La surveillance des eaux usées montre encore des niveaux persistants de SRAS-CoV-2 à mesure que la société reprend ses activités, février à décembre 2022
Diffusion : 2023-06-12
Statistique Canada, en partenariat avec le Laboratoire national de microbiologie de l'Agence de la santé publique du Canada, continue d'effectuer la collecte des réponses à l'Enquête canadienne sur les eaux usées (ECEU) afin de mieux connaître les niveaux de SRAS-CoV-2, le virus à l'origine de la COVID-19, présents dans les eaux usées de cinq municipalités canadiennes (région métropolitaine de Vancouver, Edmonton, Toronto, Montréal et Halifax). Au fur et à mesure que la pandémie de COVID-19 évolue, cette enquête continue de fournir de précieux renseignements sur l'évolution des niveaux d'infection dans la population.
Après la première vague liée au variant Omicron (décembre 2021 à mars 2022), on a assisté à un assouplissement progressif des mesures de santé publique à l'échelle du pays (p. ex. les exigences en matière de port du masque ont été levées en février et en mars 2022) et des tests cliniques. Pour de nombreux Canadiens, c'est comme si la vie était revenue à la normale. Au cours de cette période, l'ECEU continuait de montrer des niveaux élevés de virus circulant dans les eaux usées de l'ensemble des cinq municipalités, et les données de Statistique Canada sur la COVID-19 au Canada indiquaient que le nombre de décès attribuables à la COVID-19 était le plus élevé à ce jour en 2022.
En fait, l'analyse des résultats obtenus à partir des eaux usées pour la période de référence la plus récente pour laquelle ils étaient disponibles (de janvier à décembre 2022) montre que, dans la région métropolitaine de Vancouver, à Edmonton et à Halifax, les charges virales dans les eaux usées étaient presque aussi élevées (ou plus élevées) que lors de la première vague liée au variant Omicron. Cela pourrait être attribuable au fait que les gens se sont comportés différemment lorsque les restrictions ont été levées, ce qui a multiplié les possibilités de propagation du virus. Parallèlement, une augmentation des taux de vaccination et de l'immunité acquise par l'infection a joué un rôle dans la limitation de la gravité des conséquences. Ces changements dans le comportement sociétal, l'immunité et les modifications du virus continuent de se refléter dans l'analyse actuelle des eaux usées, dans laquelle des niveaux élevés du virus continuent d'être observés.
Ces résultats montrent que la surveillance continue du virus SRAS-CoV-2 (ou d'autres maladies infectieuses) au moyen des eaux usées permet de fournir des renseignements précieux pour la prise de décisions au chapitre de la santé publique.
Les signaux relatifs au SRAS-CoV-2 dans les eaux usées sont demeurés aussi élevés que ceux recueillis lors de la première vague liée au variant Omicron à Halifax, à Edmonton et à Vancouver en 2022, lorsque les restrictions en matière de santé publique ont été levées
À partir de 2021, Statistique Canada a produit l'Indice quotidien des restrictions liées à la COVID-19, qui attribue une valeur numérique aux restrictions en matière de santé publique à l'échelle provinciale et territoriale. En utilisant cet indice à titre de référence, nous avons examiné les changements au fil du temps dans les niveaux de SRAS-CoV-2 présents dans les eaux usées, lesquels représentent près du quart de la population canadienne. On a observé qu'avant l'arrivée du variant Omicron au Canada, qui s'est produite au début de décembre 2021, et l'assouplissement des mesures de santé publique, il y a eu des sommets distincts de concentration virale dans les eaux usées coïncidant avec des vagues d'infections. Après l'assouplissement des mesures de santé publique (p. ex. confinements), la concentration virale dans les cinq municipalités a augmenté et a affiché une grande variabilité, ce qui donne à penser que la transmission virale a augmenté à mesure que la société s'est remise en marche.
Bien que les pratiques scientifiques exemplaires actuelles recommandent d'éviter une comparaison directe à la valeur nominale entre les municipalités, il existe des similitudes dans la façon dont le profil général du SRAS-CoV-2 dans les eaux usées a changé après l'assouplissement ou l'élimination des restrictions en matière de santé publique dans la province où chacune d'entre elles sont situées.
La première infographie (infographie 1) montre à la fois la charge virale du SRAS-CoV-2 par habitant présente dans les eaux usées de Halifax, du début de 2021 jusqu'au début de 2023 (ligne bleue), et l'Indice quotidien des restrictions liées à la COVID-19 pour la Nouvelle-Écosse, du début de 2021 jusqu'au milieu de 2022 (ligne orange). La charge virale mesurée dans les eaux usées de cette municipalité était la plus élevée et la plus variable en 2022 par rapport aux autres points durant la pandémie. Les taux les plus élevés de SRAS-CoV-2 à Halifax sont survenus peu après que les restrictions provinciales en matière de santé publique ont été réduites à leurs plus bas niveaux. Plus précisément, ces restrictions ont été éliminées pour la plupart vers la fin de mars 2022, et la charge virale la plus élevée a été observée à la mi-juillet 2022, moment où la charge virale mesurée était environ 10 fois plus élevée que celle observée avant l'émergence du variant Omicron.
La tendance à Montréal, où le variant Omicron est arrivé au début de novembre 2021, était légèrement différente. La charge virale est devenue modérément élevée et irrégulière après l'émergence du variant Omicron dans cette municipalité (infographie 2), et peu après l'augmentation des restrictions provinciales en matière de santé au début de 2022, qui visaient à lutter contre la propagation du variant Omicron, la charge virale a diminué. Cependant, comme les restrictions ont été réduites plus tard en 2022, la charge virale a de nouveau augmenté. Toronto a affiché une tendance semblable à celle de Montréal, présentant un niveau de charge virale plus bas durant l'été et l'automne (infographie 3).
Dans les eaux usées d'Edmonton, une tendance plus intense et plus variable est apparue à mesure que les restrictions ont été réduites au début de mars 2022. La charge virale était très élevée pendant la plus grande partie de 2022, alors que des signaux étaient comparables en intensité à la première vague liée au variant Omicron (infographie 4).
Les données de la région métropolitaine de Vancouver affichent une tendance semblable à celle affichée à Edmonton, présentant une charge virale maximale comparable à la vague survenue avant l'apparition d'Omicron et des vagues Omicron (infographie 5).
Dans l'ensemble, les données sur les eaux usées montrent non seulement que le virus n'a pas disparu, mais que sa présence a augmenté considérablement dans l'ensemble du Canada en 2022, et que le variant Omicron est demeuré une préoccupation pour la santé publique. En fait, selon les décomptes hebdomadaires provisoires de Statistique Canada, le nombre de décès attribuables à la COVID-19 au Canada était plus élevé en 2022 qu'en 2021 (16 260 décès ont été enregistrés en 2022, alors qu'en 2021, on en a dénombré 14 745) même si l'Enquête canadienne sur la santé et les anticorps contre la COVID-19 de Statistique Canada a montré que l'immunité de la population est maintenant plus élevée qu'elle ne l'était en 2021.
L'avenir de la pandémie et l'épidémiologie par les eaux usées au Canada
Au fur et à mesure que la pandémie évolue, quelques scénarios pourraient se produire. Un scénario possible est celui selon lequel le virus disparaîtrait de la population, auquel cas il ne serait pas détecté à des niveaux considérables dans les eaux usées. Un autre scénario est celui selon lequel le virus deviendrait endémique, affichant une tendance semblable à celle observée durant la seconde moitié de 2022, où la charge virale est restée modérée ou élevée. Les mesures actuelles semblent indiquer que le deuxième scénario est plus probable, mais il est encore trop tôt pour le dire. Dans un scénario endémique, la surveillance des eaux usées restera utile pour plusieurs raisons. Par exemple, si un nouveau variant plus grave se met à émerger, ce système peut aider à déterminer où cela se produit et à quelle vitesse ce variant se propage, ce qui peut alors éclairer la prise de mesures de santé publique ou la triangulation avec d'autres données. Les eaux usées peuvent également fournir des éclaircissements sur les tendances futures potentielles de la maladie virale, qu'elle soit saisonnière comme la grippe, dont l'incidence est plus élevée en hiver, ou plutôt comme l'adénovirus, un autre virus respiratoire qui provoque des infections tout au long de l'année.
Note aux lecteurs
L'analyse des eaux usées peut compléter d'autres indicateurs épidémiologiques portant sur le fardeau de la COVID-19 (comme le nombre d'hospitalisations ou de décès) tout en étant une méthode rapide, rentable (un test par collectivité par rapport à de nombreux tests individuels) et facile à déployer, en particulier dans les régions éloignées où les ressources pour effectuer des tests cliniques systématiques peuvent être limitées. Elle continue d'être un indicateur important du cours de la pandémie de COVID-19 qui complète les autres données épidémiologiques.
Statistique Canada a joué un rôle de premier plan au Canada dans l'établissement d'un premier programme national sur les eaux usées en 2018, grâce à un projet pilote visant à évaluer les répercussions de la légalisation du cannabis. L'Enquête canadienne sur les eaux usées a permis d'estimer les niveaux de diverses substances réglementées et non réglementées dans les eaux usées de plusieurs villes canadiennes depuis 2019.
Au début de la pandémie en 2020, il est rapidement devenu évident pour la communauté scientifique que, en raison de l'élimination du virus SRAS-CoV-2 dans les selles humaines, ce virus pourrait être détecté et quantifié dans les eaux usées. Même les personnes infectées par le SRAS-CoV-2 qui sont asymptomatiques peuvent éliminer le virus dans leurs selles. Au début de 2020, Statistique Canada a entamé une collaboration avec l'Agence de la santé publique du Canada sur un programme d'épidémiologie fondée sur les eaux usées, visant à détecter et à surveiller les niveaux de SRAS-CoV-2 présents dans les eaux usées de cinq villes canadiennes, représentant près de 8,7 millions de Canadiens. Cette collaboration fait partie des programmes nationaux et provinciaux bien établis de surveillance des eaux usées pour les maladies infectieuses, qui sont largement utilisés pour la prise de décisions en santé publique.
L'Indice quotidien des restrictions liées à la COVID-19 (5373) a été élaboré à Statistique Canada et attribue une valeur numérique à la sévérité des mesures de confinement relatives à la COVID-19 pour les provinces et les territoires, et la couverture actuelle va de janvier 2020 à juillet 2022 (tableau 33-10-0496-01). L'indice intègre les restrictions propres à des milieux et contextes comme les garderies, les écoles, les milieux de travail, les commerces de détail non essentiels, les salles de conditionnement physique, les salons de coiffure et de beauté, le transport en commun, les événements publics, les voyages au pays et à l'étranger, la restauration sur place, les rassemblements intérieurs, les rassemblements extérieurs et les campagnes d'information à l'intention du public. La valeur de l'indice varie de 0 (aucune restriction) à 100 (toutes les restrictions sont aussi strictes que possible). L'indice a d'abord été calculé pour le document de recherche « Mesurer la corrélation entre les restrictions liées à la COVID-19 et l'activité économique », qui fait partie de la série Études analytiques : méthodes et références (). 11-633-X2022003
Limites
Malgré les avantages énumérés ci-dessus, l'approche comporte des limites méthodologiques et analytiques, ce qui signifie que les résultats doivent être interprétés avec prudence.
Les échantillons ne sont recueillis que deux fois par semaine, ce qui peut limiter l'interprétation des données et la modélisation des tendances dans des délais restreints tout en conservant l'exactitude des tendances globales.
Les aspects analytiques comportent aussi des limites :
- 1) Les estimations de la charge virale sont grandement influencées par les techniques de normalisation lorsqu'on utilise différents indicateurs de la concentration en matières fécales dans les eaux usées. Ces données ont été normalisées par population et présentées sous forme de copies virales par millilitre pour 100 000 personnes.
- 2) Une certaine variabilité a été observée lorsque différentes fractions du même échantillon d'eaux usées sont analysées à plusieurs reprises.
- 3) Des facteurs externes, comme la température, peuvent avoir des effets importants. Les différences de température ambiante pour une année influeront sur la stabilité des particules génomiques du virus présentes dans les eaux usées, ce qui aura une incidence sur l'exactitude au cours des mois chauds. La fonte des neiges, les inondations, les pluies excessives et les conditions de sécheresse contribueront à la dilution ou à la concentration du signal viral.
Compte tenu de la nature de ces limites, il ne faut pas comparer à leur valeur nominale les résultats entre les villes individuelles.
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