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11-010-XIB
L'Observateur économique canadien
Février 2006

Étude spéciale

Nouvelles tendances du marché du travail: toutes à l’opposé des années 1990

par P. Cross*

Introduction

Dans un article paru dans le numéro de mars 2005 de l’Observateur économique canadien, on signale que plusieurs tendances du marché du travail qui se sont établies dans les années 1990 se sont inversées depuis l’an 2000. Au nombre des faits les plus dignes de mention, mentionnons la reprise de l’emploi dans l’industrie de la construction et le secteur des ressources, plus particulièrement en régions rurales, au moment même où disparaissaient des emplois en fabrication, notamment des emplois en haute technologie et dans l’industrie de l’automobile appartenant presque uniquement aux grandes villes. Dans l’industrie tertiaire, l’emploi a plafonné dans les services informatiques et il s’est rétabli dans les services publics après avoir régressé dans les années 1990. La remontée dans les sociétés multinationales du secteur des ressources et dans les administrations publiques a également favorisé la croissance de l’emploi dans les grands établissements. Par ailleurs, les travailleurs âgés ont de plus en plus répondu à cette demande croissante de main-d’œuvre.

Notre propos sera de voir si ces tendances se sont maintenues en 2005. Pour résumer, disons que la plupart de ces tendances récentes se sont accentuées au cours de la dernière année1. Notons en particulier que l’année a été excellente pour le secteur des ressources et l’industrie de la construction, ce qui s’est traduit par une plus ample progression de l’emploi dans les zones rurales et les grandes entreprises. En ce qui concerne l’offre de main-d’œuvre, les travailleurs plus âgés ont continué à combler la majeure partie des nouveaux postes. Surtout, la croissance de l’emploi a été plus rapide que celle de la population active, ramenant le chômage à un seuil jamais vu en 30 ans et stimulant les salaires réels. Marquant une nouvelle tendance, l’emploi à plein temps rend compte du gros de cette croissance, surtout en Alberta et en Colombie-Britannique où des pénuries de main-d’œuvre ont commencé à se manifester.

Croissance de l’industrie

Dans l’ensemble, l’emploi a fait un bond de 7 % l’an dernier dans le secteur des ressources naturelles non agricoles; c’est la plus forte augmentation qui ait été observée depuis 1988. L’emploi dans le secteur des ressources a été en hausse pendant cinq des six dernières années, ce qui tranche vivement sur les sept baisses annuelles relevées dans les années 1990, décennie où le recul a été de 14 %. Le redressement de l’emploi dans l’industrie primaire s’explique par l’incessante montée de l’activité pétrolière et gazière qui a annulé les pertes ans les forêts.

Figure 1

L’extraction minière (sans l’extraction pétrolière et gazière) a dominé au tableau d’ensemble des industries avec une progression de 16 % de l’emploi l’an dernier, ce qui mettait fin à une tendance à la baisse depuis 1990, laquelle avait fait disparaître presque la moitié de tous les emplois de cette industrie. Quant aux mines métalliques, elles ont été portées en avant par la fermeté des prix, dont beaucoup ont atteint un sommet en plus d’une décennie. Plus de la moitié des nouveaux emplois se trouvaient en Ontario et au Québec. Les mines de charbon ont aussi secoué une léthargie longue d’une décennie, notamment en Colombie-Britannique grâce à la croissance de la demande en Chine.

Dans l’industrie de l’extraction pétrolière et gazière, on pouvait toujours observer une croissance à deux chiffres. Tous les sous-secteurs étaient en progression avec de nouveaux travaux de mise en valeur des sables pétrolifères et la mise en exploitation de nouveaux gisements au large de Terre-Neuve et avec l’intensification de la recherche de nouvelles sources d’approvisionnement énergétique propres à remplacer les énergies classiques qui s’appauvrissent.

Dans l’industrie de la construction, l’emploi s’est élevé de 7 % après des hausses de 5 % dans chacune des trois dernières années, mais les sources de croissance se sont déplacées au cours de l’année. La construction résidentielle a ralenti l’an dernier. Précisons que les mises en chantier d’habitations avaient augmenté chaque année depuis l’effondrement des taux d’intérêt à la suite des attentats du 11 septembre. Cette faiblesse de l’an dernier a été plus que compensée par une flambée des investissements non résidentiels tant en bâtiments qu’en travaux de génie.

La croissance de l’industrie de la construction a pu s’appuyer sur le constant essor des investissements en Alberta, mais on pouvait aussi constater de forts gains en Colombie-Britannique où il fallait soutenir l’infrastructure du commerce avec l’Asie et entreprendre les travaux de construction en prévision des Olympiques d’hiver de 2010. Dans les provinces centrales, le fléchissement de la demande industrielle a été contrebalancé par des gains dans le secteur public et par la fermeté de la demande commerciale en Ontario qui s’attache notamment aux entrepôts et aux tours à bureaux.

Figure 2

Dans le secteur public, l’emploi a marqué une nouvelle avance de 2 %, poursuivant son redressement depuis les compressions des années 1990. L’éducation a mené le mouvement avec une hausse de 7 %, car les universités ont multiplié les mesures d’embauchage. Dans le secteur hospitalier, l’emploi a aussi crû de 5 % en raison de la hausse du financement.

Les tendances récentes n’étaient pas toutes nouvelles. Il y a des industries bien portantes dans les années 1990 qui ont continué à progresser fermement, y compris en 2005. Les services aux entreprises ont profité de l’inévitable tendance à externaliser une grande diversité de services. La finance et l’immobilier ont pu compter sur une prolifération des nouveaux instruments financiers, ainsi que sur la croissance des marchés des actions, des marchés de matières premières et de l’habitation. Une forte demande d’investissement a constitué un aiguillon pour les services architecturaux, les services de génie et les services juridiques, les entreprises ayant formé des plans d’expansion. Enfin, les services de sécurité sont demeurés en croissance rapide sur la lancée provoquée par les attentats du 11 septembre.

Tableau 1 Moyenne annuelle de la croissance de l'emploi par industrie*

  1990-2000 2000-2004 2004-2005
  %
Redressements      
Mines -1,7 4,3 12,3
Construction -0,1 4,4 7,1
Immobilier -1,1 2,6 5,3
Hôpitaux -0,2 2,3 5,0
Administration publique -0,8 1,7 0,9
Vente au détail 0,6 2,5 2,2
       
Replis      
Services informatiques 31,8 0,7 4,0
Ordinateurs et électronique 4,4 -7,9 4,1
Autos 4,1 0,4 -2,6
Vêtements -1,6 -4,6 -14,6
Transport aérien 0,7 -3,9 4,3
Aide temporaire 11,6 0,9 -10,2
Messageries 6,0 -1,2 1,8
       
Tendance inchangée      
Services aux entreprises1 4,7 3,5 3,3
Éducation 1,6 1,6 6,8
Services de consommation 2,4 2,2 -0,1
Manutention 2,2 1,2 1,3
* Ces industries comptent pour 70 % de tous les emplois.
1. Sans les services de systèmes informatiques.

Dans le commerce, l’emploi a été stimulé par les grossistes dans un contexte de reprise des échanges internationaux. Dans le commerce de détail, on a constaté des hausses à deux chiffres pour les magasins de matériaux de construction, de produits électroniques et d’appareils électroménagers. Depuis l’an 2000, la croissance de l’emploi dans les services a déjà dépassé ses gains de la décennie 1990 en grande partie à cause de résultats supérieurs pour les ventes au détail.

En revanche, nombre d’industries qui menaient bon train dans les années 1990 se sont tout simplement enlisées. L’emploi en fabrication s’est contracté de 3,7 % l’an dernier, restant en proie à un marasme qui avait commencé avec l’éclatement de la bulle de la haute technologie vers la fin de l’an 2000 et qui s’était encore aggravé lorsque le taux de change s’était mis à monter en 2003.

Figure 3

Chez les constructeurs automobiles, les pertes d’emplois persistent depuis 2001 après une décennie de progression rapide. Il reste que presque toutes les industries de fabrication ont éliminé des emplois l’an dernier dans un contexte de valorisation du dollar et de hausse du prix des matières premières qui a rétréci les marges bénéficiaires. Par ailleurs, l’intensification de la concurrence des importateurs a causé une décroissance à deux chiffres de l’emploi dans le textile et le vêtement, ce qui devait accentuer un dérapage ayant débuté en 1999. On a également relevé des baisses à deux chiffres pour l’industrie du meuble. Enfin, il y a eu de nouveaux licenciements dans les industries du bois d’œuvre et des pâtes et papiers qui, l’une et l’autre, emploient environ le tiers de travailleurs de moins qu’en 1990.

L’Ontario et le Québec ont subi le gros des pertes dans le secteur de la fabrication, mais l’emploi a aussi fortement baissé en Alberta. Il semblerait que, dans cette dernière province, le recul de 9 % a plus à voir avec une pénurie de main-d’œuvre qu’avec l’affaissement de la demande, puisque 42 % de ses fabricants ont signalé en fin d’année des pénuries pour la main-d’œuvre qualifiée et 20 %, pour la main-d’œuvre non spécialisée.

En dehors du secteur de la fabrication, diverses industries qui s’en étaient bien tirées dans les années 1990 continuent à éprouver des difficultés dans la décennie en cours. Dans les services informatiques, l’emploi a encore plafonné après avoir mené pour la croissance dans la décennie 1990. Une légère reprise l’an dernier a laissé l’emploi à un niveau supérieur de moins de 3 % au niveau de 2001, alors que celui-ci avait triplé dans la dernière décennie.

Mentionnons deux autres industries, celles des bureaux de placement temporaire et des transports aériens, qui ont elles aussi été des chefs de file dans les années 1990, pour ralentir par la suite. En 2005, l’emploi a encore fléchi de 10 % dans les services de placement temporaire. La fermeté du marché du travail, qui a fait descendre le taux de chômage à son plus bas niveau en 30 ans, a aussi fait qu’il y a eu moins d’emplois dans les services de sécurité sociale pour la première fois depuis l’essor économique de la fin des années 1990, car le nombre de dossiers d’assistés sociaux a tout probablement continué de diminuer.

Les transports aériens ont considérablement régressé, bien sûr, après les attentats du 11 septembre, mais ils avaient déjà ralenti auparavant, les entreprises ayant réduit leurs budgets de déplacements. Ces difficultés ont mené à une réorganisation de l’industrie en 2004, qui s’est redressée l’an dernier et l’emploi y a repris.

La remontée des voyages en provenance d’outre-mer a amené divers autres développements. Dans les services touristiques, l’emploi a atteint de nouveaux sommets et, dans le secteur de l’hébergement, il s’est redressé après avoir fléchi l’an dernier. Les casinos et les jeux de hasard sont cependant toujours gênés par la faiblesse des voyages en provenance des États-Unis. Toutes ces industries liées aux voyages ont été en expansion rapide dans les années 1990, plus particulièrement celle des jeux de hasard.

Figure 4

Le secteur forestier a constitué la seule grande exception à l’essor causé par les prix records des produits de base, restant dans un marasme qui dure déjà depuis 10 ans et qui a fait chuter l’emploi de 4 % en le rabattant à son plus bas niveau depuis 1987. L’emploi en agriculture (emploi principal) s’est élevé de 5 %, effaçant une partie des pertes cuisantes qu’il avait récemment essuyées dans une période de sécheresse et de maladie.

Dans les années 1990, les emplois de cols blancs ont augmenté bien plus rapidement que les emplois de cols bleus, lesquels ont même carrément diminué sauf en fabrication, mais pour ensuite opérer un redressement, et ce, depuis l’an 2000. Cette remontée s’est trouvée interrompue l’an dernier par les licenciements qui ont eu lieu dans les industries de fabrication; il reste que les autres emplois de cette catégorie sont restés en croissance soutenue en raison de la vigueur du secteur des ressources et de l’industrie de la construction. Quant aux emplois de cols blancs, ils sont en remontée depuis 2000 avec des gains dans les services aux entreprises et le secteur public (surtout la santé et l’éducation).

Figure 5


Les grands établissements prédominent

Les grandes multinationales dominent dans le secteur de l’extraction minière, pétrolière et gazière. Si on considère l’expansion à deux chiffres de ce secteur et la progression nourrie du secteur public, on ne s’étonnera pas que les grands établissements (comptant plus de 500 employés) aient été le moteur de la croissance de l’emploi comme elles le sont généralement depuis l’an 2000. L’emploi y a été en hausse de 6 % l’an dernier, un des meilleurs gains relevés dans la grande entreprise depuis que ces données ont commencé à être colligées en 1997. Les employeurs de taille intermédiaire (comptant de 20 à 500 employés) suivaient avec une hausse de 1,1 %.

Les petites entreprises (comptant moins de 20 employés) étaient à la traîne comme elles l’ont été pendant le plus clair de la décennie en cours, contrairement à ce qui s’était passé dans la dernière décennie où elles avaient dominé au tableau de la croissance de l’emploi, surtout dans le secteur des TIC.

Le bond de l’emploi dans les grandes entreprises a donné lieu à une multiplication des emplois de syndiqués qui ont dépassé en croissance pour une rare fois depuis 1997 les emplois non syndicalisés.

Les régions rurales devancent les régions urbaines

Dans les petites villes et les régions rurales, l’emploi a crû de 1,3 % l’an dernier comparativement à 1,4 % dans les régions urbaines. L’emploi augmente au même rythme en région rurale qu’en région urbaine depuis 2001, alors qu’il accusait un retard de croissance de moitié dans la dernière décennie (un changement de définition des régions urbaines et rurales au recensement nuit aux comparaisons avec les années 1990).

Figure 6

Ce mouvement dans les régions rurales du Canada a été encore plus saisissant en 2005. L’affaiblissement de l’emploi dans les petites villes nous empêche de voir un bond de 4,1 % dans les régions purement rurales. Cette faiblesse dans les petites villes peut tenir à la fermeture d’établissements forestiers, alors que, dans les régions rurales, l’emploi était favorisé par la reprise de l’activité minière et agricole.

La perte d’emplois en fabrication a frappé les régions urbaines et rurales. L’emploi a crû plus rapidement en construction dans les premières et un commerce des produits de base qui bat son plein a fait monter l’emploi dans les secondes, plus précisément dans l’industrie primaire et les transports.

Il suffit de regarder quelles régions ont présenté en 2005 les meilleurs gains en matière d’emploi pour bien se rendre compte de la reprise des régions rurales. Le nord du Manitoba a été en tête avec une augmentation de 10 %. L’Athabasca le suivait de près grâce aux progrès considérables de la mise en valeur de ses sables pétrolifères. La renaissance de l’activité minière a aidé le nord et l’intérieur de la Colombie-Britannique. Le Cap-Breton a mené la région de l’Atlantique pour la croissance de l’emploi avec une hausse de 6,5 %, la sixième en importance pour les 68 régions économiques visées par l’Enquête sur la population active. Enfin, la Saskatchewan rurale a pu profiter d’une reprise en agriculture.

La croissance a toutefois été plutôt inégale dans les régions rurales à cause de pertes dans le secteur forestier. La fermeture d’un certain nombre de scieries et de papetières a causé des pertes d’emplois dans plusieurs régions rurales du Nouveau-Brunswick, du Québec et du nord de l’Ontario. Malgré la faiblesse de la demande, l’activité forestière a été stable à l’intérieur de la Colombie-Britannique en partie par suite des coupes répétées que l’on a pratiquées pour stopper la propagation du dendroctone du pin.

Dans les villes l’an dernier, l’emploi a souffert de pertes dans les localités où les bases industrielles ont rétréci. Des trois premières villes du pays, Montréal est celle qui a subi le pire sort (l’emploi augmente de 1 % seulement) par des pertes en fabrication, notamment dans le textile et le vêtement. Hamilton a également perdu des emplois à cause d’une activité de fabrication en décroissance. Dans les villes occupées par l’industrie automobile, les résultats ont été inégaux : pertes d’emplois à Windsor, mais croissance ferme à Oshawa.

Dans certaines capitales provinciales, des emplois ont stagné même si cet indicateur était en croissance dans le reste de la province. Le phénomène était des plus clairs à Halifax, à Winnipeg et à Regina. Victoria est une exception digne de mention avec une industrie de la construction qui a nourri la croissance la plus rapide (+5 %) observée à l’échelle des villes canadiennes.

Toronto et Vancouver ont fait bande à part dans cette tendance à l’affaiblissement de la croissance de l’emploi dans les villes avec des augmentations de plus de 2 %. Si elle a perdu des emplois en fabrication, la ville de Toronto a pu compenser ces pertes par d’amples gains dans les secteurs des finances, de l’éducation, du commerce et de la construction. Le rôle de Vancouver comme plaque tournante du commerce avec l’Asie a fait largement progresser l’emploi dans le commerce et les transports, phénomène auquel s’est ajouté un bond dans l’industrie de la construction.

En Alberta, il semblerait que la solide croissance de l’emploi dans les régions rurales s’est opérée en partie au détriment de l’emploi dans les plus grandes villes de cette province. Dans l’ensemble, l’emploi a un peu régressé à Edmonton, ce qui a fait contrepoids à un léger gain à Calgary. Ces chiffres nous masquent cependant des déplacements appréciables entre les industries. Il y a en effet eu des pertes d’emplois relativement peu rémunérés dans l’hôtellerie, la restauration et la fabrication, car les travailleurs ont été attirés par de meilleurs emplois ailleurs en région urbaine (plus particulièrement dans les services aux entreprises et dans le secteur public) ou par des emplois dans le secteur des ressources et en construction en région rurale. Le même phénomène explique probablement le recul de l’emploi en agriculture dans cette province. Le chômage a évolué une fois de plus en baisse à Calgary et à Edmonton en raison de la constante fermeté du marché du travail.

Augmentation de l’emploi à plein temps

La vigueur du marché du travail a fait se déplacer l’emploi du temps partiel vers le plein temps, évolution ménagée en partie par la vive croissance du secteur des ressources, de l’industrie de la construction et du secteur public qui, tous, comptent relativement peu de travailleurs à temps partiel. Il semble cependant que les pénuries croissantes de main-d’œuvre aient joué le plus grand rôle : elles auraient incité les employeurs à transformer des postes à temps partiel en postes à plein temps pour répondre à des besoins grandissants de main-d’œuvre, tout en permettant aux travailleurs à temps partiel de secteurs faibles comme celui de l’hôtellerie-restauration de se mettre en quête de meilleures possibilités d’emploi ailleurs.

Figure 7

Ce déplacement vers l’emploi à plein temps s’est amorcé après 2003 et, depuis, l’emploi à plein temps a progressé de 4 %, alors que l’emploi à temps partiel a diminué. Le mouvement s’est accéléré l’an dernier avec des hausses respectives de 1,6 % et 0,5 % seulement pour l’emploi à plein temps et l’emploi à temps partiel, et ce, au rebours même de ce qui s’était passé dans les années 1990 où l’emploi à temps partiel avait augmenté plus de deux fois plus vite (de 22,5 % versus 8,5 %).

L’idée que les pénuries sont le grand moteur de cette dynamique se trouve confirmée par les tendances régionales. En Alberta, l’emploi à plein temps a crû de 2,5 % et l’emploi à temps partiel a décru de 3,2 %. Il y a aussi eu infléchissement en faveur de l’emploi à plein temps en Colombie-Britannique (hausse de 3,9 % contre 1,1 % pour l’emploi à temps partiel) et le taux de chômage est tombé à un bas niveau record. Dans le reste du Canada, l’emploi à plein temps et l’emploi à temps partiel ont progressé de 1 %.

La préférence marquée pour les travailleurs à plein temps se remarquait invariablement dans toutes les branches d’activité où l’emploi est en hausse depuis 2003. On peut y voir en partie le fait que l’industrie de la construction et le secteur des ressources aient surtout des emplois à plein temps. Il faut cependant tenir compte des industries qui emploient normalement en grande partie des travailleurs à temps partiel, notamment l’industrie du commerce de détail. Dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration où l’emploi à temps partiel occupe aussi la place d’honneur, on constate des baisses de l’emploi depuis 2003.

On a relevé d’autres signes d’un marché du travail qui approche du plein-emploi. La semaine moyenne des travailleurs à plein temps s’est allongée une deuxième année de suite; elle diminuait constamment depuis 1994. Par ailleurs, toute la contraction de l’emploi à temps partiel depuis 2003 est imputable à la baisse d’un tiers du nombre de travailleurs incapables de trouver de l’emploi à plein temps (nombre qui est passé de 145 000 en 2003 à 96 000 l’an dernier). Enfin, il y a 9 % de travailleurs de plus qui ont fait des heures supplémentaires l’an dernier, notamment dans les professions de cols blancs (les compressions en fabrication ont eu un effet d’amortissement sur les heures supplémentaires des cols bleus).

Un autre signe indique le resserrement du marché du travail, les débrayages qui ont été plus nombreux en 2004 et 2005 qu’au cours de toutes les autres périodes de deux ans depuis une décennie. Il était évident que certaines grèves étaient motivées par l’occasion découlant des prix élevés et de la robustesse de la demande, notamment dans les mines (en particulier le minerai de fer) et au port de Vancouver. Par contre, il y a eu peu d’incitatif à la grève dans le secteur de la fabrication.

La croissance moyenne du salaire horaire s’est accélérée à 3,2 %, un sommet depuis la chute de la haute technologie au début de la décennie. Même en tenant compte de la recrudescence des prix de l’énergie, la croissance réelle des salaires est de 1 %, la meilleure depuis 1997. Avec la croissance régulière de l’emploi, la croissance totale du revenu du travail est passée de 4 % dans les dernières années à plus de 5 %.

Par province, la tendance des augmentations de salaire indique que le resserrement du marché du travail en Alberta et en Colombie-Britannique est un facteur important. L’an dernier, le salaire horaire moyen en Alberta a crû de 6,6 % (la croissance était de 2,3 % en 2004). En Colombie-Britannique, il n’y avait eu aucune augmentation en 2004, mais un gain de 2 % en 2005. La croissance des salaires a été peu marquée en Ontario, à 3 %, tandis qu’au Québec, au Manitoba et en Saskatchewan, elle a ralenti d’au moins un point de pourcentage.

Augmentation de l’emploi chez les travailleurs de plus de 55 ans

Les tendances cycliques de la demande de l’industrie se superposent à la toile de fond que représente l’inexorable vieillissement de la population canadienne. La main-d’œuvre âgée se serait certes inévitablement accrue avec les premiers représentants de la génération du boom des naissances qui atteignent cette année l’âge de 60 ans, mais cette croissance s’est trouvée amplifiée par la fin du déclin dans le secteur des ressources, l’industrie de la construction et le secteur public qui, tous, emploient des travailleurs relativement âgés.

Figure 8

Ceux-ci se sont faits encore plus présents en 2005. Le nombre de travailleurs de 55 ans et plus a augmenté de 6,2 % l’an dernier et le nombre de travailleurs de moins de 55 ans, de 0,7 % seulement. C’est une tendance qui remonte à 1996 à la différence de bien des éléments d’évolution de la demande de main-d’œuvre que nous avons évoqués et qui ne datent que des premières années du nouveau millénaire. L’année 1996 est le point d’inflexion où la proportion que représente la population de plus de 50 ans s’est mise à croître largement.

Les facteurs conjugués de la multiplication des travailleurs âgés et de l’accroissement des probabilités de maintien de l’activité sur le marché du travail ont constamment fait monter la contribution apportée par le groupe des 55 ans et plus à la croissance globale de l’emploi. Depuis 1996, la part de toute cette croissance que détiennent les travailleurs de 55 ans et plus a été en progression soutenue, passant de 19 % à 58 % l’an dernier (elle était en moyenne de moins de 10 % dans les années 1980). Elle continuera à s’élever, puisque le groupe le plus en croissance dans la population est celui des 50 à 55 ans.

Figure 9

L’activité croissante des travailleurs âgés sur le marché du travail met fin à une tendance à long terme à la retraite anticipée. On n’en comprend pas entièrement les raisons. L’effondrement boursier de 2001 a précipité le mouvement, mais celui-ci était déjà bien engagé et s’est poursuivi même si le marché a rebondi. Le changement d’attitude de la génération du baby-boom à l’égard de la retraite paraît jouer un rôle, alors que les gouvernements ont aboli la retraite obligatoire.

Figure 10

Dans une récente étude, on a constaté que le quart des travailleurs qui avaient pris leur retraite entre 1992 et 2002 étaient revenus sur le marché du travail, plus particulièrement les professionnels en bonne santé. Moins de la moitié (38 %) ont cité des considérations financières comme motif de ce retour au travail. Près de la moitié (45 %) ont pris des emplois à temps partiel2.

Un plus grand désir des employeurs de garder leurs travailleurs âgés semble aussi avoir joué comme facteur. Pendant le plus clair de la décennie 1990, les industries où la main-d’œuvre était plus âgée ont réduit leurs effectifs, plus particulièrement le secteur primaire, l’industrie de la construction, les administrations publiques et l’industrie des loisirs (sans oublier le secteur de la fabrication pendant son marasme des premières années de la décennie 1990). Souvent, ces branches d’activité ont recouru à des encouragements à la retraite anticipée pour mieux comprimer leurs effectifs.

Aujourd’hui, ces mêmes industries sont les chefs de file de la croissance, notamment chez les travailleurs âgés. Dans le groupe des 55 ans et plus, l’emploi a le plus augmenté dans le secteur de l’extraction minière, pétrolière et gazière (+114 %) dans les cinq dernières années. Parmi les autres secteurs où la main-d’œuvre âgée a connu une progression supérieure à la moyenne, mentionnons les loisirs (+79 %), l’administration publique (+65 %), les services de santé (+60 %) et les transports (+55 %). On peut penser qu’une grande partie de ces gains tiennent plus à une diminution des taux de retraite qu’à une augmentation des taux d’embauchage.

Le trait distinctif de la génération du boom des naissances dans le marché du travail a toujours été sa scolarisation supérieure à celle des générations qui l’ont précédée. De cette meilleure scolarisation témoigne la proportion de gens âgés de 55 à 64 ans qui ont fréquenté le palier postsecondaire, pourcentage qui a monté en flèche, passant du quart environ en 1990 à la moitié l’an dernier à mesure que le baby-boom affluait dans cette cohorte.

Les travailleurs âgés ont de plus en plus l’instruction et les compétences qu’apprécient les employeurs. Depuis 1995, 94 % des travailleurs de 55 ans et plus qui se sont ajoutés avaient fréquenté le palier postsecondaire; on peut noter un gain de 126 % dans le cas des titulaires d’un grade universitaire. Ainsi, les employeurs à la recherche de travailleurs possédant un bagage postsecondaire n’avaient guère d’autre choix que de se tourner vers les travailleurs âgés : près de 40 % des travailleurs plus instruits avaient plus de 45 ans l’an dernier; c’est près du double de la proportion en 1990.

Figure 11

Ce qui est intéressant avec ce nombre croissant de travailleurs plus âgés et plus instruits, c’est que ceux-ci sont plus susceptibles de demeurer sur le marché du travail et de trouver un emploi. Le taux d’activité des 55 ans et plus ayant un certain bagage postsecondaire est près du double de celui des gens qui ont fait les études secondaires ou moins, et c’est un écart qui s’accroît depuis 1990. Les 55 à 69 ans ont aussi deux fois plus de chances de trouver un emploi. Leur taux d’emploi s’établit à 40 % contre 21 % pour les travailleurs qui n’ont fait que les études secondaires ou moins encore.

Pour accentuer le vieillissement de la population active, les jeunes ont continué à se retirer du marché du travail. Leur taux d’activité a fléchi de 1,1 point à 65,9 %, une deuxième baisse de suite malgré un taux de chômage plus bas. Ce récent recul qui a eu lieu malgré la fermeté du marché du travail s’est accompagné d’une hausse de la fréquentation scolaire. Le taux d’activité des jeunes a constamment régressé de 1990 à 1997, passant de 70 % à 62 % avant de revenir à 67,4 % en 2003.

Conclusion

On ne s’étonnera pas que nombre de variations observées dans le domaine de l’emploi depuis le début de la décennie duraient encore l’an dernier. L’explication en est que les facteurs déterminants de la situation économique ont récemment continué à se renforcer. Une croissance vigoureuse en Chine et aux États-Unis a soutenu les cours des produits de base dans le cas de l’énergie et des métaux. Des bénéfices records et une forte exploitation des capacités ont stimulé les investissements et une troisième hausse annuelle consécutive du taux de change a obligé les fabricants à se défaire de travailleurs ou à relever leur rendement.

Sur le marché intérieur, les consommateurs dépensent toujours davantage. Fortes de leurs riches excédents, les administrations publiques ont aussi accru leurs dépenses dans les services, notamment en santé et en éducation. Le seul grand changement de tendances des dépenses l’an dernier a été le ralentissement d’un marché de l’habitation qui bat son plein depuis 2001.

Cette évolution s’est répercutée sur la nature et la répartition des emplois. La reprise du secteur des ressources a aidé à ranimer l’emploi dans bien des régions rurales après des décennies de recul; elle a été aiguillonnée en plus par la relance de l’activité agricole l’an dernier. Le regain de faveur de ces industries a fait monter la demande de travailleurs âgés, qui avaient déjà une place de choix sur le marché du travail du fait du vieillissement de la population. En revanche, un grand nombre de régions urbaines ont subi des pertes d’emplois en fabrication.

Études spéciales récemment parues


Notes

* Analyse de conjoncture (613) 951-9162.
1 Sauf avis contraire, toutes les données représentent des moyennes annuelles tirées de l’Enquête sur la population active.
2 Voir G. Schellenberg, M. Turcotte et B. Ran, « L’emploi après la retraite », dans L’emploi et le revenu en perspective, vol. 6, no 9, publication no 75-001-XIF au catalogue.

 



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Date de modification : 2008-11-21 Avis importants
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