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11-010-XIB
L'Observateur économique canadien
Septembre 2006

Étude spéciale

L’irrépressible poussée économique de l’Alberta : l’éclosion de la rose de l’Ouest

par Philip Cross et Geoff Bowlby*

La plupart des Canadiens sont conscients de la prospérité économique de l’Alberta et presque tous en ont ressenti les effets, que ce soit directement ou indirectement, mais l’ampleur inégalée de cet essor n’est pas encore appréciée à sa juste valeur. On analyse dans cette étude les raisons à l’origine de ce phénomène qui en est à sa quatrième année, de même que les possibilités et les défis qui y sont liés.

Figure 1

L’Alberta traverse la plus intense période de croissance économique que n’ait jamais connue aucune province canadienne. Son revenu total (PIB) s’est élevé de 43 % de 2002 à 2005 et il n’y a eu encore aucun signe de ralentissement en 20061. Avec un taux annuel moyen de croissance de 12,7 % depuis 2002, l’Alberta n’a guère à envier à la Chine qui affiche un taux de 14,8 %, soit le plus élevé à l’échelle des grandes économies du globe. La croissance est cependant d’une composition différente en Chine et en Alberta : l’économie chinoise a crû surtout en volume, alors que les trois quarts de la croissance de l’économie albertaine s’expliquent par une montée des prix à l’exportation2, bien que le taux moyen de progression du PIB réel de l’Alberta (+4 %) soit le plus haut au Canada depuis 2002.

En raison de cet essor sans précédent, le marché du travail de l’Alberta est celui où il y a le moins de marge de manœuvre de toute l’Amérique du Nord. Il est possible de combler les pénuries de main-d’œuvre qui le caractérisent en accroissant la population, en multipliant les heures de travail, en haussant le taux d’activité ou en relevant la productivité. Cette étude se termine en examinant comment l’Alberta compose avec ces divers défis.

Revenus

Le PIB albertain par habitant a atteint 66 275 $ l’an dernier, soit presque le double du revenu moyen de 1995 (33 553 $), 56 % de plus que la moyenne nationale et plus de deux fois le revenu de certaines des provinces de l’Atlantique. Cet écart par rapport à la moyenne nationale est le plus grand qu’une province a connu dans l’histoire canadienne.

Figure 2

Plusieurs facteurs sont à l’origine de la montée en flèche du PIB par habitant en Alberta. Le plus frappant de ces facteurs est l’entrée massive d’argent, qui se présente surtout sous la forme de bénéfices des sociétés, dans l’économie albertaine. Les bénéfices ont plus que doublé de 2002 à 2005, étant passés de 23,5 milliards de dollars à 53,1 milliards de dollars. Ils ont ainsi représenté directement plus de la moitié de toute la hausse des revenus. Le gros de l’essor des bénéfices s’explique par les prix des exportations pétrolières et gazières qui ont progressé fortement. L’an dernier, l’Alberta (certains l’appellent Pétro Alberta et d’autres, l’Alberta Saoudite) a représenté 27 % de la masse des bénéfices au Canada; c’est près du double de sa part du PIB national.

Si le rythme de croissance des bénéfices s’est accéléré, le revenu du travail, pour sa part, a crû de façon constante au cours des trois dernières années. Il avait grimpé de 25 % de 1999 à 2002 grâce à des progressions de plus de 10 % en 2000 et 2001. Depuis 2002, il a augmenté de 27 % « seulement » (près de 10 % par an). C’est pourtant en Alberta qu’il s’est élevé le plus rapidement, et de loin, au Canada. Les pénuries de main-d’œuvre pourraient avoir restreint les hausses récemment et, en fait, la croissance du revenu du travail a eu de plus en plus pour moteur les salaires plutôt que les hausses d’emplois.

Les bénéfices stimulent les investissements

Soutenus par des bénéfices en plein essor, les investissements des entreprises se sont accrus de 37 % ces trois dernières années. Ils ont notamment fait un bond de 17 % en volume l’an dernier. Les entreprises prévoient une nouvelle hausse de 11 % de leurs immobilisations en valeur nominale pour 2006. Bien sûr, cette croissance a eu lieu surtout dans le secteur de l’énergie et plus particulièrement dans les sables pétrolifères au nord d’Edmonton. Au cours de la première moitié de 2006, la construction non résidentielle a été plus vigoureuse en Alberta qu’au Québec, et ce, pour la toute première fois dans l’histoire du pays.

Figure 3

L’essor des investissements ne paraît pas devoir se terminer avant longtemps, et ce, pour plusieurs raisons. Les prix du pétrole demeurent élevés et les prix à terme s’établissent à près de 70 dollars américains le baril pour aussi loin que 2012. Même si les prix devaient fléchir, les répercussions ne seraient pas les mêmes sur la mise en valeur des sables pétrolifères que sur les forages pour le pétrole conventionnel, puisque l’horizon de planification et d’investissement est bien plus étendu dans le temps dans le premier cas et se situe sur une bien plus grande échelle. Ainsi, lorsque l’effondrement des cours pétroliers en 1998 a fait largement diminuer les forages, les investissements ont été moins touchés dans le secteur des sables pétrolifères. En fait, ils ont chuté une seule fois depuis 15 ans, soit de 25 % en 2003 après l’achèvement du vaste projet Millennium.

Figure 4

De plus, la croissance de la production dans les sables pétrolifères amènera d’autres investissements, notamment en pipelines pour l’acheminement vers les marchés ainsi que vers les usines de traitement et les raffineries qui transforment le bitume brut. Une foule de chantiers ont vu le jour, qu’il s’agisse d’immeubles à bureaux (comme le projet de construction du siège social d’EnCana à Calgary, qui sera le plus haut gratte-ciel à l’ouest de Toronto) ou d’usines pétrochimiques qui s’alimentent auprès des raffineurs3.

Une autre cause de la vigueur de ces investissements est la mise en valeur du méthane de gisements houillers (MGH). Le sol albertain recèle plus de 90 % du charbon du pays. Comme la production de gaz naturel conventionnel se met à décroître avec l’épuisement des gisements les plus productifs, l’industrie compte de plus en plus sur le MGH pour satisfaire à la demande4.

La vigueur des exportations est principalement attribuable à l’énergie

Les investissements ont été stimulés par les exportations qui, l’an dernier, ont atteint 134 milliards de dollars, soit le double de leur valeur de 1999. Les exportations albertaines sont moins diversifiées que celles de toute autre province, ce qui constitue un bienfait pour cette province depuis que l’énergie est récemment devenue si précieuse. À eux seuls, le pétrole brut et le gaz naturel sont à l’origine de presque les deux tiers des exportations de biens; une autre tranche de 10 % est attribuable au pétrole raffiné, aux produits pétrochimiques et au charbon.

En 2005, les exportations internationales de l’Alberta excluant l’énergie ont augmenté de 6 %. Les premières exportations en importance, mises à part celles d’énergie, étaient celles de produits agricoles, plus particulièrement le bétail et les céréales; suivaient les exportations de produits forestiers. Les exportations de métaux et de machines et de matériel de l’Alberta sont demeurées modestes, leur valeur ayant représenté environ 7 % de toutes les exportations, alors que les exportations d’automobiles ont occupé une place négligeable.

L’Alberta exporte 62 % de son PIB à l’étranger et vers les autres provinces; c’est plus que la Colombie-Britannique, l’Ontario ou le Québec. Les États-Unis sont la destination de 90 % des exportations internationales de la province, une proportion en hausse par rapport à 80 % un an plus tôt. En valeur nominale, les exportations se sont constamment accélérées vers les autres pays, ayant été en hausse de 13 % en 2003, de 11 % en 2004 et de 15 % l’année dernière. Cette croissance est attribuable en majeure partie à la montée des prix de l’énergie, puisque, dans l’ensemble, leur progression en volume n’a été que de 4,2 % pendant cette période.

Le plus clair de l’excédent commercial de l’Alberta vient des échanges avec l’étranger. Dans le bilan commercial de cette province, les exportations dépassent les importations de 33 milliards de dollars. Dans ses échanges avec le reste du Canada, l’Alberta présente un excédent de 7,5 milliards de dollars seulement. Ses déficits avec l’Ontario et le Québec contrebalancent les excédents avec toutes les autres provinces5. C’est le reflet d’un certain nombre de traits révélateurs du commerce albertain.

Premièrement, environ les trois quarts des exportations énergétiques de la province vont aux États-Unis, notamment le pétrole brut destiné aux États du Midwest et des Rocheuses (l’est du Canada importe le gros de ses hydrocarbures d’Europe, car ceux-ci coûtent moins cher et les raffineries plus anciennes de cette région du pays sont conçues pour la transformation d’un pétrole plus léger que celui de l’Alberta). En revanche, l’Alberta exporte plus de pétrole raffiné et moins de pétrole brut vers le reste du Canada, surtout vers l’Ouest canadien, en raison de la concentration de grandes raffineries sur le territoire albertain (Edmonton dispose presque des trois quarts de toute la capacité de raffinage des provinces de l’Ouest). Au total, les exportations d’énergie vers le reste du Canada ont à peu près la même importance (71 %) que celles vers le reste du monde.

Figure 5

Deuxièmement, l’Alberta importe plus de biens d’équipement et de consommation des autres provinces, ce qui lui permet de se spécialiser dans les exportations de ressources. L’Alberta a acheté presque autant de biens et de services du reste du Canada (41,8 milliards de dollars) que du reste du monde (51,1 milliards de dollars) l’an dernier. Les importations en provenance du reste du monde lui apportent la majeure partie de ses machines et de son matériel (produits électroniques compris), mais ce qu’importe l’Alberta du reste du Canada croît plus rapidement depuis 1999 (hausse de 36 %) en réponse à une demande d’investissements en plein essor. L’Alberta compte elle-même sur une florissante industrie de la machinerie et des produits métalliques qui approvisionne le secteur pétrolier.

Précisons enfin que l’Alberta enregistre un déficit dans son commerce de services avec les autres provinces, plus particulièrement pour ce qui est des services financiers et informatiques et des services aux entreprises. Cela traduit, en partie, l’accession de Calgary au titre de plaque tournante de la production d’énergie en Amérique du Nord. Les importations de services de la province en provenance de l’étranger sont modestes en dehors du secteur touristique. L’Alberta reçoit plus de voyageurs de l’étranger que d’ailleurs au Canada.

Les dépenses des ménages s’accélèrent

Les dépenses de consommation en Alberta sont demeurées les plus fortes, et de façon très nette, au pays. Après avoir gagné environ 4 % en volume par an de 1998 à 2003, elles ont progressé de 5 % en 2004 et de 7 % l’an dernier (cette dernière hausse est la plus imposante à l’échelle des provinces depuis que l’Alberta a elle-même affiché une augmentation de 8 % en 1998). Jusqu’à maintenant cette année, les ventes au détail connaissent en valeur nominale une croissance phénoménale de 17 % par rapport à 2005. La province est en voie de réaliser sur ce plan la meilleure croissance dans l’histoire canadienne de toutes les provinces. La hausse a été principalement attribuable aux véhicules, et surtout aux camions qui constituent le segment où les prix sont les plus élevés6. La croissance a été stimulée par une diminution du fardeau fiscal depuis 1998 qui a été suivie, au début de 2006, de l’émission de chèques de prospérité d’une valeur de 1,4 milliard de dollars.

Malgré cette flambée des dépenses, les Albertains sont de tous les Canadiens ceux qui épargnent le plus, leur taux d’épargne personnelle s’étant établi à 5,1 % l’an dernier. Avec l’Ontario, l’Alberta est la seule province à ne pas présenter un taux d’épargne négatif.

Sur le marché de l’habitation, la demande a grimpé de 17 % l’an dernier, en partie en réaction à une augmentation de la migration en provenance des autres provinces. Ce marché n’a guère changé depuis deux ans après une croissance de plus de 10 % en 2002. Les mises en chantier en Alberta ont récemment dépassé celles du Québec, malgré le fait que la population albertaine représente moins de la moitié de celle du Québec, une preuve éloquente qui témoigne de la rapide augmentation de la population de l’Alberta.

La montée des prix en général et du prix de l’énergie en particulier a été un bienfait depuis trois ans pour l’économie de l’Alberta, mais les Albertains commencent à subir les effets du renchérissement de ce qu’ils consomment et de ce qu’ils produisent. Dans la dernière année, les prix à la consommation ont grimpé, leur hausse étant passée de 2,1 % à 4,3 %. Si les prix ont tant augmenté, c’est surtout à cause des prix des logements neufs qui ont monté en flèche, en particulier à Calgary et à Edmonton où ils ont fait un bond de 49 % et de 28 % respectivement au cours de l’année se terminant en juin.

Figure 6

On relève d’autres signes d’une pénurie croissante de logements, notamment à Fort McMurray qui est le centre de la région d’exploitation des sables pétrolifères. Les détaillants signalent de fortes hausses des ventes de caravanes motorisées en Alberta comme remède à court terme à la pénurie de logements.

Si les coûts de la construction résidentielle neuve augmentent rapidement dans la province, c’est notamment que la construction non résidentielle prime très largement la construction résidentielle. Les dépenses en construction non résidentielle (26,5 milliards de dollars) représentent plus du double des dépenses en construction résidentielle (11,5 milliards de dollars). Ce phénomène est caractéristique d’autres provinces pétrolières comme la Saskatchewan et Terre-Neuve, mais le contraire se vérifie dans le reste du pays : en Ontario par exemple, la construction résidentielle représente le triple de la construction non résidentielle. Les vastes bénéfices et les importantes réserves financières des entreprises albertaines font qu’elles sont tout à fait en mesure d’attirer vers elles les ressources limitées du domaine de la construction du secteur de l’habitation.

Une autre conséquence de l’essor pétrolier de l’Alberta est la nette amélioration des finances publiques de la province. L’excédent budgétaire provincial a fait un bond pour se situer à 7,4 milliards de dollars durant l’exercice financier 2005-2006 (sur la base de la comptabilité nationale). Les redevances tirées du pétrole et du gaz ont plus que doublé, surtout grâce au gaz naturel, passant de 5,8 milliards de dollars à 12,8 milliards de dollars de 2002 à 2005. Par ailleurs, l’élimination de toute dette publique est venue réduire le coût du service de la dette de près de 1,5 milliard de dollars au cours de la dernière décennie.

Les administrations publiques ont rapidement investi dans l’infrastructure nécessaire pour essayer d’être à la hauteur de la croissance économique et démographique. Depuis 1999, les dépenses publiques d’investissement en Alberta ont doublé en volume, plus que dans toute autre province, et de loin.

Resserrement du marché du travail…

Au cours de la dernière décennie, l’Alberta a eu invariablement le marché du travail le plus ferme au pays, les hausses de l’emploi y ayant été de 3,1 % en moyenne par année. Aujourd’hui, elle devance tous les secteurs de compétence en Amérique du Nord. De toutes les provinces et États, c’est l’Alberta qui a la plus grande proportion de personnes occupées et qui présente le taux de chômage le plus bas.

Figure 7

Son taux de chômage est tombé à 3,9 % en 2005, égalant ses creux record des premières années de la décennie 1980. Il s’établit en moyenne à 3,4 % depuis le début de 2006; c’est de loin le plus bas au Canada (le Manitoba suit l’Alberta). Après correction pour être en mesure de comparer les taux canadiens avec les taux américains (lesquels ne tiennent pas compte de la population âgée de 15 ans), le taux de chômage de l’Alberta (2,9 % en juin) était le moins élevé des provinces et des États d’Amérique du Nord. L’Alberta se distingue aussi par le taux d’emploi le plus haut (71,7 %)7.

L’emploi en Alberta est unique au Canada à plusieurs égards. La province avait proportionnellement le plus d’emplois dans les industries de biens (27,3 %) en 2005 en raison de la taille de son industrie minière et de son industrie de la construction. La vive présence de ces branches d’activité se manifeste aussi par la prépondérance des hommes ayant un emploi (76,1 % en 2005, soit la proportion la plus élevée, et de façon marquée, au Canada). À l’inverse, les emplois sont proportionnellement les moins nombreux – et de loin – dans l’administration publique (3,5 %).

On ne s’étonnera pas que, depuis 2002, la croissance de l’emploi ait été principalement attribuable au secteur de l’extraction (pétrole et gaz compris) qui a connu un bond de 30 000 emplois (+33 %) au cours des trois dernières années et de 71 % depuis 1999. En conséquence, il est devenu le sixième employeur en importance dans la province; il n’était qu’en douzième position en 1999. Dans la partie nord-est du territoire provincial (qui comprend la région des sables pétrolifères), un travailleur sur cinq appartient à l’industrie du pétrole et du gaz. Dans l’industrie de la construction, il s’est créé 19 000 emplois. Ces deux industries ensemble représentent près de la moitié de toute la croissance de l’emploi depuis 2002. On exclut ici les retombées de l’essor de l’énergie sur des industries comme celles des finances, des services aux entreprises et des transports (en hausse de 35 000 emplois depuis 2002), ainsi que l’effet indirect de la montée des dépenses des ménages sur le commerce de détail et l’activité immobilière (en hausse de 26 000 emplois).

L’impressionnant bilan de la croissance de l’emploi en Alberta fait encore plus ressortir son ralentissement de l’année dernière. Après avoir culminé à 4 % en 1998, le taux d’accroissement de l’emploi a ralenti pour se situer à 3 % en 2001. Bien que l’activité pétrolière ait entamé sa montée en 2003, la croissance de l’emploi a progressivement décéléré, étant tombée de 2,8 % en 2003 à 2,4 % en 2004 et à 1,5 % en 2005. La croissance de l’an dernier est la plus modeste depuis 1993, ce qui témoigne des difficultés qu’éprouve l’Alberta à trouver de la main-d’œuvre. La reprise qu’a connue la population active a donné lieu à une accélération considérable de la croissance de l’emploi (+3,7 % jusqu’à maintenant en 2006).

Figure 8

…qui crée des pénuries et fait monter les coûts

La rareté de la main-d’œuvre se manifestent de plusieurs manières en Alberta. Dans l’Enquête sur les perspectives du monde des affaires, le quart des fabricants albertains ont déclaré des pénuries de main-d’œuvre non qualifiée; la proportion correspondante n’était que d’un maigre 2 % aussi récemment qu’en 2003. C’est en partie que les industries florissantes de la construction et des mines aspirent littéralement les travailleurs d’industries relativement peu rémunératrices comme celles de l’agriculture, de la fabrication et de l’hébergement.

Du resserrement du marché du travail albertain témoigne aussi l’évolution du taux de la rémunération horaire. Initialement, le début de l’essor en 2003 a fait ralentir la croissance du salaire moyen, possiblement parce que les personnes s’étant jointes à la population active ont accepté des emplois moins bien payés. Mais après quatre années de croissance, l’Alberta domine aujourd’hui au pays sur ce plan, la rémunération horaire y étant de 20,94 $ l’heure, ce qui place la province devant l’Ontario qui a traditionnellement les salaires les plus élevés. En Alberta, la rémunération horaire s’est élevée de plus de 7 % dans les seuls 12 mois qui ont pris fin en juin. On a notamment relevé une hausse de plus de 10 % à Calgary. Il faut y voir l’effet tant des augmentations de salaire que du déplacement des emplois vers les secteurs rémunérateurs, puisque la tendance des heures travaillées n’a pas évolué malgré la transformation d’un grand nombre d’emplois à temps partiel en emplois à plein temps (on travaille à temps partiel si on fait moins de 30 heures par semaine).

Figure 9

Caractéristiques démographiques

La population a crû plus rapidement chaque année depuis 1996 en Alberta que dans toute autre province (en 1996, la Colombie-Britannique était le chef de file pour ce qui est de la croissance démographique). Cette hausse reflète des arrivées importantes de migrants des autres provinces et un plus grand nombre de naissances (c’est la seule province où le nombre de naissances s’est accru en valeur absolue depuis 2000). L’Alberta attire relativement peu d’immigrants de l’étranger : ceux-ci s’établissent surtout à Toronto, à Vancouver et à Montréal.

Plus que toute autre province, l’Alberta réussit à attirer des migrants des autres régions du Canada. Depuis 2000, la migration interprovinciale constitue une source essentielle de main-d’œuvre pour l’Alberta. Elle est directement à l’origine de 43 % (110 000) de sa croissance démographique (250 000) de 2000 à 2005 (nous ne tenons pas compte ici des enfants qu’ont eus les migrants des autres provinces après leur arrivée).

Les sources de migration vers l’Alberta se retrouvent maintenant partout au pays à mesure que se propage la nouvelle de sa prospérité. En 2000, 59 % des migrants en Alberta venaient de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique, les provinces limitrophes. L’an dernier, la part de ces provinces est tombée à 46 %. Les migrants sont de plus en plus venus de plus loin : un sur cinq en 2005 était en provenance des provinces de l’Atlantique et du Québec contre 15 % seulement en 2000, et ce, surtout une fois entamé l’essor albertain en 2003. La proportion des migrants en provenance de l’Ontario a aussi augmenté, passant à près de un sur quatre.

Figure 10

Il n’y a que l’Alberta qui, chaque année depuis dix ans, bénéficie d’une entrée nette de migrants interprovinciaux. En fait, l’Ontario vers la fin des années 1990 et la Colombie-Britannique dans les deux dernières années sont les seules provinces à avoir maintenu une entrée nette appréciable, ne serait-ce que sur une courte période. Autre fait intéressant, la migration la plus importante à destination de l’Alberta (43 089 personnes) a eu lieu en 1998, bien que les cours pétroliers se soient effondrés cette année-là. Les entrées nettes ont ralenti après 2002 même en période de prospérité de son économie. Les entrées brutes sont constantes, mais il y a eu reprise de l’émigration interne ces dernières années.

La population albertaine est la plus jeune et le nombre d'adultes y est le plus en croissance au pays; 57 % des Albertains étaient âgés de moins de 45 ans l’an dernier. L’Ontario suivait (54 %) et, dans la plupart des autres provinces, la proportion correspondante était de près de 50 %. C’est en partie qu’il y a plus de naissances en Alberta, mais avant tout que les migrants sont relativement jeunes en général.

La population albertaine a augmenté, mais la croissance de la population active a été tempérée par la baisse du taux d’activité. Après avoir culminé à 73,5 % en 2003, ce dernier a fléchi à 72,7 % l’an dernier, se situant au même niveau qu’en 1999. Il est en baisse partout, c’est-à-dire chez les jeunes et les adultes et chez les hommes et les femmes.

C’est une situation singulière pour l’Alberta qui a toujours présenté le plus haut taux d’activité au Canada. Quelle qu’en soit la cause, ce pourrait être un phénomène de courte durée, puisqu’on relève des signes que, en 2006, une économie albertaine en plein essor ramène des gens sur le marché du travail.

Dans un contexte de pénuries de main-d’œuvre, il importe de mieux intégrer des gens qui, souvent, n’entrent pas de plain-pied sur le marché du travail, plus particulièrement les immigrants récents et les peuples autochtones. Ainsi, en 2001, la proportion de migrants récents (ils sont depuis moins de 5 ans au pays) ayant un emploi en Alberta était d’environ 65 %. Elle est de plus de 5 points entiers inférieure au pourcentage correspondant dans tous les autres groupes.

L’Alberta a un peu mieux réussi que les autres provinces de l’Ouest à intégrer les peuples autochtones au marché du travail. En fait, le taux d’activité parmi les peuples autochtones (70,6 %) dépassait celui la moyenne globale nationale bien qu’il soit demeuré inférieur au taux des non-Autochtones en Alberta (72,8 %), ce qui s’explique en grande partie par la scolarisation moindre des Autochtones.

Figure 11

Après avoir été languissante pendant le plus clair des années 1980 et 1990, la production par heure travaillée en Alberta a commencé à s’améliorer nettement en 2000. Depuis, elle s’est élevée de 4 %. Cette remontée tient à un certain nombre de facteurs, notamment à la flambée des investissements des entreprises qui a débuté vers la fin de la décennie 1990 et qui était toujours là en 2006. Chaque salarié dispose aujourd’hui de 20 % de plus de stock de capital pour travailler qu’en 2002. La montée des coûts de maind’œuvre a incité les entreprises à investir davantage et à ainsi remédier à la pénurie de personnel. Ces gains ont compensé la productivité décroissante des puits de pétrole et de gaz conventionnels, la production du bassin sédimentaire de l’Ouest canadien ayant derrière elle ses meilleurs jours.

L’essor de l’économie a apporté une prospérité sans borne à l’Alberta, mais des effets à long terme inquiétants se sont faits jour. On remarque, notamment, que l’Alberta rural a un des plus hauts taux de décrochage au pays (environ 25 %), sans doute en raison de l’attrait d’emplois relativement peu spécialisés mais rémunérateurs. Les jeunes en question seront mal armés au moment d’affronter les conséquences d’un éventuel marasme de l’industrie.

L’offre de main-d’œuvre à Calgary et à Edmonton

À Calgary aussi bien qu’à Edmonton, les marchés du travail ont été très vigoureux. En juillet 2006, le taux de chômage à Calgary était de 3,7 % et celui d’Edmonton était presque similaire (3,8 %).

Alors que la demande de main-d’œuvre est forte dans les deux villes, les conditions de l’offre de main-d’œuvre sont différentes. Premièrement, la croissance de la population est plus soutenue à Calgary qu’elle l’est à Edmonton, et ce, depuis de nombreuses années. En 2005, la population d’Edmonton était estimée à 1,016 million de personnes, un chiffre en hausse de 1,3 % par rapport à l’année précédente. À Calgary, la population a crû de 2,1 % pour se situer à 1,060 million de personnes.

De plus, il y a eu des tendances différentes dans la portion de la population qui a participé à l’économie en ébullition de l’Alberta. À Calgary, les taux d’activité de la population active sont les plus élevés au Canada et ils sont allés à l’encontre de la tendance nationale d’une participation plus faible. À Edmonton, la participation au marché du travail a fléchi au cours des dernières années.

Comment la participation au marché du travail a-t-elle pu diminuer à Edmonton dans un contexte de forte croissance économique? Il y a plusieurs réponses à cette question. À l’échelle nationale, la participation a tendance à être plus faible, surtout en raison du vieillissement de la population. En comparant le profil des âges à Edmonton et à Calgary, il ressort clairement que le fait que les baby-boomers prendront leur retraite aura des répercussions plus tôt à Edmonton qu’à Calgary.

Cependant, le vieillissement de la population n’explique pas entièrement la baisse de participation au marché du travail à Edmonton. En moyenne au cours des douze mois allant de juillet 2005 à juillet 2006, la participation au marché du travail a également été plus faible parmi plusieurs groupes mais plus particulièrement chez les jeunes âgés de 15 à 24 ans dont la participation au marché du travail est souvent volontaire ou dépendante des revenus parentaux.

Conclusion

La vigoureuse croissance de l’économie de l’Alberta au cours des quatre dernières années n’a pas eu de précédent dans l’histoire économique de ce pays. Stimulée par les investissements liés aux exportations d’énergie qui sont en forte hausse, cette croissance qui ressemble à celle de la Chine a fait grimper les revenus moyens en Alberta à un niveau près de deux fois plus élevé que la moyenne nationale. Et la croissance n’a pas été le fait des seuls cols bleus du secteur pétrolier : Calgary a dépassé Vancouver pour désormais occuper la troisième place en importance au Canada quant au nombre de sièges sociaux.

Les avantages de cette croissance sont évidents. L’Alberta peut prétendre avoir le marché du travail le plus vigoureux en Amérique du Nord et les salaires les plus élevés au Canada. Les ventes au détail croissent à un rythme sans précédent. Le gouvernement provincial a acquitté sa dette en entier. Le rythme de croissance rapide, néanmoins, entraîne des pénuries grandissantes de main-d’œuvre et de logements.

La puissance de l’Alberta a fait l’envie du reste du Canada. Mais les autres Canadiens ont bénéficié de l’essor de l’Alberta : sa demande insatiable a fait croître le nombre de personnes qui s’y dirigent de même que ses importations de biens et services en provenance du reste du pays, ce qui fait que les bénéfices dont jouit l’Alberta deviennent de plus en plus les bénéfices du Canada tout entier.

Études spéciales récemment parues


Notes

* Groupe d’analyse de conjoncture, (613) 951-9162 et Enquête sur la population active.
1 En fait, un certain nombre de grands indicateurs comme ceux de l’emploi et des ventes au détail suggèrent que l’économie albertaine est en forte accélération cette année.
2 Se baser sur les termes de l’échange ajustés (ou command GDP) pour faire le calcul donne essentiellement le même résultat, soit une hausse de 40 % depuis 2002 plutôt que de 42 % en utilisant le PIB nominal.
3 EnCana n’est pas un cas isolé : Calgary a dépassé Vancouver comme troisième ville en importance au pays pour ce qui est du nombre de sièges sociaux après Toronto et Montréal.
4 Office national de l’énergie, rapport annuel de 2005, p. 15.
5 Voir Coming up next : The transformation of western Canada’s economy par Todd Hirsch, Canada West Foundation, avril 2006.
6 On dénombre 2,4 millions de véhicules sur les routes de l’Alberta, un nombre plus élevé que celui de la Colombie-Britannique où on compte pourtant 1 million de personnes de plus qu’en Alberta.
7 La Floride et le Dakota du Sud ont le deuxième taux de chômage le plus bas (3,0 %), alors que le Nebraska a un ratio de l’emploi à la population de 70 %.


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Date de modification : 2008-11-21 Avis importants
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