Étude spéciale
Un secteur florissant - La croissance récente de la floriculture
par C. Bloskie*
Introduction
La majeure partie du développement économique
du Canada a été centrée sur les ressources
naturelles du pays. À cet égard, aucun secteur n’a
joué un rôle plus déterminant que celui de l’agriculture,
notamment par la mise en valeur de la région céréalière
des Prairies, au début du siècle dernier. En raison
de la place prédominante occupée par les céréales,
et en particulier le blé, dans notre mémoire collective1,
certaines tendances récentes du secteur agricole sont passées
en grande partie inaperçues.
Ainsi, la majorité des Canadiens seraient probablement étonnés
d’apprendre que les recettes de floriculture talonnent, en 2002, les recettes
de blé, devancées de seulement 20 % par le total de 2,3 milliards
de dollars qu’a rapporté la culture du blé. Le présent
article décrit le déplacement des activités agricoles vers
les produits de floriculture et de pépinière qui est observé depuis
quelques années et indique quelles sont les provinces à l’origine
de la croissance de ce secteur ainsi que les raisons pour lesquelles les exploitants
agricoles trouvent ces types de culture plus attrayants.
Recettes provenant de la floriculture2
Au cours de trois dernières décennies, le secteur de la floriculture
a vu sa production passer de 44 millions de dollars à
1,8 milliard de dollars (en 2002). Les seuls replis de la croissance
dans ce secteur ont eu lieu au cours des récessions de 1982
et du début des années 1990 (période au cours
de laquelle les recettes du blé avaient dégringolé
encore plus, soit d’un tiers). La proportion du total des
recettes des cultures affichée par le secteur de la floriculture
est passée de 2,4 % en 1971 à 12,8 % en
2002, tandis que la proportion de la culture du blé a chuté
au cours de la même période et est passée de
34,6 % à 16,1 %.
Figure 1
Bien que le blé soit encore roi au Canada, en particulier
dans les Prairies, des conditions météorologiques
changeantes, des prix en baisse et des coûts qui vont en augmentant
ont encouragé le secteur agricole à diversifier ses
cultures. Une des conséquences de cette diversification est
que les recettes provenant du blé ont chuté et sont
passées de 3,5 milliards de dollars en 1997 à
2,3 milliards de dollars en 2002, alors que les recettes du
secteur de la floriculture ont augmenté durant cette période
et sont passées de 1,1 milliard de dollars à
1,8 milliard de dollars.3
Plusieurs facteurs ont favorisé la croissance du secteur de la floriculture.
Certains de ces facteurs sont liés à la nature des exploitations
agricoles. Comme dans le cas des céréales, la production en serre
et en pépinière est concentrée de plus en plus dans un petit
nombre de très grandes exploitations, de sorte que des économies
d’échelle permettent d’accroître l’efficacité des
activités. En outre, les serres peuvent être érigées à proximité des
clients, ce qui permet de limiter le plus possible les coûts de transport.
La floriculture a également tendance à être une activité plus
spécialisée que tout autre type de culture, ce qui augmente la
rentabilité de la production, mais au prix d’une plus grande vulnérabilité aux
variations de la conjoncture et des prix.
Un autre facteur favorable est la hausse de la demande, qui est accentuée
par le vieillissement de la population, la popularité du
jardinage comme activité de loisir et l’effervescence
du secteur de la construction de nouvelles habitations. Les recettes
provenant de la floriculture sont concentrées en Ontario
(50,5 % en 2002), en Colombie-Britannique (23,1 %), au
Québec (11,2 %) et en Alberta (6,2 %), c’est-à-dire
dans des provinces où l’on compte également
le plus grand nombre de mises en chantier.
Figure 2
Recettes des serres4
En 2002, la floriculture a représenté 70 % des
revenus provenant des cultures en serre (les 30 % restants
ayant été tirés de la production de légumes).
Les ventes du secteur de la floriculture, qui est composée
de fleurs et de plantes ornementales, ont progressé de 10 %,
par rapport à 2001, pour se chiffrer à 1,42 milliard
de dollars. Les grossistes canadiens ont représenté un
quart des ventes, qui ont précédé les ventes
des grandes chaînes de magasins, les ventes directes aux
consommateurs et les ventes des fleuristes détaillants;
8 % de la production a été exportée.
Les provinces du centre du Canada et la Colombie-Britannique ont
dominé le marché, avec des proportions de 63 %
et de 22 % respectivement. Les provinces des Prairies ont
représenté 9,5 % de la production totale et
près de la moitié de toutes les ventes directes aux
consommateurs. Dans les provinces de l’Atlantique, les revenus étaient
répartis entre la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick
et provenaient principalement des ventes des chaînes de magasins
et des ventes directes.
Les produits de pépinière sont des plantes vivantes (cultivées
en plein champ ou dans des contenants) qui sont vendues avec leur système
radiculaire intact. Ces produits, qui comprennent les plantes vivaces et les
plantes annuelles, vont des arbres et des arbustes aux rosiers et aux plantes
en plates-bandes. En 2002, les ventes de produits de pépinière
ont augmenté de 5 % pour se chiffrer à un peu plus de 500 millions
de dollars. Près de la moitié de ces revenus ont été enregistrés
en Ontario, principalement par les ventes aux centres de jardinage et aux entrepreneurs
paysagistes, le reste des ventes étant réparti entre les détaillants,
les grandes chaînes de magasins, d’autres cultivateurs de produits
de pépinière et d’autres acheteurs. La Colombie-Britannique
détenait un tiers du marché total des produits de pépinière
(avec une répartition similaire des ventes), le Québec et les
Prairies représentaient des parts de 10 %, et la région
de l’Atlantique, une part de 2 %. Au Québec, les ventes ont été dominées
par les centres de jardinage, alors que dans les Prairies, ce sont les entrepreneurs
paysagistes qui représentaient la part principale des revenus.
Tendances provinciales
La figure 3 montre que la part du lion des recettes de la floriculture appartient
aux provinces du centre du pays, même si cette prédominance
a beaucoup diminué au fil du temps. La Colombie-Britannique
augmente constamment sa part, tandis que les Prairies conservent
la leur et que les provinces de l’Atlantique perdent du terrain.
Figure 3
L’Ontario joue un rôle prédominant dans le secteur de la
floriculture du Canada. Bien que la part des recettes de l’Ontario ait
diminué dans la même proportion dans laquelle celle de la Colombie-Britannique
a augmenté, elle représente toujours plus de 50 % du total.
(Grâce à des progressions constantes observées depuis 1994,
la floriculture représente maintenant un quart du total des recettes
des cultures de l’Ontario, alors qu’en 1971, elle ne représentait
que 6 % de ce total.) Le Québec a conservé sa part des revenus,
qui se situe entre 11 % et 12 %, au cours des trois dernières
décennies, atteignant un sommet de 15 % au début des années
1990. La croissance a augmenté au cours des deux dernières années
pour atteindre un taux de 18,5 % en 2002, soit le double du taux affiché par
l’Ontario.
La Colombie-Britannique est la province qui a enregistré la plus forte
croissance dans le secteur de la floriculture au cours des trois dernières
décennies. Après des bonds à deux chiffres observées à la
fin des années 1980 et à nouveau en 2000, le taux de croissance
a diminué à 7,4 % en 2002. La part de cette province du
total des recettes de la floriculture a augmenté de manière constante,
atteignant près de 23 % en 1990; cette proportion a été maintenue
jusqu’en 2002. En 1990, la floriculture avait atteint un sommet de 41 %
du total des recettes des cultures de la Colombie-Britannique, et après
un léger recul, cette branche d’activité a remonté presque
jusqu’à ce niveau. En Colombie-Britannique, un climat plus tempéré permet
d’exploiter des serres pendant une période moyenne de 8,9 mois
par an, comparativement à des périodes de 8,7 mois par an
en Ontario et de seulement 6,8 mois par an au Québec, et de réduire
ainsi les coûts de production. La Colombie-Britannique est également
arrivée en tête au chapitre de la croissance des exportations
au cours des dix dernières années, ce qui explique en grande
partie l’augmentation de sa part de marché et le recul enregistré dans
les provinces du centre du Canada.
Dans les Prairies, la floriculture n’a fait que des progrès mineurs
par rapport à la prédominance de la culture de céréales.
La Saskatchewan est depuis longtemps le principal producteur de blé du
pays, et elle représente encore 51 % de la production totale, mais
son secteur de la floriculture ne représente que 1,8 % du total
canadien relatif à cette branche d’activité. Toutefois,
bien que la sécheresse ait fait chuter de près de 20 % les
recettes monétaires provenant de la culture du blé en 2002, les
recettes de la floriculture ont fait un bond de 34 %, après des
progressions similaires enregistrées au cours des deux années
précédentes, ce qui laisse penser qu’une certaine diversification
est en cours. Le blé continue néanmoins de représenter
près d’un tiers du total des recettes des cultures de la Saskatchewan,
alors que la proportion de la floriculture demeure inférieure à 1 %,
en dépit de la récente croissance affichée par ce secteur.
Les contributions de l’Alberta et du Manitoba à la production
du secteur canadien de la floriculture se situent autour de 6 % et 2 %
respectivement. Bien que ces provinces soient toutes deux d’importants
producteurs de blé, la part du blé dans le total des recettes
des cultures de chacune d’elles a beaucoup diminué au cours des
deux dernières décennies, passant de plus de la moitié à seulement
un quart (en 2002). Toutefois, la part perdue au chapitre de la culture du
blé n’a pas été remplacée par la floriculture,
dont la contribution au total canadien est demeurée assez constante.
Ce sont plutôt le canola, l’orge et la pomme de terre qui ont contribué à renforcer
les recettes des cultures.
Dans les provinces de l’Atlantique, la floriculture représente
une part beaucoup plus faible du total des recettes canadiennes provenant des
cultures, avec une proportion d’un peu plus de 5 %. Sauf à l’Île-du-Prince-Édouard,
la floriculture contribue toutefois de plus en plus au total des cultures.
Ainsi, à Terre-Neuve-et-Labrador, la proportion des recettes monétaires
des cultures provenant de la floriculture et des pépinières a
augmenté et est passée de 25 % à plus de 60 %
au cours des trois dernières décennies. En Nouvelle-Écosse,
la croissance a fluctué, mais le secteur de la floriculture représente
de manière constante environ 25 % du total des recettes des cultures
de la province. Au Nouveau-Brunswick, la part de la floriculture est passée
d’à peine 1 % à 20 % du total. Le Nouveau-Brunswick
est la seule province à avoir affiché un recul (-2,9 %)
dans les recettes de la floriculture en 2002. Toutefois, une tendance caractérisée
par un léger fléchissement après plusieurs années
de forte croissance semble être plutôt courante. Globalement, le
Nouveau-Brunswick représente la part plus importante, parmi les provinces
de l’Atlantique, du total canadien des recettes de la floriculture depuis
1998, lorsqu’il a devancé la Nouvelle-Écosse, dont la part
du total a diminué graduellement durant la majeure partie des 30 dernières
années pour atteindre 2 % en 2002.
Part du total des recettes de la floriculture et des pépinières du Canada
|
1971 |
1981 |
1991 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
T.-N.-L. |
0,0 |
0,6 |
0,5 |
0,6 |
0,6 |
0,6 |
0,5 |
0,5 |
0,5 |
0,6 |
0,6 |
Î.-P.-E. |
0,0 |
0,7 |
0,1 |
0,2 |
0,2 |
0,1 |
0,1 |
0,1 |
0,1 |
0,1 |
0,1 |
N.-É. |
8,2 |
2,9 |
2,4 |
3,1 |
2,8 |
2,8 |
2,6 |
2,5 |
2,2 |
2,1 |
2,0 |
N.-B. |
1,5 |
1,0 |
1,4 |
1,3 |
1,4 |
2,2 |
3,2 |
3,3 |
2,7 |
2,8 |
2,5 |
Atlantique |
9,8 |
5,2 |
4,4 |
5,2 |
5,0 |
5,7 |
6,4 |
6,5 |
5,6 |
5,5 |
5,1 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Québec |
11,2 |
11,7 |
13,8 |
14,3 |
12,6 |
12,3 |
12,8 |
11,6 |
9,7 |
10,3 |
11,2 |
Ontario |
62,5 |
55,5 |
49,1 |
47,3 |
47,0 |
46,1 |
47,3 |
50,3 |
51,1 |
50,4 |
50,5 |
Centre du Canada |
73,7 |
67,2 |
62,9 |
61,6 |
59,6 |
58,4 |
60,1 |
61,9 |
60,8 |
60,7 |
61,7 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Manitoba |
1,2 |
1,8 |
2,3 |
2,4 |
2,3 |
2,1 |
2,3 |
2,1 |
2,2 |
2,1 |
2,0 |
Saskatchewan |
0,4 |
1,1 |
1,2 |
1,2 |
1,4 |
1,4 |
1,2 |
1,1 |
1,1 |
1,5 |
1,8 |
Alberta |
7,0 |
7,8 |
6,3 |
6,5 |
5,5 |
6,2 |
5,3 |
5,7 |
6,5 |
6,6 |
6,2 |
Prairies |
8,6 |
10,7 |
9,8 |
10,1 |
9,1 |
9,7 |
8,8 |
8,9 |
9,9 |
10,2 |
10,0 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
C.-B. |
7,9 |
16,9 |
23,0 |
23,1 |
26,3 |
26,3 |
24,7 |
22,7 |
23,7 |
23,6 |
23,1 |
Conclusion
En dépit des variations régionales observées
dans le développement du secteur de la floriculture et des
pépinières au cours des trois dernières décennies,
la tendance globale a été caractérisée
par une augmentation constante des recettes. Grâce à la
capacité de maîtriser les conditions climatiques à l’intérieur
des serres et à l’effervescence du marché de
l’habitation, la floriculture est maintenant une source importante
des recettes agricoles des cultures du Canada. La popularité des
activités de jardinage chez les aînés et le
vieillissement de la population contribue également à favoriser
la croissance dans ce secteur.
Études spéciales récemment
parues
Notes
* Analyse de conjoncture (613) 951-3634.
1. Voir par exemple H. A. Innis,
The Wheat Economy, dans Essays in Canadian Economic History,
M. Innis, réd., University of Toronto Press, 1956.
2. La culture de floriculture
comprend les établissements dont l’activité
principale est la culture des produits de floriculture et la
production de matériel de propagation. Les données
sont ajustées pour tenir compte des ventes entre fermes est
comprennent les recettes de pépinières.
3. Les classifications sont
quelque peu trompeuses, étant donné que la culture
du blé représente environ la moitié du total
du secteur céréalier, tandis que la floriculture et
les pépinières comprennent une grande variété
de fleurs, d’arbres et de gazons.
4. Les données sur les
ventes totales sont extraites de l’enquête de 2002 sur
la culture de serre, les gazonnières et les pépinières
(no 22-002-XIB au catalogue), lesquelles sont ajustées pour
tenir compte des ventes entre fermes.
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