Étude spéciale
Indice de diffusion du PIB
par P. Cross*
Introduction
La mesure de la propagation ou de la diffusion d’un phénomène
économique est devenue un instrument analytique de base.
Il importe de savoir si l’expansion ou la récession
est étalée ou limitée à certains secteurs.
La mesure de la diffusion permet aussi à l’analyste
de découvrir comment l’évolution qui s’opère
dans un secteur ou une région se propage à d’autres
secteurs ou régions. Ainsi, une augmentation de la production
d’automobiles stimulera la demande en amont chez les fournisseurs
et l’offre en aval chez les distributeurs avec des retombées
indirectes prenant la forme de hausses des revenus et des dépenses
des consommateurs et des entrepreneurs.
Un indice de diffusion mesure l’importance
relative des branches qui voient s’accroître leur activité
(mesurée par la production, l’emploi, les prix, les
bénéfices ou à peu près toute autre
variable d’intérêt) sur une certaine période.
Conçus par le National Bureau of Economic Research (NBER)1,
de tels indices appréhendent seulement le sens d’une
évolution par opposition aux taux de variation.
Origines
Une double considération a été à l’origine
des travaux de pionnier consacrés par le NBER aux indices
de diffusion. Premièrement, les dates de référence
des crêtes et des creux du cycle économique établies
par Burns et Mitchell reposaient sur la notion de « grappes »
de points d’inflexion d’une pluralité d’indicateurs,
autre version des indices de diffusion élaborés par
le NBER pour un certain nombre de séries chronologiques économiques.
En second lieu, ce même organisme espérait que ses
indices auraient des propriétés d’indicateur
avancé permettant de prévoir la gravité des
événements du cycle économique (Moore, 1955,
p. 14).
Ni l’une ni l’autre de ces considérations de
base n’ont gardé tout leur intérêt jusqu’à
aujourd’hui. La conception de mesures statistiques plus fines
de la macro-économie, et notamment du PIB, a rendu désuète
la méthode de datation par grappes des cycles économiques.
Il faut aussi dire que la mesure de la diffusion n’a pas bien
différencié les points de faible et de forte inflexion
du cycle économique. On ne s’en étonnera pas,
puisque les indices en question nous indiquent seulement si les
branches d’activité sont en expansion ou en contraction
sans nous renseigner sur le degré de manifestation de ces
phénomènes. Broida (analyste de la Réserve
fédérale américaine) s’exprime ainsi :
« Il serait sans doute difficile de se prononcer généralement
en faveur d’une désinformation sur l’ampleur
des phénomènes comme moyen d’amélioration
des prévisions [TRADUCTION, p. 15]. »
Il reste que les analystes du cycle économique se servent
d’indices de diffusion comme d’un des trois critères
(profondeur, étendue et durée) de caractérisation
des cycles économiques par dates de référence.
Ils s’en servent également pour dégager les
baisses de production imputables à des facteurs irréguliers
ou propres à des branches (comme les grèves ou les
intempéries) par rapport aux facteurs progressifs qui sont
normalement liés aux variations cycliques (Moore, 1955; Burns
et Mitchell, 1946; voir Cross, 1982, pour une application au contexte
canadien). De tels événements exceptionnels peuvent
soudainement ramener presque à zéro la production
d’une branche d’activité; c’est là
un changement d’ordre de grandeur que l’indice de diffusion
porte les analystes à oublier.
Dans son évolution, la recherche sur les cycles économiques
a délaissé une caractérisation descriptive
des cycles dans un grand nombre de séries chronologiques
pour une recherche plus fondamentale sur les causes et les mécanismes.
C’est ainsi que l’intérêt s’est avivé
pour les indices de diffusion, qui aident à étudier
la propagation d’une variation cyclique parmi les secteurs
de l’économie. Ils nous éclairent sur les aspects
séquentiels et cumulatifs de l’évolution cyclique,
ainsi que le fait remarquer Broida (p. 7). On en fait un usage
implicite dans les enquêtes menées auprès des
gestionnaires des approvisionnements, dans l’Enquête
sur les perspectives du monde des affaires (EPMA) de Statistique
Canada et dans les enquêtes de perceptions réalisées
par le Conference Board du Canada. Celles-ci nous disent si les
gens adoptent des attitudes plus positives ou négatives sans
nous préciser l’intensité des perceptions en
cause.
Comme toutes les mesures sommaires de l’économie, les
indices de diffusion nous dissimulent des renseignements importants.
À partir de leurs valeurs globales, il est impossible de
constater les branches génératrices du mouvement d’ensemble,
leur importance relative, leurs tendances récentes ni la
rapidité des changements visés.
Élaboration de l’indice
Il a amplement été question dans les études
spécialisées des aspects techniques de l’élaboration
d’un indice de diffusion. Comme peu de questions qui se posent
peuvent être abordées d’un strict point de vue
théorique, leur traitement final s’est trouvé
largement déterminé par les méthodes qui donnent
les meilleurs résultats dans la pratique. En général,
l’expérience nous dicte un certain nombre de règles.
Pondérés ou non, les indices
de diffusion donnent des résultats fort convergents et la
plupart font intervenir une mesure simple de la diffusion où
chaque branche d’activité a le même poids sans
égard à son importance effective dans l’ensemble
de l’économie (voir Hickman, 1958; Stekler, 1961).
Hickman a constaté en réalité que la pondération
d’ordre de grandeur (c’est-à-dire la pondération
des mouvements propres aux diverses branches par la variation qui
s’y opère) avait pour effet d’amplifier l’ordre
de grandeur cyclique des indices de diffusion, mais non leurs points
d’inflexion2. Comme le fait
observer Broida (p. 15), l’opportunité de ne plus
tenir compte de l’ordre de grandeur se situe toutefois au
cœur de la mesure de la diffusion, et la plupart des statisticiens
se sont engagés dans cette voie. On peut notamment mentionner
à cet égard les deux indices de diffusion les plus
répandus aux États-Unis, à savoir ceux de la
production industrielle de la Réserve fédérale
et de l’emploi et de la rémunération du Bureau
of Labor Statistics3.
Le rapport entre le PIB et son indice de diffusion est analogue
au réglage variable de l’éclairage d’une
pièce : l’indice est un simple commutateur; la
pondération d’ordre de grandeur est le commutateur
à réglage d’intensité; la dernière
étape du réglage d’intensité de chaque
ampoule correspond à la pondération de chaque composante
du PIB par son importance relative.
L’analyste doit aussi juger des branches d’activité
à appréhender et des valeurs de pondération
à attribuer à ces dernières. Au Canada, le
choix est largement déterminé par les données
disponibles à partir de 1981 en désaisonnalisation
au niveau de codage à deux ou trois chiffres et en dollars
constants (les mesures en pondération-chaîne ne sont
pas utilisées car elle sont disponibles que depuis 1997).
Le tableau 1 présente les branches de l’indice
avec les poids sectoriels dans le calcul du PIB à valeur
ajoutée.
Tableau 1: Répartition sectorielle du PIB et de son indice
de diffusion
|
PIB |
Indice de diffusion |
|
% |
Industrie primaire et construction |
13,9 |
13,3 |
Fabrication |
17,4 |
54,2 |
Transports et commerce |
16,3 |
8,4 |
Services aux entreprises |
30,8 |
9,6 |
Administrations publiques |
16,2 |
8,4 |
Autres services |
5,4 |
6,0 |
Total, biens |
31,3 |
67,5 |
Total, services |
68,7 |
32,4 |
|
La différence de répartition
la plus frappante entre l’indice de diffusion et le PIB même
s’observe dans les branches de biens (et notamment dans le
secteur de la fabrication) avec des valeurs approximatives de deux
tiers pour l’indice de diffusion et d’un tiers pour
le PIB à valeur ajoutée. La plus grande importance
relative des biens dans l’indice peut se justifier par leur
plus grande sensibilité aux variations de la demande4.
En contrepartie de ce poids bien supérieur de la fabrication
(36 points de plus dans l’indice que dans le PIB), il
y a un poids inférieur de 21 points pour les services
aux entreprises, secteur qui comprend l’information et la
culture (avec les télécommunications en particulier),
les finances et les affaires immobilières, les services d’administration
et de gestion et les branches « amorphes »
des services professionnels, scientifiques et techniques. Parmi
les autres secteurs dont le poids est moindre dans l’indice
de diffusion, on compte les services de distribution et de manutention
de biens (commerce et transports) et les administrations publiques.
Ces secteurs posent moins un problème à l’analyste,
car les fortunes du premier sont largement déterminées
par l’évolution de la production de biens et le second
est souvent relativement stationnaire de mois en mois.
Si on compare des indices de diffusion calculés séparément
pour les biens et les services (figure 1), ce qui ressort d’emblée,
c’est la similitude jusqu’en 1998 si on fait abstraction
des baisses plus généralisées des biens en
période de récession en 1990 et, dans une moindre
mesure, en 1981. Comme la production globale a un caractère
nettement moins cyclique dans les services que dans les biens, la
convergence des deux indices semble indiquer que les branches de
services appréhendées étaient en fait fort
cycliques, du moins avant 1998. Cela soulève la question
distincte de savoir pourquoi les baisses se sont faites moins fréquentes
dans les services après 1998; une explication partielle pourrait
en être la montée en flèche des services TIC
et des baisses moins fréquentes dans les administrations
publiques.
Figure 1
L’indice vise 83 branches d’activité
en équipondération. Chaque série reçoit
une valeur de 100, 50 ou 0 selon qu’elle est en hausse, à
caractère stationnaire5 ou en baisse.
On fait ensuite la sommation de ces valeurs et, après division
par le nombre de séries, on obtient l’indice de diffusion.
Une valeur de 50 ne veut pas nécessairement dire que la
moitié des branches d’activité sont en croissance,
puisque la production pourrait être inchangée dans
un certain nombre de branches. Le chiffre 50 nous indique plutôt
qu’il y a autant de branches en expansion qu’en contraction.
Avec des valeurs respectives de plus et de moins de 50, on sait
que, respectivement, plus et moins de branches sont en croissance
qu’en décroissance. (En pratique, une valeur lissée
inférieure à 50 a toujours été associée
à au moins un trimestre de baisse du PIB.) Une valeur de
60 nous dit (formule [60-(100-60) = 20]) qu’il y
a 20 % de plus de branches qui sont en expansion qu’en
contraction.
Une autre variable est la période de calcul de la croissance
qui peut varier d’un mois à plusieurs années,
ce qui peut aider à lisser l’indice. La Réserve
fédérale américaine calcule son indice sur
1, 3 et 6 mois. Pour le PIB canadien, l’écart-type
de l’intervalle de 6 mois est plus grand que pour l’intervalle
de 3 mois (13,5 versus 11,1). Nous avons constaté qu’une
moyenne mobile de 5 mois produit un meilleur lissage, générant
un écart-type de 6.1 (figure 2).
Figure 2
Même la différenciation des branches d’activité
en expansion et en contraction (où on remet en réalité
la barre à zéro de croissance) est arbitraire. Il
est tout aussi facile de calculer un indice de diffusion pour les
branches qui se situent au-delà et en deçà
d’un taux mensuel moyen de croissance à long terme
d’environ 0,2 % (comme on peut le voir à la figure 3).
Mais en haussant la barre de la sorte, on se trouve tout simplement
à déplacer vers le bas le niveau général
de notre indice sans changer aucune autre de ses propriétés
statistiques (comme les points d’inflexion ou ses avances),
alors que les deux séries ont une corrélation de 0,96.
Généralement parlant, si on élève la
barre à 0,2 %, la différence de niveau est plus
marquée pour l’indice dans les années 1980
et au début des années 1990 que dans la dernière
décennie, d’où l’implication que plus
de branches croissaient à un rythme de moins de 0,2 %
dans les années antérieures.
Figure 3
Indice de diffusion du PIB
La figure 4 présente l’indice
de diffusion non lissé depuis 1981 ainsi que sa version lissée
par une moyenne mobile de 5 mois6.
Le premier aspect digne de mention est la plage relativement étroite
des variations de l’indice : même au meilleur de
ses moments, celui-ci dépasse rarement 70 (son sommet record
de 78 a été établi avant l’entrée
dans le nouveau millénaire en novembre 1999); il a pris sa
valeur minimale de 27 en 1991, c’est-à-dire au plus
noir de la récession de 1982. On voit bien que, à
tout moment, il y a un grand nombre de branches qui, dans l’économie,
vont dans des sens opposés. Comme le font remarquer Burns
et Mitchell, les conditions du cycle économique ne sont jamais
tout à fait uniformes et, par moments, elles accusent des
différences marquées (p. 456). Il est facile
de relever des données fragmentaires sur des branches en
décroissance en période d’expansion et en croissance
en période de récession.
Figure 4
L’étroitesse de la plage de variation de l’indice
de diffusion illustre aussi le jeu de corde raide de l’économie
entre expansion et contraction. L’évolution des fortunes
d’un petit nombre de branches clés peut changer ce
jeu d’équilibre comme en témoigne un déplacement
des valeurs dans une douzaine de branches seulement sur 83
qui devient toute la différence entre ces deux phénomènes.
L’indice de diffusion épouse l’évolution
mensuelle du PIB; le coefficient de corrélation est de 0,90
depuis 1981 (l’indice et le PIB font l’objet d’un
lissage par moyenne mobile sur cinq mois dans la figure 5). La corrélation
étroite entre la croissance et la diffusion du PIB nous éclaire
sur la dynamique du cycle économique où expansion
et récession se produisent par une impulsion de croissance
ou de décroissance qui est très dispersée dans
l’économie, et non pas parce qu’une poignée
de branches présentent des résultats exceptionnels.
S’il y a croissance plus lente du PIB, c’est presque
toujours qu’un nombre croissant de branches sont en contraction
plutôt qu’en expansion, et non pas que la croissance
se fait plus lente dans un grand nombre de branches d’activité.
D’un point de vue statistique, l’effet de diffusion
est bien plus marqué que l’effet d’ordre de grandeur
(ce qui nous dit aussi pourquoi la pondération d’ordre
de grandeur n’ajoute guère à la puissance analytique
de tels indices). Comme Hickman (1959) l’a fait remarquer,
les conséquences sont importantes en ce qui concerne le cycle
économique, puisque les branches dont la production est en
décroissance sont plus susceptibles de comprimer nettement
leurs investissements.
Figure 5
Une exception à la situation de non-prise en compte de l’ordre
de grandeur des variations est celle des mouvements soudains sur
le plan de la diffusion. De fortes baisses de l’indice de
diffusion non lissé sont habituellement le reflet de l’action
de facteurs temporaires dans l’économie par opposition
à une propagation plus progressive des forces cycliques.
Certains des reculs les plus marqués ont été
constatés à l’occasion de la tempête de
verglas en janvier 1998 (où l’indice est tombé
de 66 à 51 en valeur mensuelle) et de la panne d’électricité
en août 2003 (où ce même indice a chuté
de 62 à 30, un de ses niveaux les plus bas jamais observées).
Dans l’un et l’autre cas, la production a rapidement
repris et, en fait, l’indice lissé n’a guère
été touché. La leçon à en tirer
est qu’il faut regarder avec circonspection, dans la perspective
du cycle économique, tout ample mouvement mensuel sur le
plan de la diffusion.
Le cycle économique tend à se manifester progressivement
à l’échelle de l’économie. Sur
le plan de la diffusion, le point d’inflexion se présente
habituellement à mi-parcours dans une période d’expansion
ou de récession. On devait relever les plus bas niveaux plus
d’une demi-année après le début de la
contraction de la récession qui a commencé en 1990.
De même, l’indice de diffusion a culminé en 1985
et en 1994, soit environ trois ans après le début
du redressement du PIB. Mais les variations les plus considérables
de la diffusion se sont produites un peu après le point d’inflexion
du cycle économique.
Propriétés d’indicateur avancé
Bien qu’épousant l’évolution mensuelle
du PIB, l’indice de diffusion ne nous renseigne pas en toute
sûreté sur ce qui est en voie de se produire dans l’économie.
Ni son niveau ni l’ordre de grandeur de son évolution
récente ne s’accordent toujours avec l’évolution
ultérieure du PIB.
Premièrement, pour un niveau donné de cet indice,
il y a une grande diversité de résultats sur le plan
de la croissance. L’indice a glissé au niveau ou sous
la barre des 40 dans les mouvements de récession qui se sont
amorcés en 1981 et en 1990, mais sous la barre des 50 en
1986, 1995 et 2003, années qui n’appartenaient pas
à une période de franche récession. En revanche,
il ne devait tomber qu’au niveau de 51,2 en septembre 2001,
c’est-à-dire dans une période au moins aussi
difficile pour l’économie que ces trois périodes
de ralentissement.
En second lieu, l’ordre de grandeur des variations de l’indice
de diffusion au début d’un cycle économique
n’a guère à voir avec l’ampleur des variations
ultérieures de l’économie. Ainsi, l’indice
lissé a gagné 40 % tôt dans les reprises de
1983 et 1991, mais le redressement du PIB qui a suivi a été
bien plus lent en 1991 (1,2 %) qu’en 1983 (5,6 %).
Une baisse de 10 points de l’indice en 1990 indiquait
un mouvement de récession qui s’amorçait, mais
les diminutions de 13 points relevées tant en 1986 qu’en
2001 n’ont pas été suivies d’un mouvement
de récession (bien que la croissance du PIB ait perdu de
son rythme à chaque occasion avec des taux de ralentissement
d’une année à l’autre variant de 6 %
en 1986 à 3 % en 2001).
Tableau 2: Indice de diffusion du PIB aux points d'inflexion cyclique*
Creux |
Indice de diffusion aux creux |
8 mois après |
Variation du PIB |
|
|
|
% |
Octobre 1982 |
41,8 |
60,4 |
5,5 |
Juin 1986 |
47,6 |
59,3 |
2,6 |
Mars 1991 |
37,0 |
51,2 |
1,3 |
Septembre 2001 |
55,1 |
63,0 |
3,4 |
|
|
|
|
Crêtes |
Indice de diffusion aux crêtes |
6 mois après |
Variation du PIB |
|
|
|
% |
Novembre 1985 |
62,5 |
49,5 |
-0,4 |
Mars 1990 |
54,7 |
44,9 |
-1,7 |
Septembre 2000 |
65,4 |
52,4 |
0,4 |
* Les points de retournement
de l'indice de diffusion pour 1986 et 2001 correspondent
à des ralentissements, et non pas à des
récessions. |
|
Pour ce qui est des avances aux points d’inflexion, on se
doit d’interpréter les valeurs de l’indice de
diffusion avec prudence. Si on compare ses points d’inflexion
à ceux du PIB, on peut voir qu’il y avait identité
en fin de récession en 1982 et que l’indice était
un peu en avance dans le cycle 1990-1992 (trois mois en crête
et un mois en creux). En contrepartie, il y a une abondance de faux
signaux qui montrent un indice en infléchissement, mais une
économie qui ne s’infléchit pas (notamment en
1986, 1995, 2000 et 2003).
Une explication de ce manque de puissance de discrimination de l’indice
de diffusion dans la prévision des mouvements qualitatifs
des cycles économiques est que les composantes appréhendées
sont choisies pour leur sensibilité aux variations cycliques
de l’économie sans qu’elles soient représentatives
en soi de l’ordre de grandeur de ces mêmes variations
dans les autres secteurs de l’économie. Le peu de propriétés
d’indicateur avancé de notre indice de diffusion est
aussi ce que révèlent les données d’enquête
sur la rémunération aux États-Unis dont les
analystes affirment après examen que leurs propriétés
prévisionnelles semblent ténues pour l’instant
(Getz et Ulmer, p. 15). Broida et Valvanis font des réserves
semblables à propos de l’indice de diffusion de la
statistique américaine de la production industrielle.
Conclusion
Notre nouvel indice de diffusion pour le PIB mesure utilement le
degré de généralisation des impulsions qui
se font jour dans l’économie. Il montre bien que le
déroulement d’un cycle économique tient à
une large propagation de mouvements d’expansion ou de contraction
à l’échelle des branches, et non pas à
la domination d’un cycle par une poignée de branches.
Il indique également que les mouvements soudains sur le plan
de la diffusion sont habituellement à attribuer à
des forces non cycliques comme les intempéries ou les perturbations
de l’offre. Les variations cycliques sont généralement
des mouvements plus lents et d’une grande étendue dans
l’économie.
L’indice de diffusion nous rappelle utilement que, à
tout point d’un cycle économique, un nombre appréciable
de branches vont invariablement dans des sens opposés. Ce
n’est pas en dressant une liste sélective de secteurs
qui sont en expansion ou en contraction qu’on prouve quoi
que ce soit au sujet de l’état général
de l’économie.
Les indices de diffusion accusent par ailleurs des lacunes. Aspect
des plus importants, un niveau ou un changement quelconque de diffusion
ne peut nous donner une indication cohérente sur l’imminence
d’une variation ni sur sa gravité. Ajoutons que les
avances aux points d’inflexion sont modestes ou inexistants,
alors que les faux signaux abondent.
L’incapacité des indices de diffusion à distinguer
les périodes de ralentissement des récession (ou les
reprises faibles et fortes) tient à la prépondérance
des branches des biens, qui forment les deux tiers de l’indice,
mais un tiers seulement du PIB. Cette constatation vaut particulièrement
pour la conjoncture actuelle au Canada où le taux de change
a la capacité d’introduire un coin entre une branche
tertiaire en croissance et une branche secondaire en décroissance.
Les indices de diffusion servent au mieux de mesure sommaire du
processus cumulatif par lequel les changements économiques
se propagent entre branches. Ils servent également à
prévoir les fortes variations d’ordre de grandeur d’une
expansion ou d’une contraction cyclique, mais en restant muets
au sujet des variations plus faibles.
Bibliographie
Broida, A. Diffusion Indexes. The American Statistician,
Vol. 9, No. 3, juin 1955.
Burns, A. et W. Mitchell. Measuring Business Cycles. National
Bureau of Economic Research, 1946.
Chaffin, C. et W. Talley. Diffusion indexes and a statistical
test for predicting turning points in business cycles. International
Journal of Forecasting, 5 (1989).
Cross, P. Les cycles d’affaires au Canada : 1950-1981.
La conjoncture économique, Statistique Canada, No. 13-004F
au catalogue, mars 1982.
Getz, P. et M. Ulmer. Diffusion indexes: a barometer of the
economy. Monthly Labor Review, avril 1990.
Hickman, B. An Experiment With Weighted Indexes of Cyclical
Diffusion. The Journal of the American Statistical Association,
Vol. 53, No. 281, mars 1958.
Hickman, B. Diffusion, Acceleration, and Business Cycles.
The American Economic Review, Vol. XLIX, No. 4, sept. 1959.
Moore, G. Diffusion Indexes: A Comment. The American Statistician,
Vol. 9, No. 4, oct. 1955.
Moore, G. The Diffusion of Business Cycles. Reprinted in
Business Cycle Indicators, Volume I, G. Moore ed., Princeton University
Press, Princeton, 1961.
Stekler, H. Diffusion Index and First Differences Forecasting.
The Review of Economics and Statistics, Vol. XLII, No. 2, mai 1961.
Valvanis, S. Must the Diffusion Index Lead? The American
Statistician, Vol. II, No. 4, oct. 1957.
* Analyse de conjoncture; pour obtenir
les données utilisées dans cette étude, contactez
S. Iliadis (613) 951-1789 ou oec@statcan.ca.
1. Voir p. 453-4
dans W.C. Mitchell, Business Cycles, University of California
Press, Berkeley, 1913.
2. Si on pondère alors
ces variations en pourcentage par leur part du PIB, le calcul revient
au PIB même.
3. Le US Bureau of Economic
Analysis produisait des indices de diffusion pour une douzaine de
grandes séries dans sa publication Business Conditions Digest,
qu’il s’agisse des nouvelles commandes, des prix, des
bénéfices, des heures hebdomadaires ou du marché
boursier. La plupart de ces séries ont pris fin lorsque cette
publication a été intégrée à
la « Survey of Current Business » en avril 1990.
4. Les statisticiens sont souvent
sur la défensive lorsqu’on évoque la plus grande
abondance de données de détail sur les branches de
biens et, plus particulièrement, sur le secteur de la fabrication.
Cette foison d’indications a aussi ses avantages, puisque
les branches manufacturières sont dans bien des cas au centre
de l’évolution du cycle économique et du mouvement
de mondialisation, par exemple. La possibilité de segmenter
la production est bien plus grande chez les fabricants que chez
les exploitants de l’industrie primaire ou tertiaire où
la production est relativement simple. Voilà pourquoi les
tendances commerciales ont bien plus changé dans le cas des
fabricants.
5. Les branches à caractère
stationnaire n’ont jamais constitué moins de 6 %
du total pendant le plus clair de la décennie 1980,
mais récemment la proportion n’était plus que
de 1 %.
6. La plupart des figures et
des tableaux présentent la version lissée, mais le
texte se rapporte aux données non lissées, sauf indication
contraire.
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