Étude spéciale
L’incidence du travail indépendant sur la croissance
de la productivité au Canada et aux États-Unis
par J. Baldwin* et J. Chowhan
Introduction
Au cours des années 80 et 90, les tendances démographiques
et le cycle économique ont fait en sorte que le travail indépendant
a augmenté1. La plupart des études
ont porté sur les causes de ce phénomène plutôt
que sur son incidence sur l’économie. Dans ce document,
nous examinons les répercussions du travail indépendant
sur la croissance de la productivité de la main-d’œuvre
au sein du secteur des entreprises dans les années 90.
En outre, nous comparons la performance relative de la productivité
au Canada et aux États-Unis.
L’importance du travail indépendant du point de vue
de la productivité tient à la croissance rapide du
phénomène. Entre 1990 et 1998, plus de la moitié
(55 %) de la croissance nette totale de l’emploi (8,1 %
ou 1 056 000 emplois) a été attribuable
au travail indépendant. On distingue différentes catégories
d’entreprises dans le secteur du travail indépendant.
Certaines comptent pour une grande part du PIB, ont des employés
et utilisent du capital dans le processus de production. En revanche,
d’autres contribuent peu au PIB, n’ont pas d’employés
et n’utilisent pas de capital, à l’exception
peut-être d’un ordinateur et d’une pièce
au foyer. L’incidence de la croissance du travail indépendant
dépend de sa répartition entre ces diverses catégories
d’entreprises.
Dans les années 90, la croissance du travail indépendant
a été stimulée par les entreprises qui n’ont
pas d’employés. Les revenus de ce groupe ont été
sensiblement inférieurs tant à ceux des autres travailleurs
indépendants qu’à ceux des travailleurs rémunérés.
La croissance du travail indépendant dans ce segment à
faible productivité au début des années 90
a contribué de façon importante à la stagnation
de notre productivité globale.
Statistique Canada fournit dans le cadre de son programme de productivité
de la main-d’œuvre des estimations de la production réelle
par unité de travail (heures travaillées) pour l’ensemble
du secteur des entreprises et les industries qui le composent. Ces
données, qui sont de nature générale, servent
souvent à examiner le rendement dans diverses industries.
Dans ce document, l’ensemble du secteur des entreprises est
décomposé de façon différente. Nous
prenons le PIB total et le total des heures travaillées,
puis nous soustrayons du premier élément le revenu
des travailleurs indépendants et du deuxième élément
les heures travaillées par ces derniers. Nous nous demandons
ce qu’il serait advenu de la productivité de la main-d’œuvre
si le secteur du travail indépendant n’avait pas connu
un aussi grand essor et si ses gains n’avaient pas été
à la traîne de ceux des travailleurs rémunérés.
Enfin, nous comparons le Canada avec les États-Unis afin
d’examiner particulièrement les raisons pour lesquelles
la croissance relative de la productivité au Canada a diminué
de 1987 à 1998 (points comparables dans le cycle économique)2.
La croissance du travail indépendant
Nous distinguons deux grandes catégories de travailleurs dans
les comptes de la productivité : les travailleurs rémunérés
et les travailleurs indépendants non constitués en
société. Cette dernière catégorie se
subdivise en trois sous-catégories : travailleurs indépendants
avec travailleurs rémunérés, travailleurs indépendants
sans travailleurs rémunérés (à leur
compte) et travailleurs familiaux non rémunérés.
Durant les années 90, plusieurs changements sont survenus
dans la composition des emplois. Premièrement, la croissance
a été beaucoup plus rapide chez les travailleurs indépendants
que du côté des travailleurs rémunérés
(figure 1). Deuxièmement, le nombre de travailleurs
indépendants sans employés a augmenté beaucoup
plus rapidement que celui des travailleurs indépendants ayant
des employés. Entre 1987 et 1998, le nombre des travailleurs
à leur compte a augmenté de 65,4 % et représentait
près de 80 % de l’ensemble des travailleurs indépendants
en 1998. Cette situation contraste avec la baisse du nombre des
travailleurs indépendants ayant des employés ainsi
que des travailleurs familiaux non rémunérés.
Figure 1

Même si le nombre des travailleurs indépendants s’est
accru dans les années 90, leurs revenus ont été
à la remorque de ceux des travailleurs rémunérés.
Fait plus important, les travailleurs à leur compte ont gagné
moins que la plupart des autres travailleurs. Leurs gains ont représenté
entre 68 % et 53 % de ceux des travailleurs rémunérés,
les écarts les plus marqués étant signalés
vers la fin des années 90 (figure 2). En outre, les
gains moyens des travailleurs à leur compte ont représenté
seulement la moitié environ de ceux des travailleurs indépendants
ayant des employés. L’augmentation du nombre des travailleurs
à leur compte qui n’avaient pas d’employés
et dont le revenu net était faible ou à la traîne
de celui des autres travailleurs a eu une incidence négative
sur la productivité.
Figure 2

Croissance de la productivité de la main-d’œuvre
La productivité de la main-d’œuvre est déterminée
par le rapport de la production au facteur main-d’œuvre.
Aux fins de la présente étude, la production est mesurée
en se fondant sur le PIB nominal aux prix de base dans le secteur
des entreprises. Sont exclues du secteur des entreprises toutes
les activités non commerciales ainsi que la valeur locative
implicite des logements occupés par le propriétaire
(y compris les institutions comme les organismes gouvernementaux,
les établissements d’enseignement, les hôpitaux
et les organismes religieux). Le facteur main-d’œuvre
représente les heures travaillées, rémunérées
ou non. Le nombre d’heures travaillées correspond au
nombre annuel moyen d’emplois multiplié par le nombre
moyen d’heures travaillées par les personnes occupant
ces emplois.
Nous examinons dans les pages qui suivent l’incidence du travail
indépendant sur la productivité en recalculant le
numérateur et le dénominateur de la production par
heure travaillée. Dans le numérateur, nous soustrayons
du PIB les gains nets du secteur des entreprises non constituées.
Dans le dénominateur, nous défalquons du total des
heures le nombre des heures travaillées par les travailleurs
non constitués en société.
Ce faisant, nous créons deux secteurs distincts : les
travailleurs indépendants (subdivisés à leur
tour en travailleurs non agricoles et travailleurs agricoles) et
le reste du secteur commercial, que nous appelons ici le « secteur
des entreprises, sauf les travailleurs indépendants »
(le « secteur ESTI »). Le secteur ESTI équivaut
principalement au volet entités constituées en société
de l’économie, qui regroupe la plupart des employés
rémunérés, par opposition au secteur du travail
indépendant, qui est surtout constitué d’entrepreneurs
non constitués en société qui font cavalier
seul.
Il convient de souligner que nous ne pouvons soustraire toute la
part du PIB générée par les travailleurs indépendants.
Par conséquent, la dichotomie constituées/non constituées
n’est pas parfaite, puisque les salaires et traitements des
travailleurs rémunérés du secteur formé
par les entrepreneurs non constitués en société
ainsi que leurs heures travaillées sont inclus dans le secteur
ESTI aux fins de nos calculs. Cependant, cette lacune n’influe
pas vraiment sur les conclusions énoncées dans ce
document. Étant donné que la quasi-totalité
de l’augmentation du nombre de travailleurs indépendants
était attribuable aux entrepreneurs qui n’avaient pas
d’employés, le revenu net de ces entrepreneurs représente
presque la totalité de leur contribution au PIB. Lorsqu’on
corrige les chiffres pour que le revenu net par travailleur indépendant
corresponde davantage au PIB par travailleur, les résultats
demeurent inchangés.
Entre 1987 et 1998, la productivité de la main-d’œuvre
du secteur des entreprises (PIB par heure travaillée) a constamment
augmenté, passant de 21,79 $ en 1987 à 30,48 $
l’heure en 1998 (tableau 1). À titre de comparaison,
la productivité de la main-d’œuvre dans le secteur
ESTI a été de 10 % plus élevée,
atteignant 33,81 $ en 1998. Si la productivité du secteur
des entreprises a été inférieure à ce
qu’elle aurait dû être, c’est surtout en
raison de la rémunération horaire inférieure
des travailleurs indépendants, tant agricoles que non agricoles.
La pression à la baisse sur le PIB par heure travaillée
s’accentue en raison de la proportion croissante des travailleurs
indépendants par rapport au nombre d’heures travaillées,
ainsi que de la diminution de leurs gains relatifs.
Tableau 1: Production nominale par heure travaillée ($)
|
Ensemble du secteur des entreprises |
|
Travailleurs indépendants |
Année |
|
ESTI* |
Total |
Non agricoles |
Agricoles |
1987 |
21,79 |
23,69 |
9,45 |
12,32 |
2,97 |
1988 |
22,89 |
24,78 |
10,50 |
12,86 |
4,72 |
1989 |
23,74 |
25,79 |
10,37 |
13,17 |
3,00 |
1990 |
24,38 |
26,55 |
10,51 |
13,21 |
3,18 |
1991 |
25,04 |
27,37 |
10,77 |
13,30 |
2,90 |
1992 |
25,71 |
28,11 |
11,30 |
14,04 |
3,00 |
1993 |
26,35 |
28,96 |
11,45 |
13,84 |
3,89 |
1994 |
27,40 |
30,29 |
10,97 |
13,57 |
2,16 |
1995 |
28,63 |
31,47 |
11,84 |
13,86 |
4,61 |
1996 |
29,17 |
32,15 |
12,15 |
13,65 |
6,60 |
1997 |
30,11 |
33,34 |
11,86 |
14,12 |
2,84 |
1998 |
30,48 |
33,81 |
11,96 |
13,93 |
3,37 |
*Secteur des entreprises, sauf les travailleurs
indépendants. |
La croissance cumulative de la productivité dans les sous-secteurs
agricole et non agricole du secteur du travail indépendant
a été inférieure à celle observée
dans le secteur ESTI (tableau 2 et figure 3). La croissance
dans le secteur ESTI au cours de l’ensemble de la période
a été de 42,8 %, soit une performance sensiblement
meilleure que celle enregistrée dans les sous-secteurs non
agricole et agricole, qui ont connu des taux de croissance de 13,1 %
et 13,5 %, respectivement. Les faibles augmentations dans le
secteur du travail autonome ont fait en sorte que la croissance
cumulative de la productivité de 40 % signalée
dans le secteur des entreprises a été inférieure
à celle observée dans le secteur ESTI.
Tableau 2: Croissance cumulative de la production nominale par heure
travaillée, 1987-1998
|
|
|
Travailleurs indépendants |
Année |
Ensemble du secteur des entreprises |
ESTI* |
Total |
Non agricoles |
Agricoles |
1987 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
1988 |
105,1 |
104,6 |
111,1 |
104,4 |
159,0 |
1989 |
109,0 |
108,9 |
109,7 |
106,9 |
101,0 |
1990 |
111,9 |
112,1 |
111,2 |
107,3 |
107,3 |
1991 |
114,9 |
115,5 |
113,9 |
108,0 |
97,6 |
1992 |
118,0 |
118,7 |
119,6 |
113,9 |
101,0 |
1993 |
120,9 |
122,3 |
121,1 |
112,3 |
131,3 |
1994 |
125,8 |
127,9 |
116,1 |
110,1 |
72,8 |
1995 |
131,4 |
132,9 |
125,2 |
112,5 |
155,5 |
1996 |
133,9 |
135,7 |
128,5 |
110,8 |
222,4 |
1997 |
138,2 |
140,8 |
125,5 |
114,6 |
95,9 |
1998 |
139,9 |
142,8 |
126,5 |
113,1 |
113,5 |
* Secteur des entreprises, sauf les travailleurs
indépendants. |
Figure 3

Ces tendances globales peuvent également être observées
chez les industries qui représentent la plus grande part du
revenu du secteur du travail indépendant. Sept industries représentent
près de 85 % du revenu total de ce secteur : agriculture,
construction, transports, commerce de détail, finance et immobilier,
services aux entreprises, services sociaux et de santé. Tout
au cours des années 90, la plupart de ces industries ont
connu la tendance à une croissance relativement faible de la
production des travailleurs indépendants par heure travaillée.
Comparaison entre le Canada et les États-Unis
Le phénomène du travail indépendant n’a
pas connu le même essor au Canada et aux États-Unis
dans les années 90. Au Canada, le pourcentage des heures
travaillées par les travailleurs indépendants a progressé
dans le secteur des entreprises, passant de 13,4 % à
15,3 %, contrairement aux États-Unis, où il a
régressé, glissant de 12,5 % à 10,9 %.
Toutefois, dans l’un et l’autre pays, la part du PIB
du secteur des entreprises générée par le travail
indépendant a augmenté entre 1987 et 1998, passant
de 7,0 % à 7,8 % aux États-Unis et de 5,8 %
à 6,0 % au Canada (figure 4).
Figure 4

Il y a lieu de souligner qu’en 1998, le pourcentage des heures
travaillées par les travailleurs indépendants était
de 4,4 % plus élevé au Canada qu’aux États-Unis
(figure 4), mais que la part du PIB générée
par le secteur du travail indépendant était de 1,9 %
plus faible dans notre pays. Le tableau 3 montre comment ces
chiffres ont influé sur les données comparatives au
chapitre de la croissance de la productivité. Aux États-Unis,
le travail indépendant a eu un effet positif important sur
la production nominale par heure travaillée. Là-bas,
la croissance de l’ensemble du secteur des entreprises a été
supérieure à celle du secteur ESTI, alors que le secteur
du travail indépendant a contribué dans une proportion
de 4,1 % à la croissance cumulative de la productivité
du secteur des entreprises; au Canada, le travail indépendant
a fait reculer de 2,9 % la production nominale par heure travaillée.
Tableau 3: Production nominale par heure travaillée (1987=100)
|
Canada |
États-Unis |
Année |
Ensemble du secteur
des entreprises |
ESTI* |
Travailleurs indépendants
|
Ensemble du secteur
des entreprises |
ESTI* |
Travailleurs indépendants |
1987 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
1988 |
105,1 |
104,6 |
111,1 |
104,4 |
104,0 |
109,3 |
1989 |
109,0 |
108,9 |
109,7 |
109,3 |
108,7 |
116,0 |
1990 |
111,9 |
112,1 |
111,2 |
114,7 |
113,8 |
125,8 |
1991 |
114,9 |
115,5 |
113,9 |
120,0 |
119,7 |
126,4 |
1992 |
118,0 |
118,7 |
119,6 |
127,2 |
125,5 |
147,6 |
1993 |
120,9 |
122,3 |
121,1 |
130,6 |
129,0 |
150,8 |
1994 |
125,8 |
127,9 |
116,1 |
134,8 |
133,1 |
155,0 |
1995 |
131,4 |
132,9 |
125,2 |
138,3 |
136,1 |
162,3 |
1996 |
133,9 |
135,7 |
128,5 |
144,4 |
141,7 |
175,1 |
1997 |
138,2 |
140,8 |
125,5 |
150,4 |
147,2 |
184,4 |
1998 |
139,9 |
142,8 |
126,5 |
155,6 |
151,5 |
199,8 |
* Secteur des entreprises, sauf les travailleurs
indépendants. |
La récession du début des années 90 a
entraîné une stagnation des gains horaires des travailleurs
indépendants dans les deux pays (figure 5). Cependant,
après 1991, les gains ont pris une direction différente
dans les deux pays. Aux États-Unis, les gains horaires des
travailleurs indépendants se sont affermis et ont recommencé
à progresser, tandis qu’ils ont continué de
stagner au Canada (léger bond en 1995 et 1996 suivi d’un
recul en 1997).
Figure 5
La différence entre le Canada et les États-Unis
au chapitre de la croissance de la productivité de la main-d’œuvre
est surtout attribuable au secteur du travail indépendant
et particulièrement au sous-secteur non agricole. Le tableau 4
présente les différences pour ce qui est de la croissance
cumulative de la production nominale par heure travaillée.
Le tableau 5 compare les deux pays en termes de croissance
de la production en dollars constants par heure travaillée.
Une valeur positive implique que la croissance a été
plus forte aux États-Unis qu’au Canada.
Tableau 4: Croissance cumulative de la production nominale par heure
travaillée : différence entre les États-Unis
et le Canada
|
|
|
Travailleurs indépendants |
Année |
Ensemble du secteur des entreprises |
ESTI* |
Total |
Non agricoles |
Agricoles |
1987 |
|
|
|
|
|
1988 |
-0,72 |
-0,63 |
-1,82 |
7,05 |
-64,53 |
1989 |
0,36 |
-0,14 |
6,32 |
9,21 |
14,19 |
1990 |
2,80 |
1,67 |
14,57 |
19,37 |
11,41 |
1991 |
5,10 |
4,12 |
12,42 |
21,76 |
3,49 |
1992 |
9,21 |
6,86 |
28,00 |
37,05 |
21,91 |
1993 |
9,68 |
6,78 |
29,69 |
41,66 |
-7,37 |
1994 |
9,01 |
5,24 |
38,93 |
51,76 |
35,04 |
1995 |
6,91 |
3,29 |
37,06 |
61,28 |
-72,99 |
1996 |
10,53 |
5,93 |
46,59 |
70,51 |
-95,50 |
1997 |
12,12 |
6,39 |
58,88 |
77,81 |
22,19 |
1998 |
15,70 |
8,72 |
73,28 |
96,02 |
1,02 |
* Secteur des entreprises, sauf les travailleurs
indépendants. |
Tableau 5: Croissance cumulative de la production réelle
par heure travaillée : différence entre les États-Unis
et le Canada
|
|
|
Travailleurs indépendants |
Année |
Ensemble du secteur des entreprises |
ESTI* |
Total |
Non agricoles |
Agricoles |
1987 |
|
|
|
|
|
1988 |
-0,24 |
-0,17 |
-1,28 |
7,21 |
-61,22 |
1989 |
2,80 |
2,32 |
8,40 |
11,05 |
15,59 |
1990 |
4,15 |
3,13 |
14,84 |
19,15 |
11,92 |
1991 |
5,03 |
4,17 |
11,45 |
19,61 |
3,54 |
1992 |
7,77 |
5,73 |
24,03 |
31,87 |
18,79 |
1993 |
7,77 |
5,29 |
24,79 |
35,00 |
-6,78 |
1994 |
5,79 |
2,62 |
30,87 |
41,65 |
28,22 |
1995 |
4,12 |
1,16 |
28,73 |
48,59 |
-61,17 |
1996 |
7,49 |
3,78 |
36,42 |
55,72 |
-78,11 |
1997 |
7,81 |
3,27 |
44,73 |
59,75 |
16,25 |
1998 |
7,30 |
1,81 |
52,24 |
70,27 |
-3,13 |
* Secteur des entreprises, sauf les travailleurs
indépendants. |
La différence entre les États-Unis et le Canada au
chapitre de la croissance de la productivité dans le secteur
du travail indépendant non agricole au cours de la période
a été de 96 % (tableau 4). C’est le
principal élément qui explique l’influence positive
que le travail indépendant a eue sur la production nominale
par heure travaillée aux États-Unis. La différence
cumulative (16 points) quant à la productivité
de l’ensemble du secteur des entreprises diminue de près
de la moitié (à seulement 9 points) lorsqu’on
ne tient pas compte de l’incidence du travail indépendant.
Le résultat est encore plus frappant lorsqu’on convertit
le PIB nominal en dollars constants (tableau 5). L’écart
(7 points) pour ce qui est de la croissance cumulative de la
production par heure travaillée, exprimée en dollars
constants, devient inférieur à 2 %. Autrement
dit, l’écart en faveur des États-Unis en termes
de croissance de la productivité de la main-d’œuvre
devient minime dès qu’on fait abstraction des effets
du travail indépendant dans le secteur des entreprises.
Conclusion
Deux caractéristiques du travail indépendant ont
contribué à creuser l’écart entre le
Canada et les États-Unis en ce qui touche la productivité
de la main-d’œuvre. D’abord, le revenu net par
travailleur indépendant par rapport à celui du travailleur
rémunéré a été beaucoup plus
faible au Canada qu’aux États-Unis et la proportion
du total des emplois que les emplois autonomes ont représentée
a été plus élevée et a augmenté
au Canada. Ensuite, le revenu net des travailleurs indépendants
a crû de façon beaucoup moins marquée au Canada
dans les années 90. Ensemble, ces deux facteurs ont
freiné la croissance de notre productivité.
Les résultats indiquent qu’il existe des différences
structurelles fondamentales entre les deux pays en ce qui concerne
le secteur du travail indépendant. Le revenu net des travailleurs
indépendants non agricoles a eu une incidence positive sur
la production nominale par travailleur aux États-Unis, contrairement
à ce qui s’est passé au Canada. Si l’on
exclut du secteur des entreprises le revenu des travailleurs indépendants,
l’écart entre les États-Unis et le Canada en
termes de croissance de la productivité de la main-d’œuvre
devient presque inexistant.
Références
Baldwin, John et James Chowhan (2003). “Répercussions
du travail autonome sur la croissance de la productivité
du travail: comparaison Canada-États-Unis”. Analyse
économique, documents de recherche. Statistique Canada, catalogue
11F0027MIF, no 16.
Kuhn, Peter and Herb Schuetze (2001). “Self-employment Dynamics
and Self-employment Trends: A Study of Canadian Men and Women, 1982-1998.”
Canadian Journal of Economics. 34(3):760-784.
Lin, Zhengxi, Janice Yates, et Garnett Picot (1999). “L’accroissement
de l’emploi autonome en période de chômage élevé:
Analyse empirique des faits récents survenus au Canada.”
Documents de recherche, direction des études analytiques.
Statistique Canada, catalogue 11F0019MPF. no133.
Statistique Canada (1997). Le point sur la population active: Les
travailleurs indépendants. Catalogue no 71-005-XPB, automne
1997, vol. 1, no 3.
Statistique Canada (2001). Croissance de la productivité
au Canada. Catalogue no 15-204-XPF.
Études spéciales récemment
parues
Notes
* Directeur, Études et analyses micro-économiques
(613) 951-8588.
1 Plusieurs études traitent de l’ampleur
de la création et de la disparition d’emplois autonomes
[Kuhn et Schuetze, 2001]; des différences entre le Canada
et les États-Unis quant au rôle du travail indépendant
[Lin, Yates et Picot, 1999]; du rapport entre les caractéristiques
des entrepreneurs individuels et l’expérience antérieure
sur le marché du travail avec la probabilité des entrées
et sorties dans le secteur du travail indépendant [Le point
sur la population active, 1997; Lin, Picot et Yates, 1999].
2 Des données plus détaillées peuvent
être obtenues de Baldwin et Chowhan (2003).
|