Étude spéciale
L’emploi dans les sièges sociaux au Canada de 1999 à 2005
par M. Brown et D. Beckstead*
Introduction
À la fin des années 1990 et au début des années 2000, on a commencé à craindre que le nombre croissant de prises de contrôle d’entreprises canadiennes par des intérêts étrangers entraîne un exode de sociétés canadiennes. Certains étaient d’opinion que les sociétés ne feraient plus appel aux services des marchés financiers ou à certains services clés offerts aux entreprises. Or, étant donné que le secteur financier et celui des services aux entreprises figurent parmi ceux qui connaissent la croissance la plus rapide et qui sont les plus rémunérateurs, on estimait que ce phénomène entamait les perspectives de croissance du Canada. Une deuxième vague de prises de contrôle a fait renaître ces préoccupations récemment.
On présume également qu’il existe un lien entre un tel exode et une régression des fonctions de gestion. Plus particulièrement, le phénomène serait rattaché au déplacement de l’emploi des sièges sociaux vers l’étranger, surtout au niveau de la haute direction. Dans le présent document, nous abordons de nouveau la question de savoir si les données statistiques étayent la thèse voulant qu’il y ait une telle érosion des fonctions rattachées aux sièges sociaux.
Dans notre étude précédente1, nous avons analysé l’emploi dans les sièges sociaux de 1999 à 2002. L’analyse a révélé une hausse de l’emploi dans les sièges sociaux au cours de cette période, ce qui donnait à penser qu’il n’y avait pas de départ massif des sièges sociaux. Dans la présente étude, notre analyse s’étend aux données relatives à trois années supplémentaires, ce qui permet de mieux distinguer les perspectives à long terme, mais aussi d’avoir un point de vue plus actuel sur l’emploi dans les sièges sociaux au Canada.
Outre l’examen des tendances à long terme, nous étudions les effets de la propriété étrangère sur l’emploi dans les sièges sociaux. Les préoccupations exprimées par le passé étaient largement axées sur l’exode présumé des entreprises canadiennes en raison de l’influence exercée sur l’emploi dans les sièges sociaux par l’accroissement de la propriété étrangère. On faisait l’hypothèse que les entreprises étrangères concentreraient dans leur pays les fonctions de gestion (des entreprises canadiennes nouvellement acquises). Dans le présent document, nous vérifions directement cette hypothèse. Nous étudions la question de savoir ce qu’il advient de l’emploi dans les sièges sociaux lorsqu’une société sous contrôle canadien passe à des intérêts étrangers. Nous examinons aussi dans quelle mesure les entreprises étrangères contribuent à l’emploi, et à la croissance de l’emploi, dans les sièges sociaux.
Les inquiétudes liées à l’emploi dans les sièges sociaux sont ressenties au niveau national mais aussi au niveau local, car les villes cherchent souvent à attirer davantage de sièges sociaux. Cet intérêt tient à trois facteurs. D’abord, on associe aux sièges sociaux, un certain prestige qui peut rehausser l’image des villes. Ensuite, les sièges sociaux engendrent une demande de services financiers et de services aux entreprises, qui sont un élément de plus en plus important des économies urbaines. Enfin, les sièges sociaux vont de pair avec des emplois relativement bien payés, qui enrichissent l’assise économique des villes2.
En raison de cet intérêt, le départ d’un siège social soulève souvent des inquiétudes. Pourtant, c’est la fréquence des créations et des disparitions de sièges sociaux qui fera que la disparition d’un siège social donné constitue ou non un événement significatif pour une ville. S’il s’agit de phénomènes rares, un siège social qui disparaît ne sera peut-être pas remplacé. Par contre, si les créations et disparitions de sièges sociaux sont fréquentes, il devient probable qu’un nouveau siège social vienne remplacer celui qui disparaît. Nous mesurons le taux de création et de disparition des sièges sociaux afin d’évaluer l’importance de ce mouvement.
Étant donné que l’effectif des sièges sociaux au Canada tend à être concentré dans un petit nombre de régions métropolitaines importantes – Toronto, Montréal, Calgary et Vancouver –, nous présentons également des données sur l’évolution de cette catégorie d’emplois au niveau des régions en question. Notre étude précédente avait mis en lumière des tendances particulières de 1999 à 2002 dans les villes canadiennes où l’on retrouvait le plus de sièges sociaux. Dans l’Est, l’effectif des sièges sociaux a connu une hausse constante à Toronto mais a diminué à Montréal. Dans l’Ouest, c’est Calgary qui est devenu le plus important centre de sièges sociaux, dépassant Vancouver, où l’emploi dans les sièges sociaux a accusé une baisse.
De nombreuses questions se posent sur la manière dont les choses ont évolué dans ces centres depuis la publication de nos résultats précédents. Est-ce que le recul s’est poursuivi à Vancouver, ou est-ce que la prospérité récente de la ville a permis de renverser la situation? Est-ce que la croissance enregistrée à Toronto a fléchi de façon perceptible en parallèle avec la croissance rapide observée à Calgary? Est-ce que la baisse constatée à Montréal s’est poursuivie, ou est-ce que la vigueur relative de son économie a conduit à un redressement au niveau des sièges sociaux?
Nombre de sièges sociaux et emploi dans les sièges sociaux — Tendances nationales
L’une des questions auxquelles nous souhaitons répondre consiste à savoir quels ont été les résultats du secteur des sièges sociaux au cours des six dernières années. L’emploi dans les sièges sociaux peut avoir augmenté en raison de la croissance économique ou de changements technologiques donnant aux entreprises les moyens de regrouper leurs fonctions de gestion à leur siège social au lieu de les éparpiller entre leurs différentes unités de production (p. ex., établissements manufacturiers). Il peut aussi arriver que l’emploi dans les sièges sociaux soit en baisse parce que des investissements dans de nouvelles technologies de l’information permettent de rationaliser les fonctions de gestion ou que certains de ces emplois sont transférés à l’étranger.
Le secteur des sièges sociaux continue de croître au Canada, que la mesure repose sur le nombre de sièges sociaux ou sur le nombre d’emplois qui s’y rattachent. Après avoir fléchi entre 1999 et 2000, le nombre de sièges sociaux a connu une hausse constante, exception faite d’une légère baisse entre 2004 et 2005 (figure 1). Entre 1999 et 2005, leur nombre a augmenté de 4,2 %.
Figure 1
L’emploi dans les sièges sociaux a évolué à peu près de la même manière (figure 2), diminuant entre 1999 et 2000 puis connaissant une augmentation constante. Par contre, il ne semble pas y avoir eu de baisse en 2004 et 2005. Au total, l’emploi dans les sièges sociaux a progressé de 11 % entre 1999 et 2005. Cette hausse est légèrement inférieure à celle de l’emploi dans le secteur des entreprises au cours de la même période (14 %).
Figure 2
Tendances touchant les sièges sociaux sous contrôle canadien et sous contrôle étranger
Les analystes continuent de se pencher sur la question de savoir si le contrôle étranger va de pair avec un exode des sociétés canadiennes. Notamment, certains ont avancé que, lorsque des entreprises canadiennes passent sous le contrôle d’entreprises étrangères, leurs fonctions de gestion sont transférées à l’étranger, d’où une perte d’emplois dans les sièges sociaux.
Pour étudier les effets de la propriété étrangère sur l’effectif des sièges sociaux, nous examinons les tendances touchant le nombre de sièges sociaux sous contrôle étranger et sous contrôle canadien ainsi que leur effectif au fil du temps3. La figure 3 présente sous forme graphique le nombre de sièges sociaux sous contrôle canadien et sous contrôle étranger.
Figure 3
Les sièges sociaux sous contrôle canadien l’emportent sur ceux sous contrôle étranger dans une proportion légèrement supérieure à trois pour un. Le nombre de sièges sociaux d’entreprises canadiennes a légèrement diminué au cours de la période étudiée, tandis que celui des sièges sociaux sous contrôle étranger a augmenté. L’augmentation du nombre de sièges sociaux à l’échelle nationale tient entièrement à la hausse du nombre de sièges sociaux d’entreprises sous contrôle étranger.
La figure 4 présente sous forme graphique l’effectif des sièges sociaux sous contrôle canadien et sous contrôle étranger au cours de la période examinée. Une bonne part de la hausse de l’emploi dans les sièges sociaux depuis 1999 est attribuable aux entreprises sous contrôle étranger. L’effectif des sièges sociaux d’entreprises sous contrôle canadien a augmenté de 6 % tandis que celui des sièges sociaux d’entreprises sous contrôle étranger progressait de 21 %. Cela signifie qu’environ 63 % de l’augmentation totale de l’effectif est associée aux sièges sociaux sous contrôle étranger.
Figure 4
La taille des sièges sociaux, tant des entreprises étrangères que des entreprises canadiennes, a peu changé au cours de la période étudiée. Le nombre moyen d’emplois dans les sièges sociaux d’entreprises étrangères a légèrement diminué, passant de 71 en 1999 à 68 en 2005, tandis qu’il augmentait un peu dans les sièges sociaux d’entreprises canadiennes — de 32 à 35.
De 1999 à 2005, la totalité de l’augmentation du nombre de sièges sociaux au Canada et la plus grande partie de la hausse de l’emploi dans les sièges sociaux étaient le fait des entreprises étrangères. Cette progression peut tenir à deux raisons distinctes. D’une part, la hausse du nombre, et de l’effectif, des sièges sociaux sous contrôle étranger peut s’expliquer par une croissance organique interne. Le nombre de sièges sociaux de cette catégorie peut avoir augmenté parce que les entreprises étrangères établissent de nouveaux sièges sociaux. De même, la nette hausse de l’emploi peut être attribuable à ces nouveaux sièges sociaux sous contrôle étranger et à l’augmentation de l’effectif de ceux qui étaient déjà présents. D’autre part, l’importance croissante des sièges sociaux sous contrôle étranger peut tenir à la prise de contrôle d’entreprises canadiennes. Certains sièges sociaux auparavant sous contrôle canadien sont peut-être tout simplement devenus sous contrôle étranger, d’où la hausse globale du nombre et de l’effectif des sièges sociaux sous contrôle étranger.
De 1999 à 2005 toujours, l’augmentation nette du nombre de sièges sociaux a été de 191. La plus grande partie de cette augmentation correspond à la différence entre le nombre de sièges sociaux créés et le nombre de sièges sociaux disparus. Ainsi, au cours de cette période, 281 sièges sociaux sous contrôle étranger sont disparus et 419 ont été créés. Cela représente un gain net de 138 sièges sociaux, soit 70 % environ de la hausse totale, le reste (53) découlant du fait que davantage de sièges sociaux sous contrôle canadien sont passés sous contrôle étranger (130) que l’inverse (77).
L’effectif total des sièges sociaux sous contrôle étranger a augmenté de 11 000 environ entre 1999 et 2005. Le gain provient de trois sources : (1) l’emploi dans les sièges sociaux sous contrôle étranger créés était supérieur à celui dans les sièges sociaux disparus (création-disparition); (2) il y a eu une hausse nette de l’effectif des sièges sociaux sous contrôle étranger qui ont poursuivi leurs activités durant toute la période (entreprises existantes); et (3) des sièges sociaux sous contrôle canadien sont passés à des intérêts étrangers (changement de contrôle). La figure 5 montre la répartition du changement net total touchant l’effectif des sièges sociaux sous contrôle étranger en fonction de ces trois sources.
Figure 5
La hausse nette de l’emploi dans les sièges sociaux sous contrôle étranger provient en totalité de l’excédent de l’effectif additionnel lié aux créations de sièges sociaux sur la perte d’emplois faisant suite à la disparition de sièges sociaux (figure 5). Les pertes d’emploi dans les sièges sociaux d’entreprises existantes et l’effet net des changements de contrôle étaient également négatifs. Il convient de fournir quelques explications au sujet de ce dernier point.
Le nombre d’emplois dans les sièges sociaux (8 138 en 1999) d’entreprises étrangères passant sous contrôle canadien était plus élevé que celui (7 751)dans les sièges sociaux d’entreprises canadiennes passant sous contrôle étranger, d’où un effet négatif modeste lié au changement de contrôle.
Malgré le fait que le secteur des entreprises sous contrôle étranger semble avoir été plus dynamique que celui des entreprises sous contrôle canadien sur les plans de la création de sièges sociaux et de l’effectif de ces dernier, on ne sait trop que conclure au sujet de l’effet qu’ont pu avoir les changements de contrôle — entreprises canadiennes passant sous contrôle étranger — sur l’emploi agrégé dans les sièges sociaux. Est-ce que la prise de contrôle d’entreprises canadiennes conduit à la disparition de sièges sociaux et à la perte d’emplois dans ces derniers par suite du regroupement des fonctions de gestion dans le pays de l’entreprise étrangère?
La prise de contrôle d’une entreprise jusqu’alors sous contrôle canadien peut avoir de nombreux effets. Cela peut entraîner la fermeture du siège social de l’entreprise, dans le cas où les fonctions de gestion sont regroupées dans le pays de l’entreprise étrangère. Une prise de contrôle peut aussi être l’amorce d’une période de croissance qui exige de grandes compétences administratives. Dans un tel contexte, l’entreprise étrangère pourrait bien maintenir un siège social au Canada, ou même en créer un s’il n’y en avait pas jusque-là, de façon à gérer ses activités en expansion au Canada.
Les effets des changements de contrôle peuvent être vérifiés en déterminant ce qui arrive aux sièges sociaux lorsque le contrôle passe d’intérêts canadiens à des intérêts étrangers (et vice versa) et en examinant si le changement de contrôle est lié à une hausse du rythme de fermeture de sièges sociaux et si le nombre d’emplois dans les sièges sociaux encore ouverts a augmenté ou diminué.
Parmi les 164 sièges sociaux auparavant sous contrôle canadien qui sont passés sous contrôle étranger entre 1999 et 2005, 21 % (34) ont été fermés, ce qui a entraîné la perte de 1 709 emplois. Il convient également de mentionner que 38 sièges sociaux ont été créés à la suite de la prise de contrôle par des intérêts étrangers d’entreprises auparavant sous contrôle canadien, ce qui s’est traduit par la création de 2 346 emplois. Bref, par suite de la prise de contrôle par des intérêts étrangers d’entreprises qui étaient sous contrôle canadien, il y a eu plus de sièges sociaux créés que de sièges sociaux fermés, et le nombre d’emplois créés a dépassé le nombre d’emplois perdus.
Bien sûr, les entreprises étrangères qui prennent le contrôle d’activités au Canada peuvent décider de ne pas fermer entièrement le siège social canadien ainsi acquis mais de réduire son effectif en transférant une partie seulement des fonctions de gestion à l’étranger. Elles peuvent aussi élargir les fonctions de gestion au Canada. La figure 6 présente des données sur l’effectif des sièges sociaux d’entreprises canadiennes qui sont passées sous contrôle étranger entre 1999 et 2005. On observe une légère hausse de l’emploi dans les sièges sociaux en question au cours de cette période. À l’opposé, il y a eu une baisse de l’emploi dans les sièges sociaux d’entreprises étrangères passées sous contrôle canadien. Ces résultats laissent penser que, en moyenne, les entreprises étrangères ont maintenu le niveau d’emploi existant dans les sièges sociaux. Ils semblent également indiquer que les entreprises étrangères se départaient des entreprises moins dynamiques, dont les sièges sociaux voyaient leur effectif diminuer au moment où survenait le transfert de contrôle.
Figure 6
Les entreprises sous contrôle canadien qui sont passées sous contrôle étranger ont ouvert davantage de sièges sociaux qu’elles n’en ont fermé, de sorte que le résultat net a été une hausse de l’emploi dans les sièges sociaux. Ces entreprises ont également maintenu en moyenne la taille de l’effectif des sièges sociaux existants. Ces résultats contredisent l’affirmation voulant que la prise de contrôle d’entreprises canadiennes par des entreprises étrangères soit assortie d’une réduction de l’emploi dans les sièges sociaux. Il peut y avoir des cas où il y aura réduction de l’effectif, ou fermeture, d’un siège social à la suite d’une telle prise de contrôle, mais il est probable que l’entreprise étrangère ouvre un nouveau siège social ou élargisse le siège social existant après la prise de contrôle.
Roulement de l’effectif des sièges sociaux
La perte d’un siège social dans une ville ou une collectivité peut susciter des préoccupations, car un tel événement est souvent considéré comme étant rare et comme ayant une grande importance du point de vue de l’économie locale. L’opinion courante veut qu’il soit peu probable qu’un siège social perdu puisse être remplacé. Ce point de vue soulève bien sûr la question de savoir à quelle fréquence les sièges sociaux apparaissent et disparaissent au sein de l’économie. S’agit-il de phénomènes rares ou au contraire courants? Lorsque des articles de journaux font état de fermetures notoires, omet-on le fait qu’un événement ponctuel n’est pas le signe d’une tendance, surtout lorsque les créations et les disparitions de ce genre sont fréquentes?
Nous pouvons mesurer la probabilité de fermeture d’un siège social en déterminant la proportion de sièges sociaux existant en 1999 qui avaient disparu en 2005. De même, pour mesurer la probabilité de création d’un siège social, nous calculons la proportion de sièges sociaux existant en 2005 qui n’étaient pas présents en 1999.
Le roulement des sièges sociaux a été marqué entre 1999 et 2005. Sur les 4 061 sièges sociaux existant en 1999, 1 489 (37 %) étaient disparus en 2005. Par contre, ces pertes avaient été contrebalancées par de nouveaux sièges sociaux. Ainsi, 1 589 (38 %) des 4 161 sièges sociaux dénombrés en 2005 n’existaient pas en 1999. La création de sièges sociaux a été suffisante pour relancer ce secteur. Les autres sièges sociaux existaient déjà en 1999 et poursuivaient leurs activités en 2005.
Le taux élevé de roulement de l’emploi dans les sièges sociaux peut ne pas présenter beaucoup d’importance si les sièges sociaux sont de petite taille. En effet, un taux de roulement de l’emploi élevé dans ces sièges sociaux n’entraînera pas forcément un roulement plus élevé de l’emploi au niveau de l’ensemble des sièges sociaux. La figure 7 illustre la proportion d’emplois perdus dans les sièges sociaux en 1999 en raison de la fermeture de sièges sociaux ainsi que la proportion d’emplois observée en 2005 qui correspond aux sièges sociaux créés jusqu’en 2005. Au total, 27 % des emplois dans les sièges sociaux en 1999 avaient été perdus en 2005 par suite de la disparition de sièges sociaux. Cette proportion est inférieure à celle des sièges sociaux existant en 1999 qui avaient été fermés par la suite, mais cela représente tout de même une perte d’emplois substantielle. Par ailleurs, 36 % des emplois recensés en 2005 étaient dans des sièges sociaux ayant été ouverts depuis 1999. Dans les sièges sociaux qui existaient durant toute cette période, il n’y a pas eu de changement significatif de l’emploi agrégé.
Figure 7
La disparition et la création de sièges sociaux ne sont pas des phénomènes rares; cela se produit constamment. De plus, ces créations et ces disparitions représentent une part importante du changement net de l’emploi dans les sièges sociaux.
Effectif des sièges sociaux dans les villes
Au Canada, l’effectif des sièges sociaux est concentré dans quatre grandes régions métropolitaines — Toronto, Montréal, Calgary et Vancouver. En 2005, on retrouvait 38 % de la population canadienne dans ces quatre villes, mais également 73 % de l’effectif des sièges sociaux au Canada. Globalement, ces quatre régions métropolitaines ont maintenu leur part de l’effectif des sièges sociaux au cours de la période étudiée; par contre, leurs résultats respectifs ont présenté d’importantes variations.
Ainsi que nous l’avons mentionné dans notre introduction, la part de l’effectif total des sièges sociaux a augmenté à Toronto et à Calgary entre 1999 et 2002, alors qu’elle a diminué à Vancouver et, dans une moindre mesure, à Montréal. La question est maintenant de savoir comment les choses ont évolué depuis. Est-ce que le recul observé à Vancouver s’est poursuivi ou est-ce que la période de prospérité récente traversée par la ville s’est répercutée sur les sièges sociaux? Est-ce que la croissance à Toronto s’est ralentie de façon sensible par rapport à l’expansion rapide survenue à Calgary? La baisse s’est-elle poursuivie à Montréal, ou est-ce que la relance récente de son économie a permis de ragaillardir son secteur des sièges sociaux? Le tableau 1 indique le niveau de l’emploi dans les sièges sociaux à l’intérieur de ces quatre régions métropolitaines de 1999 à 2005.
Tableau 1 Nombre de sièges sociaux, emploi et taille moyenne selon la ville
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1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
|
Nombre de sièges sociaux |
Montréal |
596 |
581 |
566 |
567 |
573 |
562 |
536 |
Ottawa–Gatineau |
100 |
98 |
96 |
101 |
104 |
103 |
101 |
Toronto |
826 |
809 |
817 |
840 |
866 |
893 |
918 |
Winnipeg |
114 |
110 |
120 |
123 |
131 |
129 |
129 |
Calgary |
279 |
283 |
274 |
272 |
286 |
299 |
316 |
Edmonton |
139 |
136 |
141 |
139 |
143 |
150 |
157 |
Vancouver |
355 |
344 |
344 |
342 |
355 |
342 |
335 |
|
|
|
|
|
|
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|
Nombre d’effectifs dans les sièges sociaux |
Montréal |
36 763 |
35 959 |
33 643 |
34 061 |
35 584 |
35 905 |
36 893 |
Ottawa–Gatineau |
3 634 |
3 671 |
4 288 |
3 709 |
3 649 |
3 599 |
4 667 |
Toronto |
49 649 |
49 060 |
53 102 |
54 668 |
56 695 |
55 403 |
59 163 |
Winnipeg |
7 410 |
7 588 |
7 814 |
6 597 |
6 705 |
7 199 |
6 890 |
Calgary |
11 815 |
13 541 |
14 682 |
16 055 |
17 259 |
18 639 |
19 428 |
Edmonton |
2 972 |
2 966 |
2 488 |
2 788 |
2 680 |
2 832 |
3 428 |
Vancouver |
16 894 |
14 224 |
14 106 |
13 994 |
13 414 |
12 677 |
11 938 |
|
|
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Effectif moyen par siège social |
Montréal |
62 |
62 |
59 |
60 |
62 |
64 |
69 |
Ottawa–Gatineau |
36 |
37 |
45 |
37 |
35 |
35 |
46 |
Toronto |
60 |
61 |
65 |
65 |
65 |
62 |
64 |
Winnipeg |
65 |
69 |
65 |
54 |
51 |
56 |
53 |
Calgary |
42 |
48 |
54 |
59 |
60 |
62 |
61 |
Edmonton |
21 |
22 |
18 |
20 |
19 |
19 |
22 |
Vancouver |
48 |
41 |
41 |
41 |
38 |
37 |
36 |
|
Toronto demeure le plus important centre de sièges sociaux du pays. Le nombre d’emplois dans les sièges sociaux à Toronto a augmenté de 19 % au cours de la période examinée, de sorte que sa part de l’emploi dans les sièges sociaux, qui s’établissait à 31 % en 1999, avait grimpé à 34 % en 2005. Il n’y a eu aucun ralentissement perceptible de la croissance de l’emploi dans les sièges sociaux à Toronto durant cette période, malgré le fait que Calgary s’est hissée parmi les principaux centres du pays à ce chapitre.
Cette progression de Calgary au cours des six dernières années a été remarquable. L’emploi dans les sièges sociaux y a augmenté de 64 % durant la période en question. Ce rythme de croissance est trois fois plus élevé que celui enregistré à Toronto, qui se classe néanmoins au deuxième rang.
La croissance observée à Calgary a pour effet d’accentuer encore le recul survenu à Vancouver, où l’effectif des sièges sociaux a continué de diminuer en dépit de la vigueur économique de la ville. En 1999, Vancouver était le principal centre de sièges sociaux de l’Ouest canadien, et le niveau de l’emploi y était nettement supérieur qu’à Calgary. Mais ce niveau a diminué lors des années suivantes. Cette diminution, conjuguée avec la forte progression enregistrée à Calgary, a permis à cette dernière de supplanter Vancouver à titre de principal centre de sièges sociaux de l’Ouest.
Montréal demeure au deuxième rang des centres de sièges sociaux selon l’effectif. Entre 1999 et 2001, il y a eu une diminution du nombre d’emplois dans les sièges sociaux à Montréal; toutefois, depuis 2001, les pertes ont été entièrement comblées. Le revirement récent de l’économie de la ville semble avoir trouvé son corollaire au niveau de l’effectif des sièges sociaux. Cette remontée n’a toutefois pas été suffisante pour permettre à Montréal de maintenir la part de l’emploi dans les sièges sociaux qu’elle avait en 1999. En effet, sa part de l’effectif des sièges sociaux en 2005 était de 21 %, comparativement à 23 % en 1999.
Ottawa–Gatineau, Winnipeg et Edmonton forment un deuxième groupe de centres de sièges sociaux. L’emploi dans les sièges sociaux à Ottawa–Gatineau et à Edmonton est demeuré stable au début de la période examinée mais a connu une augmentation vers la fin. À Winnipeg, il y a eu une diminution de l’emploi dans les sièges sociaux, celle-ci survenant au milieu de la période.
Conclusion
Les craintes selon lesquelles l’augmentation des investissements étrangers puisse conduire à un exode d’entreprises canadiennes persistent, mais elles ne semblent pas fondées, du moins si l’on se fie à l’examen du nombre de sièges sociaux et de l’effectif de ces derniers. De fait, le nombre de sièges sociaux au Canada et le nombre d’emplois dans ces sièges sociaux continuent d’augmenter.
En réalité, le dynamisme du secteur des sièges sociaux au Canada est attribuable pour une bonne part aux entreprises sous contrôle étranger. C’est à ces dernières qu’est associée en totalité l’augmentation du nombre de sièges sociaux au cours des six dernières années ainsi que 60 % des emplois créés dans ce secteur. Les prises de contrôle par des intérêts étrangers n’ont pas entraîné de baisse du nombre de sièges sociaux au Canada ni de diminution du nombre d’emplois dans ces derniers. Il y a eu davantage de sièges sociaux créés que fermés à la suite de prises de contrôle par des intérêts étrangers; de plus, l’effectif des sièges sociaux était plus élevé après qu’avant la prise de contrôle. Il serait donc difficile de prétendre que la propriété étrangère d’entreprises canadiennes est associée à une diminution du nombre de sièges sociaux et à une réduction de l’effectif de ces derniers.
Il n’est pas rare que des sièges sociaux soient créés ou fermés. Plus du tiers des sièges sociaux recensés en 2005 n’existaient pas en 1999, et plus du quart des emplois de ce secteur étaient rattachés à des nouveaux sièges sociaux. À l’échelle nationale, les sièges sociaux qui disparaissent sont remplacés par de nouveaux sièges sociaux; par contre, lorsque l’on situe l’examen au niveau des régions métropolitaines, on constate que certaines ont obtenu de meilleurs résultats que d’autres. Ainsi, Calgary a confirmé sa place parmi les principaux centres de sièges sociaux. Néanmoins, Montréal se maintient au deuxième rang au pays à ce chapitre, tandis que la croissance de l’emploi dans les sièges sociaux à Toronto demeure supérieure à la moyenne. À l’opposé, le secteur des sièges sociaux a subi un net recul à Vancouver, et ce, en dépit de la prospérité L’exemple offert par Vancouver permet de situer dans une plus juste perspective l’examen de l’emploi dans les sièges sociaux. La vigueur et la croissance du secteur des sièges sociaux n’est que l’un des nombreux facteurs pouvant contribuer à la croissance économique.
Bibliographie
Baldwin, J.R. et M. Brown. 2005. Multinationales étrangères et effectif des sièges sociaux des entreprises canadiennes de fabrication. Série de documents de recherche sur l’analyse économique, no 11F0027MIF2005034 au catalogue. Direction des études analytiques. Ottawa : Statistique Canada.
Baldwin, J.R., D. Beckstead et M. Brown. 2003. Exode, rationalisation ou concentration? Analyse des sièges sociaux au Canada, 1999 à 2002. Serie de documents de recherche sur l’analyse économique, no 11F0027MIF2003019 au catalogue. Direction des études analytiques. Ottawa : Statistique Canada.
Klier, T. et W. Testa. 2002. « Location Trends of Large Company Headquarters During the 1990s ». Economic Perspectives, 2002, 2nd Quarter. Federal Reserve Bank of Chicago. 12–26.
Études spéciales récemment parues
Notes
* |
Mark Brown et Desmond Beckstead, Division de l’analyse micro-économique, (613) 951-7292. |
1 |
Baldwin, Beckstead et Brown (2003). |
2 |
Klier et Testa (2002). |
3 |
Baldwin et Brown (2005) analysent de façon plus approfondie les effets de la propriété étrangère sur l’effectif des sièges sociaux dans les industries manufacturières. |
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