureau
of Economic Research.
Études spéciales récemment
parues
Notes
* Division d’études et d’analyse micro-économique
(613) 951-4676.
1 Voir
Baldwin (1995) pour une étude des changements dans
le secteur de la fabrication dans les années 70.
2 Pour
les estimations décennales, nous utilisons les moyennes
de 1961 à 1969, de 1970 à 1979, de 1980 à 1989
et de 1990 à 1999; pour la période de vingt ans,
nous utilisons 1961-1979, 1970-1989 et 1980-1999; pour la
période de trente ans,
1961-1989 et 1970-1999; et pour la période de quarante
ans, 1961 à 1999.
3 Voir
l’annexe A dans Brown (2004) pour un examen du
rapport entre le taux de croissance et le taux de renouvellement. |